Lubna Azabal, Présidente de la 12e édition des Magritte

C’est donc la comédienne belge Lubna Azabal qui présidera le 4 mars prochain la 12e édition des Magritte du Cinéma. Un titre bien mérité, au vu de sa prolifique filmographie, où on la retrouve aux quatre coins du monde, servant avec une régularité qui force le respect un cinéma d’auteur exigeant et engagé, tout en revenant de temps à autre enrichir le cinéma belge (La Marche, Hellhole, Tueurs, Rebel) de sa présence percutante.

Plus que jamais, la comédienne est dans l’oeil du cyclone! On a encore en tête sa performance remarquable dans Rebel d’Adil et Bilall sorti à l’automne dernier, dont nous avions pu discuter avec elle, pour laquelle elle brigue d’ailleurs un quatrième Magritte, après ceux reçus pour Incendies de Denis Villeneuve, La Marche de Nabil Ben Yadir, et Tueurs de François Troukens et Jean-François Hensgens. Elle vient également de recevoir une étoile sur le Walk of Fame du Festival d’Ostende, où elle présentait Le Bleu du Caftan, le nouveau film de Maryam Touzani qu’elle avait déjà accompagnée dans Adam (elle nous en parlait ici), qui y décrochait d’ailleurs le Grand Prix et le Prix de la Presse. On la verra aussi bientôt en Belgique espère-t-on dans Pour la France de Rachid Hami, film fort et intense découvert en clôture du Festival de Namur.

Elle succède à la présidence de cette Cérémonie à Thierry Michel, Pascal Duquenne, Patar & Aubier, Natacha Régnier, Virginie Efira, Marie Gillain, François Damiens, Emilie Dequenne, Yolande Moreau et Bertrand Tavernier.

Petit retour sur sa riche trajectoire…

A l’origine, Lubna Azabal ne voulait pas être comédienne, mais reporter de guerre. Seulement voilà, reporter de guerre, ça ne s’apprend pas à l’école, alors en attendant, elle tente le Conservatoire de Bruxelles. Elle y découvre le plaisir du jeu, et fait ses premiers pas chez Marian Handwerker, avec Mahmoud Ben Mahmoud dans Les Siestes Grenadines, ou aux côtés d’un certain Olivier Gourmet dans le court-métrage de Vincent Lannoo, J’adore le cinéma. Un titre prémonitoire, sûrement…

Alors qu’elle hésite encore, c’est André Techiné lui-même, qui lui donne un premier rôle dans Loin en 2001, qui va la convaincre de poursuivre sur ce chemin. Ce qui avait alors commencé comme une parenthèse va se transformer en une magnifique aventure, qui va la mener aux quatre coins du globe. Riche d’origines multiples, Lubna Azabal va voir sa carrière se déployer à l’international, bien au-delà des frontières de la Belgique où elle revient de temps à autre pour quelques rôles forts. Si la rencontre avec Téchiné a été déterminante (elle le retrouvera en 2004 pour Les Temps qui changent), les rendez-vous avec le destin s’enchaînent pour la comédienne belge. En 2004, elle va pour la première fois à Cannes avec Exils, de Tony Gatlif, qui y remporte le Prix de la Mise en scène. Elle croise très vite Nadir Moknèche pour Viva Laldjerie, autre collaboration fructueuse, puisqu’elle le retrouvera ensuite pour Goodbye Morocco et Lola Pater.

Dans « Exils »

En 2005, Paradise Now d’Hany Abu-Assad lui offre un ticket pour Hollywood, en remportant le Golden Globes du Meilleur film étranger. Lubna Azabal décroche alors quelques petits rôles dans de grosses productions, dont Mensonges d’Etat de Ridley Scott. Mais son cœur la mène plus près de ses préoccupations, artistiques, personnelles, politiques même.

En 2011, sa rencontre avec le cinéaste canadien Denis Villeneuve va marquer un tournant dans sa carrière. Dans Incendies, adapté de la pièce de théâtre éponyme de Wajdi Mouawad, elle-même inspirée de la vie de la militante communiste libanaise Souha Bechara, elle interprète Nawal Marwan, une femme au passé âpre, prisonnière politique détruite par 15 années d’emprisonnement. Le film voyage dans le monde entier, de Venise à Sundance, enchainant les Prix du public à Namur, Rotterdam ou Valladolid. Il collectionne les trophées lors des grandes cérémonies canadiennes (9 aux Jutra, 8 aux Génies), et vaut en 2012 à Lubna Azabal son premier Magritte de la Meilleure actrice.

Tel-Aviv-On-Fire-Lubna-Azabal
Dans « Tel Aviv on Fire »

Celle pour qui être actrice est un véritable voyage intérieur qui lui permet de s’enfermer dans sa bulle pour échapper à la réalité parcourt pourtant le monde à travers sa riche filmographie. Véritable globe-trotteuse cinéphile, accroc à la comédie, elle contribue à travers ses choix de films à explorer les plaies et les blessures de nos sociétés, osant tous les registres, de l’irrésistible diva capricieuse de Tel Aviv on Fire, génial récit du quotidien d’une sitcom entre Jérusalem et Ramallah à la survivante de l’apocalypse de l’impressionnante série L’Effondrement, en passant par la figure d’Antigone moderne qu’elle compose dans Pour la France de Rachid Hami, découvert en clôture du Festival de Namur.

Ces dix dernières années, elle est à l’affiche de près d’une trentaine de longs métrages, et se distingue également à la télévision, où on la voit notamment dans Trepalium, la série Arte de Vincent Lannoo auprès duquel elle a débuté, mais aussi dans Les Rivières Pourpres, Nox, Braqueurs, ou encore dans la saison 2 de La Trêve.

Dans « Rebel »

Elle revient régulièrement en Belgique, accompagnant la carrière de cinéastes débutants comme de cinéastes plus aguerris, ce qui lui vaut de gagner deux autres Magritte du Cinéma, celui de la Meilleure actrice dans un second rôle pour La Marche de Nabil Ben Yadir, puis celui de la Meilleure actrice pour Tueurs de François Troukens et Jean-François Hensgens. Elle est d’ailleurs en lice cette année pour son incroyable performance dans le film d’un autre duo de réalisateurs belges, Rebel d’Adil El Arbi et Bilall Fallah.

On la retrouvera le 29 mars prochain à l’affiche du Bleu du caftan, le nouveau film de Maryam Touzani dévoilé au Festival de Cannes, et qui vient de remporter le Grand Prix et le Prix de la Presse au Festival d’Ostende. D’ici là, elle sera sur la scène du Théâtre National Wallonie-Bruxelles le 4 mars prochain pour enchanter cette 12e édition des Magritte du Cinéma.

 

 

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