Ana couche avec Hugo, Dalhia avec Graciano, Léo avec Louis et Arthur avec tout le monde. Entre fêtes et amours surgissent les remises en question, les désirs profonds et l’urgence de vivre. Even Lovers Get the Blues dresse le portrait amoureux et sexuel d’une jeunesse désabusée mais passionnée.
Léo couche avec Louis, Dahlia couche avec Graciano, Graciano ne sait plus avec qui il préfèrerait coucher, Arthur couche à gauche à droite, et Anna couche avec Hugo. Mais une nuit, après d’agités ébats, Hugo ne se réveille pas. Traumatisée, Ana va devoir faire son deuil, et se réconcilier avec son corps. Elle le maltraite, un peu, ne l’écoute plus, beaucoup, jusqu’au dégoût, pour finalement le laisser reprendre le dessus, et retrouver sa liberté. Ana, Dahlia, Graciano, Louis, Léo, Arthur se croisent et se décroisent, entre soirées bruxelloises et parties de campagne. Leurs amours et désamours se tissent au fil du temps et des saisons, dans les bars bondés de l’hiver bruxellois, sur les bords printaniers d’un lac, ou dans la chaleur estivale des jardins secrets de la ville. Des toilettes d’un bar aux alcôves d’une boîte de nuit, d’un canapé-lit à une plage désertée, les corps se mélangent, et les amours se perdent, se cherchent et finissent parfois par se (re)trouver. Les couples se font et se défont, expérimentant une sexualité protéiforme, en quête de sentiments exaltants qui leur permettent de se sentir vivre. Laurent Micheli observe le malaise de sa génération, qui dans une société précarisée tente à sa modeste mesure de réinventer le sexe et l’amour.
Pas question ici de jeter un voile pudique sur un sein ou un sexe. Even Lover Get the Blues offre un panorama de pratiques sexuelles décomplexées ou non, au service d’une quête sociale et identitaire à travers la (ré)appropriation de leurs corps d’une bande de trentenaires plombée par une sorte de morosité générationnelle. Une fois l’exposition passée, et les corps libérés (en tous cas à l’écran), la valse des personnages peut s’enclencher, emportant dans son sillage frustrations, inhibitions, réticences et fausses pudeurs, dans ce tourbillon de sentiments où se mêlent amour, amitié, attraction et répulsion. Mais loin d’être l’objet d’une pure provocation, cette liberté sexuelle affichée crûment sur l’écran sert le propos du réalisateur, et répond à une certaine liberté formelle de Laurent Micheli, qui venant du théâtre, aborde son film sans passif, vierge du langage du cinéma que l’on apprend à l’école. Alternant les séquences filmées au plus près des corps, dans l’effervescence de leurs tourments, ou les séquences plus chorégraphiées venant ponctuer le récit, il ose les décalages et les fulgurances pop.
Au casting, on retrouve une troupe de comédiens (Gabriel da Costa, Adriana da Fonseca, Marie Denys, Séverine Porzio, Arnaud Bronsart, Tristan Schotte) qui trouvent tous ici leur premier rôle principal sur grand écran, et habitent avec la conviction et la légèreté des premières fois les personnages.
Even Lovers Get the Blues, produit par Stenola et Grenade, qui avaient déjà produit ensemble Tokyo Anyway, a reçu le Prix de la Critique UCC/UPCB lors du dernier Festival International du Film Francophone de Namur.