Christelle Cornil est une demoiselle fort attachante. Et une comédienne captivante. Jusqu’ici plutôt cantonnée à des seconds rôles, voire à de simples apparitions dans de gros films coproduits chez nous. Jusqu’ici…
« Après Au Cul du Loup, j’ai recommencé ce type de participations plus réduites », explique Christelle attablée dans un salon retiré de l’hôtel Manos à Ixelles où elle assure avec son ami Pierre Duculot la promotion de son premier long métrage en vedette. « Je me suis alors rendu compte, un peu plus clairement qu’avant, combien ce type de performance est terriblement compliqué. On n’a que quelques jours pour s’imprégner d’un rôle et d’un climat, que quelques scènes pour exister. Mon travail dans Au Cul du loup a été totalement différent. Je m’y suis investie à fond pendant des mois, mais tout tournait autour de moi et, dans le fond, c’est plus facile. »
Pour Christelle, Au Cul du Loup tombe à pic. Parce qu’elle est totalement épatante dans de petits rôles, qu’elle parvient à faire exister ses personnages en quelques répliques, elle risquait d’être cantonnée à des apparitions plus ou moins courtes. Son Magritte obtenu l’an dernier pour Illégal confirmait d’ailleurs cette impression.
Un an plus tard, Christelle peut pleinement savourer sa prestation sur le film de Pierre Duculot qui va enfin sortir en salles et sans aucun doute attirer l’attention de nombreux professionnels sur son travail. Son investissement sur le projet a été total. Sa composition, formidable
Pour donner de l’épaisseur à son héroïne, Pierre Duculot avait écrit une longue analyse de sa personnalité, puis l’a remise à Christelle qui se l’est appropriée.
« J’ai beaucoup travaillé sur cette base », confirme l’actrice. « J’ai aussi réfléchi à cette Christina que je devais devenir et j’ai à mon tour écrit tout ce que je ressentais lorsque je me projetais dans le rôle. J’avais besoin de cette démarche intellectuelle pour m’imprégner totalement de sa personnalité, savoir qui elle était vraiment, comment je devais réagir dans n’importe quelles circonstances. Ça m’a beaucoup facilité le travail sur le tournage. Ce n’est pas la première fois que je procédais ainsi. Il y a quelques années, j’ai été engagée pour un job par la police fédérale. Je devais répondre à des simulations d’interrogatoires. Pour être convaincante, il fallait que je compose des personnages jusque dans leurs moindres détails, que je sois capable de répondre à toutes les questions. Il fallait être préparée à fond, car certains interrogatoires ont duré plus de deux heures et tout devait être absolument cohérent. »
Cette démarche passionnante a permis à Christelle de donner plus de consistance, de chair et d’âme encore à Christina, un personnage qui n’est ni l’actrice, ni le réalisateur, mais qui tire sa substance de leurs expériences, individuelles ou communes. Le résultat est à l’aune du travail fourni et de l’exceptionnelle complicité nouée depuis des années entre les deux artistes. Une relation rare et entière qui donne ici naissance à un des plus beaux personnages vus ces derniers mois sur un écran de cinéma: une femme à la fois fragile et forte, effacée et teigneuse, douce et obstinée, à l’écoute des autres, mais fidèle à elle-même. Têtue et sensible. Éprise de liberté.
[La photo de Christelle à Flagey et celle de Christelle et Pierre au Fiff sont signées Marianne Grimont]