Sortie ce mercredi 5 septembre de Breathless, avec lequel Daniel Lambo livre un documentaire choc, menant une enquête implacable sur le scandale de l’amiante, de Kappelle-op-den-Bos, son village natal, à Kymore au centre de l’Inde.
Daniel Lambo, réalisateur flamand, est né en 1968. Il a passé toute son enfance dans le petit village de Kappelle-op-den-Bos. Une enfance heureuse, à l’ombre des usines Eternit. Il faut dire que l’usine emploie une bonne partie des hommes du village. Mieux encore, elle contribue à son édification, en offrant notamment des matériaux pour la construction d’une école, équipant les maisons ouvrières… Et enfouissant ses déchets à l’orée du village. Car Eternit produit de l’amiante. A la mort de son père, Daniel Lambo prend conscience de ce qu’il a toujours pressenti: l’amiante est à l’origine de la mort de très nombreux habitants de la région, et bien plus encore. Et la responsabilité d’Eternit ne fait pas de doute.
Il se lance alors dans une enquête passionnante auprès des survivants de l’amiante, ces enfants qui ont accompagné leurs parents, parfois leurs frères et soeurs dans leur combat contre la maladie, ou le géant industriel, ces avocats, ces activistes, ces médecins, ces citoyens qui se battent pour faire reconnaître la dangerosité de l’amiante, la responsabilité des industriels, et pour l’indemnisation des victimes.
Face à ces multinationales insaisissables se dressent la multinationale des victimes, que Daniel Lambo va rencontrer au cours de ses recherches. Outre le cas justement médiatisé en Belgique de la famille Jonckheere, dont les deux parents et deux enfants sont morts contaminés par l’amiante, Lambo découvre de nombreux cas, d’abord en Belgique, puis à l’autre bout du monde. Ses investigations le mènent en Inde, à Kymore, où il découvre la plus grande décharge d’amiante à ciel ouvert. Une décharge qui est le fait de la fabrique locale, Everest, une fabrique rachetée et développée à l’époque par Eternit. Dans cette petite ville indienne, hommes, femmes et enfants malades se succèdent au dispensaires, et font face à un choix intenable: s’ils travaillent, ils meurent de l’amiante; s’ils ne travaillent pas, ils meurent de faim.
Lambo découvre avec stupéfaction qu’après l’interdiction de la production d’amiante en Europe, les plus grands producteurs européens sont allés déployer leur industrie dans les pays en voie de développement, et notamment en Inde. L’un de ses témoins n’hésite pas à parler d’homicide industriel. Et pour cause, les chiffres font froid dans le dos: 300.000 morts en Europe d’ici 2030, 2 à 4 millions de tonnes de déchets d’amiante en Flandre, une décharge à ciel ouvert de plus de 6000 mètres carrés en Inde. L’amiante a été reconnue comme une substance toxique dès 1964. En mai 2017, la lutte pour imposer des restrictions commerciales à l’amiante chrysotile dans la convention de Rotterdam auprès des Nations Unies était rejetée pour la sixième fois consécutive, une poignée de pays ayant bloqué le vote.
Avec ce doc enquête, sur les traces de sa propre histoire, mais aussi sur celle des générations futures, du coeur de la Flandre au coeur de l’Inde, Lambo dresse le constat effrayant d’une industrie sans compassion, qui met en danger, aujourd’hui encore et sur toute la planète, les vies des travailleurs et des consommateurs. Une industrie dont les principaux acteurs brillent par leur cynisme capitaliste, qui donne des casques aux ouvriers dont les poumons sont en danger, une image qui résume bien l’état de la situation, du déni de responsabilité à la mise en danger de la vie d’autrui.
Le film était en compétition au BRIFF en juin dernier.