Dans Têtes brûlées, présenté en première belge ce mardi au Festival de Gand, Maja-Ajmia Yde Zellama s’intéresse à la façon dont une enfant traverse le deuil douloureux de son grand frère
Têtes Brûlées de Maja-Ajmia Yde Zellama, dévoilé en février à la Berlinale, où le film a reçu une Mention spéciale du Jury, dresse le portrait d’Eya, une jeune fille de 12 ans qui grandit dans une famille bruxelloise d’origine tunisienne, choyée par ses proches, et en particulier par son grand frère Younès avec lequel elle a développé une tendre complicité. Il l’accompagne au lycée, l’encourage à faire ses devoirs, et partage avec bienveillance son quotidien, à tel point qu’Eya est une véritable mascotte pour son groupe d’amis, qui veillent sur elle comme sur leur propre petite soeur, s’enthousiasment pour ses chorégraphies TikTok, et l’aident à préparer ses exposés de néerlandais. Pour Eya, la vie a le goût et l’insouciance de l’enfance. Jusqu’à la déflagration. Un soir de liesse, à l’issue d’un match de foot entre le Maroc et la France, Younès tombe, victime d’un accident, une balle qui ne lui était pas destinée.
Assise à l’arrière de la voiture conduite par les amis de son frère, Eya pleure en silence… C’est tout un processus de deuil qui se met en place pour la jeune fille, et autour d’elle. Les rites funéraires s’organisent, dans un immense élan de solidarité. Maja-Ajmia Yde Zellam prend le temps d’exposer ce moment si fragile, où la vie continue malgré la mort. Dans la maison soudain surpeuplée d’Eya où se relaient la famille et les proches, les voisins, les membres de la communauté qui apportent leur soutien aux parents, frère et soeurs endeuillés, la foi a un pouvoir consolateur, tout comme la musique, les danses d’Eya, mais aussi dans une magnifique scène qui leur donne toute leur place les chants religieux, dans toute leur beauté et leur solennité. Têtes Brûlées est un film de peu de mots, mais beaucoup de gestes, de mains qui se tendent et de bras qui vous serrent et vous consolent. La jeune cinéaste, en concentrant son regard sur Eya, en captant son énergie d’enfant dans un monde de grands et un temps régi par les adultes, parvient à saisir la force et la fragilité ces instants où la vie retrouve son chemin malgré le deuil. En l’espace de quelques jours, Eya emprunte un chemin de résilience. Ce n’est pas un coming-of-age précoce vers l’adolescence ou l’âge adulte que nous donne à voir la réalisatrice, mais plutôt une enfance dont l’équilibre est bousculé, et qui va résister avec ses propres armes, la sincérité, la capacité à chercher la joie là où elle se trouve, à faire des beaux souvenirs une force et à exercer sa créativité. A vivre ce deuil comme un chagrin à jamais ancré dans son jeune coeur, mais aussi par la force des choses comme une expérience transformative.
Têtes Brûlées sortira en Belgique en 2026.