Ce samedi sera diffusé en première belge au Festival de Namur On vous croit, premier long métrage d’Arnaud Dufeys et Charlotte Devillers, présenté à Berlin et primé dans de nombreux festivals, portrait saisissant d’une mère de famille qui se heurte au temps long de la justice alors qu’elle tente de protéger son fils victime d’inceste
On vous croit est donc la première collaboration d’Arnaud Dufeys, réalisateur notamment du court métrage Un invincible été, qu’il avait déjà présenté à la Berlinale, et Charlotte Devillers, infirmière de profession, qui signe là son premier film, mais dont l’expérience auprès de jeunes et de familles confrontés à la problématique de l’inceste et des violences sexuelles a contribué à nourrir la réflexion sur l’approche fictionnelle choisie par le duo de cinéastes.
Le début de On vous croit marque l’arrivée au tribunal d’Alice et ses enfants. L’atmosphère est tendue, on sent qu’une étincelle pourrait embraser la situation. Ils viennent voir la juge des affaires familiales. On sent que la rencontre sera une épreuve, la mère reste confuse face à la surdité de la justice, les enfants savent qu’une fois, encore, ils devront répéter la même chose, les mêmes actes, revivre les évènements. D’autant que cette fois-ci, ils semblent mis en cause, convoqués à la demande du père, qui dénonce le comportement de la mère, et récuse son droit de garde. L’attente avant l’audience illustre toute la violence systémique d’une institution qui les force à partager la même pièce qu’un père que l’on désignera très vite comme le violeur, s’efforçant par le poids des mots et des témoignages concordants de donner à la parole, mais aussi aux pathologies du fils valeur de preuve. Quand vient le temps de l’audience dans le bureau de la juge, tout se fige. Tour à tour, les avocats des enfants, du père et de la mère, puis le père lui-même vont s’exprimer, avant que la parole ne soit rendue, plein cadre, à Alice, la mère.
On vous croit donne la parole, mais questionne aussi la qualité de l’écoute. Que vaut la parole quand elle est mise en doute, quand elle est répétée au point d’en perdre sa substance? Le film montree souvent ses personnages écoutant, notamment Alice, laissant l’action et le discours se déployer dans le hors champ. Puis en imposant les mots d’Alice, leur ouvrant l’attention pleine qu’un grand écran peut conférer, et s’accommodant du temps réel d’un témoignage au tribunal. Enfin, en épargnant aux enfants de devoir re-performer pour le bénéfice de la fiction un récit déjà tenu à de nombreuses reprises, et dont chaque itération est une manière de revivre la violence subie.
On vous croit concentre son attention sur l’essentiel, ouvrir un espace pour accueillir une parole inconfortable mais primordiale pour comprendre les problématiques liées aux situations d’inceste et d’abus sexuel. Servi par une interprétation au cordeau (la performance d’actrice aussi subtile que puissante de Myriem Akheddiou, mise en regard avec l’art oratoire des avocats, incarnés par de vrais professionnels), mais aussi par une mise en image parlante du décor, ce tribunal de verre qui malmène les familles et reflète la violence du système, le film donne aux mots tout leur sens, et use de tout le pouvoir d’incarnation et d’identification de la fiction pour offrir une expérience transformatrice au spectateur.
On vous croit sortira le 12 novembre prochain en Belgique.