« Mother », l’anti-biopic de Mère Teresa

Mother, le nouveau film de Teona Strugar Mitevska (Je suis de Tito Veles, Dieu existe, son nom est Petrunya, The Happiest Man in the World), est présenté en première belge au Festival de Gand, avant sa sortie le 5 novembre prochain en Belgique. Avec cet anti-biopic résolument punk, la cinéaste nous fait entrer dans la tête de Mère Teresa le temps d’une poignée de jours, alors qu’elle lève les derniers doutes qui l’empêchent de mener à bien son ambition la plus folle: créer les Missionnaires de la charité

Oubliez d’emblée tous les attributs habituellement accolés à la figure de la sainte. La Teresa de Teona Strugar Mitevska est d’abord une femme, vaillante, volontaire, bornée, aimante, dure, vive, travaillée par son ambition tout autant que par sa foi. La cinéaste bouscule avec autorité l’image d’Epinal de cette star de la chrétienté pour en faire une icône punk, non pas moderne, mais intemporelle dans sa puissance et sa détermination.

On attrape Teresa au vol un jour de 1948, à Calcutta, Inde, alors qu’elle espère fiévreusement des nouvelles du Vatican: elle attend qu’on lui donne l’autorisation de quitter les Soeurs de Lorette pour fonder son propre ordre – qui deviendra les Missionnaires de la Charité. Cette semaine cruciale voit donc Teresa devenir irrémédiablement elle-même, et poser les bases de son engagement fait d’amour de son prochain, de dénuement, et d’une foi inébranlable en l’égalité entre les humains. Mais pour ce faire elle devra traverser une ultime épreuve: sa fidèle soeur Agnieszka, en laquelle elle voyait une successeure pour reprendre les rênes de la congrégation, est enceinte. Alors qu’elle voudrait se libérer de cette charge, Teresa s’oppose frontalement à tout avortement, quitte à mettre un frein à ses propres ambitions – et à renier son voeu d’aider son prochain.

Mais la réaction de Teresa vis-à-vis de l’avortement, fruit de son époque, n’est pas le sujet du film. Son sujet, c’est le questionnement de Teresa, sa force de caractère, son combat intime pour trouver la ressources de surmonter l’adversité aussi bien externe qu’interne. Le portrait s’approche en ce sens du « flux de conscience » en littérature, on est en caméra embarquée au plus près de ses doutes, ses hésitations, on mesure sa conviction et ses renoncements. A l’écran, on est tout à la fois sur elle, son visage, et devant elle, dans des plans très graphiques, avec les autres soeurs, dans le couvent, ou quand elle réarrange de façon presque névrotique les meubles de sa chambre, auxquels elle se fait un devoir de ne pas s’attacher, refusant toute idée de propriété. Incarnée avec une ferveur quasi mystique par Noomi Rapace, Teresa s’impose comme une figure tout en complexité, mue par une volonté farouche et une mission plus terrestre que divine, en lutte contre ses failles, une héroïne certes sacrificielle (elle renonce notamment à la maternité), mais pour laquelle le sacrifice n’est pas tant une fatalité qu’un un choix posé en conscience.

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