« La Dernière Rive », la vie de Pateh

Jean-François Ravagnan présentera au Festival de Namur son premier long métrage documentaire, La Dernière Rive, qui remonte le cours d’une image médiatique dramatique, datant de 2017, la noyade d’un jeune gambien à Venise, sous les yeux des touristes, pour en interroger ses racines, et lui rendre un prénom: Pateh.

D’aucun aurait pu faire le choix, devant le choc des images, d’explorer un légitime sentiment de colère face au pire à la passivité, au mieux à la sidération. Mais le cinéaste fait ici le choix de la complexité, remontant la trace du parcours singulier de Pateh, permettant au garçon du Canal de redevenir un fils, un ami, un camarade.

La Dernière Rive tisse les récits croisés de celles et ceux qui ont connu Pateh, tout au long de son parcours, de la Gambie à Malte, où il tenta de refaire sa vie. Son histoire est à la fois celle universelle de l’exil, et celle singulière d’un homme rompu par la solitude et le mal du pays.

Sa mère parle de sa voix propre, meurtrie par le deuil, mais aussi de la voix des femmes du villages, qui toutes pleurent le départ de leurs fils. Le père et le frère parlent de la douleur de la perte, mais aussi de la culpabilité de laisser un être cher assumer le prix du départ et ses risques.

On comprend aussi que si Pateh a survécu aux nombreux dangers du parcours migratoire, l’attente en Libye, la traversée de la Méditerranée, les camps en Italie, les démarches pour obtenir des papiers, son épreuve était loin d’être terminée. En individualisant le parcours de Pateh, marqué par une fatale mélancolie de l’exil qui lui fait tutoyer la folie, La Dernière Rive donne de l’épaisseur à la réflexion sur l’accueil des travailleurs migrants et notamment leur prise en charge psychologique, la forme poétique du film contrastant avec son entame, et permettant de donner de l’épaisseur à la colère première, mais aussi d’individualiser le deuil, de le rendre moins générique pour mieux en saisir la portée.

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