« La Danse des renards »: défier les injonctions

Valéry Carnoy propose avec La Danse des renards un premier long métrage sensible et incarné, où le cinéaste poursuit son exploration au masculin du rapport au corps et à la violence

Dévoilé en mai dernier à la Quinzaine des Cinéastes de Cannes, où il a remporté le Coup de Coeur des Auteurs SACD, ainsi que le Label Europa Cinémas, La Danse des renards dresse le portrait nerveux et gracieux d’un jeune garçon en mouvement, qui passe de l’adolescence à l’âge adulte le temps d’une parenthèse forcée par un accident qui laisse des séquelles bien plus que physiques. Valéry Carnoy observe la façon dont les injonctions à la virilité peuvent formater des destins, et le coût à payer pour ceux qui tentent d’y échapper. Ces questions étaient déjà au coeur de son court métrage, Titan, qui se penchait sur de jeunes garçons de 14 ans. La Danse des Renards prend le relai, nous entraînant au coeur d’un internat sport-études, auprès du clan des boxeurs.

Camille (Samuel Kircher) est champion de France junior de boxe anglaise. Son titre a fait sa gloire, il est l’idole du groupe, en particulier de Matteo (Faycal Anaflous), son meilleur ami et premier fan. Les deux garçons partagent la boxe, étoffe dont est tissée leur amitié, mais aussi ce qu’il reste de leur enfance, une complicité, et un rituel, celui de nourrir les renards dans les bois qui entourent l’école, pour mieux observer leur ballet. Lors de l’une de ces expéditions, Camille se met en danger, mais est sauvé par Matteo. Cet accident qui aurait dû resserrer leur lien finira par le distendre. Après la blessure, Camille n’est plus le même. Son rapport au corps, à la violence et à la souffrance s’en trouve changé. Au sein du groupe, son aura se fissure, sa place est remise en question. On le dit guéri, il ressent des douleurs que l’on appelle fantômes. Alors on se demande: cette douleur ne serait-elle pas aussi existentielle que corporelle?

A travers ce temps de crise suspendu dans un huis clos hors du monde des adultes, Camille lutte et traverse, comme si cet empêchement physique lui avait ouvert une porte pour passer de l’autre côté du miroir. Freiné par son corps, il va peu à peu comprendre que la boxe n’est pas nécessairement l’endroit où il aspire à s’exprimer. Mais cette rupture est plus plus vaste qu’il n’y parait, et va prendre un tour sentimental. Rompre avec la boxe, c’est aussi rompre avec une image de lui-même, et rompre avec Matteo et leur amitié. En ce sens, La Danse des renards relève du coming of age, ou du récit d’apprentissage, que Valéry Carnoy revisite au plus près de son héros, nous entrainant dans son souffle, à sa suite, dans l’absolu de son présent aussi. Camille est interprété avec par un Samuel Kircher très inspiré, dont on attendait forcément beaucoup après sa performance dans L’Eté Dernier. Faycal Anaflous, comédien débutant qui interprète Matteo se révèle magnétique, et l’ensemble du jeune casting brille par son naturel et sa présence. Un premier film fluide et fougueux, sur la puissance des premières amitiés, qui recourt à la pugnacité et la résistance des corps pour raconter les sentiments.

La Danse des Renards présenté en Compétition au Festival de Namur sortira en Belgique en mars prochain.

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