Dans le cadre de la collection « Cinéastes d’aujourd’hui », initiée par la Cinémathèque de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Fabrice du Welz s’est penché sur l’histoire et le processus créatif du duo le plus punk de l’animation belge, Patar & Aubier.
Réveil. Douche. Brossage de dents. Café. Métro (train, vélo). Boulot. Dodo.
L’arrivée au bureau. Patar est prêt, fidèle au poste. Aubier est prêt, fidèle au poste. Gros plan sur les regards acérés et prêts à en découdre. Le compte à rebours est lancé. 5, 4, 3, 2, 1, partez! 9h, l’heure de se mettre à bosser. Comment dresser le plus fidèlement possible le portrait de Patar & Aubier, tandem unique de l’animation belge, dont la carrière ressemble à une mise en scène ludique d’une salle de jeu pour grands enfants, entre bricolages farfelus, petits soldats, albums d’enfance au tendre goût de madeleine et imagination débordante? En s’amusant, pardi! En marge des nombreuses interviews qui viennent établir en filigrane la fiche signalétique du duo, Fabrice du Welz propose un petit montage parallèle du trajet pince sans rire des deux réalisateurs en route vers le bureau. Ce montage alterné de plans similaires apporte au film la fantaisie des auteurs au coeur du projet.
En faisant parler les témoins de cette itinéraire vers le succès, du Welz trace le contour d’une oeuvre qui commence comme une simple coloc, pour aboutir à une véritable communauté artistique. Patar & Aubier se rencontrent à La Cambre en 1985. Ils mènent leurs études d’abord en parallèle, puis petit à petit les projets se font communs. Ils partagent un grand appartement rue Tenbosch, où il vivent, travaillent, et surtout créent. C’est à l’école que naissent leurs premiers personnages, André le mauvais cheval, et Pik Pik le cochon magik. Leur colloc’ devient studio, et même laboratoire, où se croisent leurs amis et camarades. Au fil du récit, on feuillète leur album photo de l’époque. Déjà, tout est en décalage. Inventer un parcours d’aventure pour le chat Claudy implique autant de créativité et d’attention que tourner un film. Leurs travaux à La Cambre surprennent dans un premier temps, puis conquiert les pairs et le corps professoral grâce à leur énergie hors du commun.
Alors que Patar & Aubier travaillent dans leur coin, jusqu’à ce qu’on ne distingue plus vraiment qui fait quoi, leur entourage s’organise pour professionnaliser leur productivité. C’est Vincent Tavier, producteur, scénariste, et complice de toujours, qui les met sur la voie de l’écriture, au-delà de l’expérimentation, et leur suggère de reprendre les personnages de Panique au village pour en allonger le format.
Des cowboys et des indiens propose un portrait en creux des deux artistes. Eux parlent peu, c’est leur entourage qui esquisse petit à petit leurs principaux traits de caractère. On pénètre pourtant au coeur de leur processus créatif, de leur atelier de bricolage, on en voit les bouts de ficelle, le patchwork qui se met petit à petit en place. On revient par exemple sur le travail spécifique du son, l’art délicat du bruitage. Comment bruite-t-on des figurines en plastique qui se déplacent sur des morceaux de carton? Chaque membre de l’équipe créative à l’oeuvre repousse ses limites pour accompagner l’imaginaire débridé des deux cinéastes.
Des cowboys et des indiens ne dresse pas seulement le portrait d’un duo, mais bien celui d’une constellation de talents qui gravitent autour du duo, l’épaulent, le soutiennent, et le nourrissent. Un duo solidaire depuis plus de 30 ans, capable de créer un cochon punk comme de transfigurer Ernest & Célestine, les tendres créatures de Gabrielle Vincent.