La 25e édition du Cinemamed ouvre ce jeudi 27 novembre avec le nouveau film de Marta Bergman, L’Enfant bélier, qui use de la force de la fiction pour éclairer les zones d’ombre d’un fait divers tragique devenu un pan de l’Histoire des parcours migratoires dans l’Europe du XXIe siècle
Inspiré de l’affaire Mawda, L’Enfant bélier est une pleine fiction, qui s’inspire librement de ce drame, fruit d’un système et d’une politique migratoire mortifères, qui a bouleversé la Belgique en 2018: Mawda, petite fille kurde de deux ans, était tuée par balle par un policier belge lors d’une course-poursuite mortelle. Face à la pression, l’institution policière affirmait dans un premier temps qu’aucun coup de feu n’avait été tiré, avant d’avancer que les passeurs auraient utilisé le corps de l’enfant comme bouclier.
D’abord il y a l’amour, celui de Sara et Adam. Ils sont jeunes, beaux, amoureux, leurs visages emplissent l’écran d’un plan serré, lumineux. Et à l’envers, prémices d’un monde qui marcherait sur la tête. Dans leur tente, ils s’emploient à créer des souvenirs pour leur petite fille Klara, protégés du monde extérieur, hostile et dangereux, par cette mince toile orange. Rapidement, la jeune famille quitte le camp de réfugiés pour embarquer dans une camionnette qui scellera leur sort. L’envers du décor pour la famille, c’est la chasse dont les migrants font l’objet. Les patrouilles de polices inspectent les aires d’autoroute, à la recherche de convois suspects, jusqu’à repérer celui qui transporte Klara et ses parents. Le point de vue est alors partagé, entre la camionnette des exilés, et la voiture des policiers, au cours d’une séquence suffocante de course-poursuite qui aboutit au drame. Traités comme des suspects, les parents sont empêchés d’accompagner leur fille, puis de faire leur deuil. Le point de vue change à nouveau, et se penche à la fois sur la façon dont police et justice gèrent médiatiquement et officiellement la crise avec un cynisme effrayant, tandis que le policier qui a tiré est traversé de questionnements moraux et existentiels sur sa culpabilité et sa responsabilité.
C’est un policier qui appuie sur la gâchette, mais c’est un contexte, générant une atmosphère de peur et de suspicion, qui arme le fusil. Ce policier dépend et réagit à un système dont Klara et sa famille sont les premières victimes. En explorant en tous sens les tenants et les aboutissants du drame, en restaurant aux victimes le statut de parents qui leur a été confisqué, en observant les mécanismes de défense emprunt de cynisme de l’institution policière, en questionnant le rôle du tireur, Marta Bergman, qui semble incontestablement nourrie d’une matière documentaire conséquente, use de la fiction, une fiction puissamment politique, pour tenter de comprendre comment survient la tragédie, et aider à dépasser sans les étouffer l’émotion et la colère pour saisir la complexité d’un engrenage qui tente de justifier l’injustifiable, la mort d’une enfant.
Le film est incarné avec une remarquable justesse et un vrai engagement par Zbeida Belhajamor et Abdal Razak Alshewa qui jouent Sara et Adam, mais aussi Salim Kechiouche, Lucie Debay, Michaël Abiteboul, Yoann Zimmer, Isabelle de Hertogh et Marie Denarnaud qui interprètent les policiers et les autorités. Le film sortira en Belgique le 4 février prochain.
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