« Zeria », l’humanité des marionnettes

Le dernier homme sur Terre interpelle le premier homme sur Mars… Zeria, le nouveau film (et premier film d’animation) d’Harry Cleven sort ce mercredi à Flagey. 

Gaspard est le dernier homme sur terre. Dans un délire hallucinatoire, embrumé par le cataclysme imminent qui le menace, il se souvient. Il se souvient d’un passé rythmée par les coups, les violences et les guerres. Une vie lourde, tissée de traumatismes, hantée par la guerre, les abus, les désillusions aussi. Une vie traversée par l’amour aussi. Des amours heureuses et malheureuses, des amours brisées aussi, mais dont est né Zeria. Zeria, le premier homme né sur Mars.

Car la Terre est exsangue, arrivée à bout de course. La nature reprend ses droits sur l’architecture. L’humanité a enclenché l’ultime exil. Seuls restent celles et ceux trop vieux pour voyager. Seul reste Gaspard, qui s’adresse à Zeria, son petit-fils, pour rétablir une vérité, sa vérité. On a menti à Gaspard, comme on a menti à Zeria, lui cachant ses origines terriennes.

Cette humanité à bout de souffle, forcée de se réinventer, est transfigurée par les marionnettes à la silhouette humaine imaginées par Harry Cleven, qui après avoir déployé un univers de cinéma étrange et onirique, notamment dans son dernier film, Mon Ange, se lance pour la première fois dans le cinéma d’animation, mêlant stop-motion et marionnettes. Marionnettiste génial aux manettes de tout ou presque (il signe la réalisation, le montage, l’image, le son et la direction artistique bien sûr), il investit ce nouveau territoire de fiction avec un brio certain.

Sa vision d’un futur peut-être pas si lointain, furieusement apocalyptique, est transcendée par un univers visuel souvent baroque et parfois terrifiant, aussi brumeux qu’inquiétant, nourri surement des pires cauchemars du cinéaste, peut-être des nôtres. Il dresse le portrait terriblement sombre d’une humanité déshumanisée par les plaies qui la traversent. Une humanité victime de son destin, jouet d’un drôle de maitre des marionnettes qui lui dédie les pires défauts et lui réserve les pires épreuves. Une humanité soumise à une hubris irrépressible qui la mène à sa perte. Cette relecture de la chute, une fois la perte consommée, nous entraine dans les tourments d’une humanité condamnée à expier ses fautes. Une expérience hors norme de cinéma.

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