Yassine Fadel, tête d’affiche d’un film cannois

L’ACID est une sélection cannoise qui met l’accent sur les tout nouveaux cinéastes prometteurs, les films novateurs et surprenants. Il y a quelques années, c’est là qu’on découvrit La Tête la première d’Amélie Van Elmbt avec David Murgia.
La programmation 2016 est à nouveau placée sous le signe de l’éclectisme, à l’image des 14 réalisateurs qui la compose. Les neuf longs métrages choisis font entendre le bruissement du monde dans une joyeuse diversité d’approches, de mises en scène, de narrations, de genres. Comédies pince-sans-rire, destinées incroyables, antihéros paranoïaques, les films font exploser les frontières et nous font faire un pas de côté.

 

Cette programmation est traversée par un motif majeur, celui de la singularité des personnages qui renversent les schémas qui les enserrent : les fragiles, les dissemblables, les mélancoliques, les solitaires, les excentriques y sont doués de paroles sages, de volonté inaltérable, d’imagination fertile, de drôlerie rafraîchissante…

 

Fidèle à ses principes depuis sa création, l’ACID favorise l’émergence d’auteurs, cette année les films de Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier, Hugo P. Thomas, Wissam Charaf, Sébastien Laudenbach, Jero Yun. Mais elle poursuit également son accompagnement d’artistes déjà sélectionnés par le passé, dans la construction d’une œuvre ou le renouvellement de leur cinéma, comme Olivier Babinet, Sébastien Betbeder, Fabianny Deschamps, Emmanuel Parraud ou encore Damien Manivel (dont le court métrage La Dame au chien avait été montré par l’ACID à Cannes en 2010).

 

Comme chaque année, ces films ont été choisis par d’autres cinéastes, parmi lesquels on retrouve les auteurs de plusieurs longs métrages programmés à Cannes par l’ACID en 2015. Une chaîne unique en son genre, où l’ACID puise toute sa vitalité. En mars 1992, c’est parce que le film Border Line de Danièle Dubroux, se voyait privé d’écrans l’avant-veille de sa sortie que des dizaines de cinéastes décidèrent de s’unir pour défendre la diffusion du cinéma indépendant : l’ACID allait naître quelques mois plus tard. Presque 25 ans ont passé, les blockbusters occupent toujours plus d’écrans, et certains trouvent toujours qu’il y a « trop de films ».

 

Parmi ces films, un long métrage français nous intéresse particulièrement puisqu’il met en vedette un jeune acteur belge encore peu connu chez nous, mais qui perce de plus en plus nettement à l’étranger : Yassine Fadel a été remarqué dans The Expatriate. On l’a ensuite revu dans le très bon film québécois Diego Star, mais aussi dans Kidnapping Mr Heineken, les Conquérants de Xabi Molia, dans la série The Missing ou le court métrage La part sauvage de Guérin van de Vorst. Plus brièvement dans Le Chant des hommes et, tout récemment, dans Ustica : The Missing Paper, un thriller italien dans lequel il incarne un pilote de chasse libyen.

 

Ce fort sympathique garçon est donc un des deux acteurs principaux d’Isola che non c’è de la Française Fabianny Deschamps, déjà présente à l’ACID en 2014.

Ici, elle raconte l’odyssée d’une Chinoise échouée sur une île perdue au fin fond de l’Italie qui attend un mari qui ne vient pas. Elle survit seule dans une grotte en attendant l’enfant qui arrondit chaque jour un peu plus son ventre. Dans le port agité par l’arrivée quotidienne de centaines de migrants, elle cherche inlassablement le visage de l’homme qu’elle aime, son mari. Un soir, alors que l’île gronde, le vœu de Daï sera peut-être exaucé.

Cette histoire très surprenante, faite de rêves, mais sans féerie (contrairement au film précédent de la réalisatrice) met le doigt sur les parcours absurdes et cruels des mouvements migratoires aujourd’hui qui s’écrivent chaque jour aux portes de l’Europe.

 

 

Un vrai grand rôle pour Yassine qui, de fil en aiguille, avec une conviction à toute épreuve et un réel talent plein d’enthousiasme et d’énergie arrive enfin là où il a toujours voulu se trouver : devant les caméras, au service de réalisateurs ambitieux. Et tout cela avec un sourire franc et engageant, éternellement vissé aux lèvres.

Même physique, même caractère ouvert et volontaire, même passage par Acid : Yassine Fadel marche de toute évidence dans les traces de David Murgia.
On ne peut que lui souhaiter une progression identique.

 

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