Ce fut une des premières nouvelles officialisée à propos de cette 27e édition du FIFF : Tango Libre fera ce vendredi soir l’ouverture du Festival International du Film Francophone de Namur. Une ouverture en grandes pompes, traditionnellement consacrée à un des évènements majeurs du festival. L’an dernier c’est aux Géants de Bouli Lanners qu’échut cet honneur. Tango Libre est aussi en compétition officielle et en lice pour le prix Cinevox du meilleur long métrage majoritairement belge de la manifestation.
JC est gardien de prison. C’est un homme effacé qui vit une petite vie étriquée, seul dans une maison vieillotte avec un poisson rouge qui lui tient compagnie. Le genre de gars qui s’arrête devant un feu rouge en rase campagne même si, de toute évidence, il n’y a pas un seul véhicule à des kilomètres à la ronde. JC n’a qu’un hobby, le tango qu’il pratique assidument dans un club local. Il adore cette danse, mais manque de hargne et de passion, s’appliquant à rester dans les canevas, à suivre les pas, à conduire sa partenaire selon les convenances.
Un soir, débarque une inconnue. Jolie. L’air triste. Elle, s’adonne au tango avec fougue, comme si son existence en dépendait. Comme il semble désœuvré, la maîtresse des lieux demande à JC de guider les premiers pas de la jeune femme dans son nouvel univers. Immédiatement, il tombe sous le charme de cette mystérieuse envoyée du ciel.
Une idylle? Peu probable. Le lendemain, il l’aperçoit au parloir de la prison venant rendre visite à un détenu. Puis à un autre. Ce n’est pas une visiteuse, non. Son compagnon est enfermé… Et son amant avec lui. Pour corser le tout, les deux hommes sont les meilleurs camarades du monde. Complices de forfait et compagnons de cellule.
Débute alors un étonnant chassé-croisé amoureux gorgé de musique et d’un amour du tango qui va contaminer la prison toute entière.
Quatrième long métrage du bien trop discret Frédéric Fonteyne (au parloir ci-dessus), Tango Libre est fidèle à l’esprit du réalisateur : on y parle d’amitié, d’amour(s) hors normes, de paternité, de relations ambiguës et de cette ligne blanche qu’un individu lambda n’est pas censé franchir. Au risque de se perdre.
Le ton y est généralement léger, parfois beaucoup plus grave, ironique de temps en temps, carrément tragique par moment. Sur un scénario qui ménage son lot de surprises, Tango Libre est surtout une œuvre portée par des acteurs complices, des habitués de l’univers de Frédéric, ainsi que deux nouveaux venus, déjà très à l’aise dans cette grande famille: Zacharie Chasseriaud, repéré dans les Géants (ci-dessous) et François Damiens avec qui Frédéric voulait tourner depuis longtemps.
Dans le clan des familiers, on retrouve avec un immense plaisir Jan Hammenecker, l’ami de la première heure, découvert dans Max et Bobo en 1996, Sergi Lopez, révélation de l’intemporel Une Liaison Pornographique et bien sûr Anne Paulicevich qui n’est une petite nouvelle que sur le grand écran puisqu’elle est l’épouse de Frédéric, la future maman de son enfant. Elle est surtout la scénariste du film (que Philippe Blasband a peaufiné avec elle) et son actrice principale. Rien que cela.
Au cœur de cette partition complexe, orchestrée par Frédéric, chacun amène sa petite musique qui sert les contrastes désirés par le réalisateur : tension amoureuse chez Anne, second degré lunaire chez François, impulsivité latine de Sergio, froideur nordique de Jan et mal-être adolescent de Zacharie.
Le tout pimenté par une bande-son cruciale qui oscille entre tango (on s’en doutait) et balades mélancoliques d’Agnès Obel. Et par la photographie très soignée de la fidèle Virginie Saint-Martin.
Les initiés s’amuseront aussi à repérer dans les seconds plans des visages connus: Patrick Quinet, par exemple, qui ne se contente pas d’être le producteur principal de l’aventure, mais qui joue aussi un gardien ou David Murgia qui incarne un de ses collègues, histoire de suivre le tournage pendant une vingtaine de jours et de s’imprégner de l’univers de Frédéric Fonteyne qui le fascinait.
Très attendu depuis fort longtemps, Tango Libre sortira sur les écrans belges le 7 novembre. Auréolé d’un Bayard d’Or? Sait-on jamais…