Les nominations étaient extrêmement serrées, puisque Une vie démente était en lice dans 11 catégories, Une monde dans 10 catégories! Au final, chacun des deux films remporte pas moins de 7 prix, un sorte d’ex-aequo, montrant à quel point les votant·es ont eu du mal à se départager.
C’est Une vie démente d’Ann Sirot et Raphaël Balboni qui remporte le prix « suprême », le Magritte du Meilleur film. Une première bien sûr pour les deux cinéastes, qui avaient déjà remporté le Magritte du Meilleur court métrage en 2018 pour Avec Thelma. Une première aussi pour leur productrice, Julie Esparbes (Hélicotronc), dont la société a déjà été primée à 6 reprises dans la catégorie court métrage (dont cette année!), mais qui remporte son premier Magritte du Meilleur film.
Une consécration d’autant plus belle qu’Une vie démente a été produit dans des conditions bien particulières, puisque le film fait partie des premiers projets ayant reçu l’aide aux productions légères créée il y a quelques années par le Centre du Cinéma. Un film 100% made in Belgium, avec un budget sérieusement modeste, ce qui ne l’a pas empêché de se voir primer pour sa direction artistique, puisque le film a reçu le Magritte des Meilleurs décors (remis à Lisa Etienne) et celui des Meilleurs costumes (remis à Frédérick Denis).
Il a également valu le Prix du Meilleur scénario à Ann Sirot et Raphaël Balboni, un prix qui peut surprendre, quand on connait la méthode de travail des cinéastes, dont le scénario évolue au fil des répétitions avec le casting.
L’apport des comédien·nes est d’ailleurs primordial à la réussite du film. Ils brillent par leur aisance, leur naturel, la liberté de leur jeu. Un ton qui a séduit les votant·es, qui ont décerné le Magritte de la Meilleure actrice à l’extraordinaire Jo Deseure, qui met toute sa fantaisie et son engagement au service de son personnage, Suzanne. Le Magritte du Meilleur acteur a quant à lui été remis à Jean Le Peltier, désarmant lui aussi dans le rôle d’Alex. Une magnifique récompense pour le jeune comédien, auteur et metteur en scène, dont c’est le premier grand rôle au cinéma. Le film vaut également un prix à Gilles Remiche, celui du Meilleur acteur dans un second rôle, ce qui vient saluer son audacieuse reconversion, lui qui a longtemps été réalisateur.
L’autre grande gagnante de la soirée, c’est la jeune cinéaste Laura Wandel. Son premier long métrage recevait le Prix Fipresci au Festival de Cannes l’été dernier dans la section Un certain regard, d’innombrables prix dans les festivals du monde entier, et faisait partie des 15 finalistes pour l’Oscar du Meilleur film étranger. Un monde remporte ce soir le Magritte du Meilleur premier film. Il vaut surtout à sa réalisatrice le Magritte de la Meilleure réalisation. Une précieuse reconnaissance, pour une jeune cinéaste particulièrement prometteuse, qui développera bientôt son deuxième long métrage dans le cadre du prestigieux Atelier de la Cinéfondation. Notons en passant qu’elle est la première réalisatrice à remporter le Magritte de la Meilleure réalisation.
Un monde plongée immersive au coeur de l’école primaire, dans toute sa dureté et sa violence, doit beaucoup à l’interprétation saisissante de ses jeunes héros, Günter Duret, et surtout Maya Vanderbeque, qui remportent les Magritte du Meilleur espoir masculin et féminin. Le film vaut également le Magritte de la Meilleure actrice dans un second rôle à la comédienne flamande Laura Verlinden.
Notons enfin qu’Un monde remporte le Magritte du Meilleur montage (pour Nicolas Rumpl) et du Meilleur son (pour Mathieu Cox, Corinne Dubien, Thomas Grimm-Landsberg, David Vranken).
Restaient deux Magritte à attribuer aux autres longs métrages de fiction. Celui de la Meilleure musique a été attribué à Vincent Cahay pour Adoration de Fabrice du Welz, célébrant ainsi leur belle collaboration, et celui de la Meilleure image à Ruben Impens pour son travail sur Titane, qui remporte également le Magritte du Meilleur film étranger en coproduction, le deuxième Magritte remporté par Julia Ducournau après Grave en 2018.
Cette main-mise sur le palmarès de ces deux premiers films, entièrement produits en Belgique, illustre surement l’appétence de la profession pour les nouveaux visages, et des modes de production alternatifs, ou différents. Force est de constater néanmoins que Les Intranquilles de Joachim Lafosse, que l’on ne retrouve pas au palmarès, aurait largement pu caracoler dans les hauteurs de ce palmarès, tant le film s’impose comme l’un des meilleurs de son cinéaste, qui semble y avoir trouvé l’équilibre d’une équation alliant personnel et universel, servie par une forme qui épouse les errements et les révélations de ses personnages. De même Adoration, porté par ses deux incroyables jeunes interprètes, offre à voir une nouvelle facette du talent de Fabrice Du Welz. L’exercice des remises de prix, s’il peut être euphorisant, est souvent tout en même temps ingrat. Bien sûr il s’agit d’un jugement subjectif, imprégné par des affects, qui parfois, ne reflète qu’une partie de la force et la beauté des films qui étaient en lice. Comme toujours, il y a des joies, des révélations, des déceptions.
Toujours est-il que ce palmarès permet de mettre en lumière la belle vivacité du cinéma belge, que ce soit du côté des longs métrages, comme de celui des coproductions, des documentaires, des formats courts.
On retiendra que le Magritte du Meilleur film flamand est venu récompenser le travail de Teodora Ana Mihai, La Civil, coproduit par Delphine Tomson et les frères Dardenne, Prix de l’audace à Cannes dans la section Un certain regard.
Côté doc, c’est le bouleversant film de Paloma Sermon-Daï, Petit Samedi (on vous en parlait ici), qui empoche la statuette, dans une compétition très relevée.
On notera que les réalisatrices remportent les principaux prix ce soir, voyez plutôt: Ann Sirot pour le Meilleur film, Une vie démente, co-réalisé avec Raphaël Balboni, Laura Wandel pour la Meilleure réalisation et le Meilleur premier film, Julia Ducournau pour le Meilleur film étranger, Teodora Ana Mihai pour le Meilleur film flamand, Paloma Semon-Daï pour le Meilleur documentaire, liste qui s’allonge d’ailleurs avec Lia Bertels, qui remporte le Magritte du Meilleur court métrage d’animation pour On est pas des super héros.
Côté court enfin, Hippolyte Leibovici remporte le premier Magritte du court métrage documentaire pour son film Mother’s, tandis que Xavier Seron remporte celui du Meilleur court métrage de fiction pour Sprötch, après avoir déjà remporté ce prix en 2016 pour L’Ours Noir et 2017 pour Le Plombier, co-réalisés avec Méryl Fortunat-Rossi. Ce qui permet de proposer cette nouvelle définition des Magritte du Cinéma, une compétition qui oppose la crème de la crème du cinéma belge, et où à la fin, Xavier Seron remporte le Magritte du Meilleur court!
Le palmarès
MEILLEUR FILM
Une vie démente d’Ann Sirot et Raphaël Balboni, produit par Julie Esparbes (Hélicotronc)
MEILLEUR PREMIER FILM
Un monde de Laura Wandel, produit par Stéphane Lhoest pour (Dragons Films Productions)
MAGRITTE DE LA MEILLEURE RÉALISATION
Laura Wandel pour Un monde
MEILLEUR FILM FLAMAND
La Civil de Teodora Ana Mihai, produit par Hans Everaert (Menuetto) et coproduit par Delphine Tomson, Jean-Pierre et Luc Dardenne (Les Films du fleuve)
MEILLEUR FILM ETRANGER EN COPRODUCTION
Titane de Julia Ducournau produit par Jean-Yves Roubin et Cassandre Warnauts pour (Frakas Production)
MEILLEUR SCENARIO ORIGINAL OU ADAPTATION
Ann Sirot et Raphaël Balboni pour Une vie démente
MEILLEURE ACTRICE
Jo Deseure pour Une vie démente
MEILLEUR ACTEUR
Jean Le Peltier pour Une vie démente
MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND ROLE
Laura Verlinden pour Un monde
MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND ROLE
Gilles Remiche pour Une vie démente
MEILLEUR ESPOIR FEMININ
Maya Vanderbeque pour Un monde
MEILLEUR ESPOIR MASCULIN
Günter Duret pour Un monde
MEILLEURE IMAGE
Ruben Impens pour Titane
MEILLEUR SON
Mathieu Cox, Corinne Dubien, Thomas Grimm-Landsberg, David Vranken pour Un monde
MEILLEURS DECORS
Lisa Etienne pour Une vie démente
MEILLEURS COSTUMES
Frédérick Denis pour Une vie démente
MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
Vincent Cahay pour Adoration
MEILLEUR MONTAGE
Nicolas Rumpl pour Un monde
MEILLEUR COURT METRAGE DE FICTION
Sprötch de Xavier Seron, produit par Julie Esparbes (Hélicotronc)
MEILLEUR COURT METRAGE D’ANIMATION
On est pas près d’être des super-héros de Lia Bertels, produit par Thierry Zamparutti (Ambiances asbl)
MEILLEUR COURT METRAGE DOCUMENTAIRE
Mother’s d’Hippolyte Leibovici, produit par Laurent Gross (INSAS)
MEILLEUR DOCUMENTAIRE
Petit Samedi de Paloma Sermon-Daï, produit par Sébastien Andres et Alice Lemaire (Michigan Films)
MAGRITTE D’HONNEUR
Marion Hänsel