Un samedi au FIFF avec le futur du cinéma belge

Chaque année, le FIFF réserve une partie de son premier week-end aux courts métrages : les films belges francophones d’abord, les films internationaux le lendemain. Même si des œuvres d’ici concourent également face à celles venues de toute la francophonie, c’est naturellement la journée de samedi qui retient surtout toute notre attention.

 

Au menu de ce marathon : 26 (!!!) films projetés de 11h à 22h45, presque sans répit. Pas question pour nous d’en rater une seule (même si le jour où la maison de la culture de Namur décidera de changer ses fauteuils, c’est promis, nous n’irons pas manifester le long de la Sambre), car depuis trois ans, nous avons pris l’habitude de vous livrer notre sélection totalement subjective des meilleurs courts vus à la queue leu leu.

Le jeu consiste à extraire de la liste une dizaine de films qui nous ont particulièrement séduits, intéressés, amusés, bouleversés…

 

Première remarque : cette année, la programmation était d’un niveau exceptionnel. Contrairement aux éditions précédentes où quelques courts nous parurent moins emballants, moins bien dirigés ou inventifs, nous n’avons constaté aucun temps vraiment faible cette année. Un signe d’autant plus positif pour notre cinéma, qu’il est renforcé par le fait que quelques réalisateurs nous ont simplement époustouflés : vu le talent qu’ils démontrent ici nous attendons déjà avec impatience leur premier long métrage. La relève de la relève est déjà assurée

 

Parmi les plus grands espoirs à suivre absolument, quatre noms nous viennent immédiatement à l’esprit : Zeno Graton, Bérangère Mc Neese, Jean-François Ravagnan et Sandra Fassio.
Dans des courts plutôt longs et denses, ces quatre cinéastes nous offrent déjà un univers, une vision, une personnalité, une direction d’acteurs rigoureuse, un sens du rythme et de l’image forte, une sensibilité largement au-dessus de la moyenne. Bref, tout ce qu’on attend d’artistes destinés à évoluer bientôt aux côtés des frères Dardenne, de Bouli Lanners, de Joachim Lafosse ou Jaco van Dormael, Bernard Bellefroid dans la foulée de nouveaux talents déjà confirmés comme François Pirot, Matthieu Donck, Savina Dellicour, Vania Leturcq ou Delphine Lehericey.

 


Largement récompensé il y a deux ans avec Mouettes, Zeno Graton revient ici avec un film encore plus fort, car plus fluide, inattendu, intense et déroutant. Rude et direct, Jay parmi les hommes peut évoquer l’univers des frères Dardenne. Ses partis pris draconiens et son énergie sont néanmoins servis par une photo sublime, signée Juliette Van Dormael.

Non, ce n’est pas du name dropping facile : Juliette prouve d’année en année qu’elle n’est pas que la fille de Jaco. Elle est tout simplement une des meilleures jeunes directrices photo du pays et on attend avec impatience de découvrir son travail sur Mon Ange, son premier long en tant que chef opératrice.

Tout dans la réalisation de Jay parmi les hommes est réussi et captivant, et l’interprétation d’Anton Leurquin, Judith Williquet, Arieh Worthalter est digne de tous les éloges. Le film est un candidat sérieux à tous les Bayards de la compétition « courts ». Carrément. Il devra néanmoins composer avec quelques autres œuvres marquantes.

 

 

À commencer par Kanun de Sandra Fassio, un des électro-chocs de cette sélection. Comme Jay parmi les hommes, Kanun est produit par Helicotronc qui signe un grand chelem saisissant : les quatre films portés par la société bruxelloise se hissent sans forcer dans le top 10 avec aussi L’Ours Noir, comédie désopilante qui a permis au public de se dérider les zygomatiques dans une journée globalement sombre et Amoureuses, carré sentimental atypique dans lequel Marc Zinga est l’objet de l’attention d’une mère de famille et de ses deux filles, l’une adolescente, l’autre beaucoup plus jeune.
Ce qui surprend avec Kanun est sans doute qu’il soit l’œuvre d’une femme : cette confrontation intense entre un père et l’assassin de son fils dégage en effet une indéniable masculinité. Tous les points forts notés dans le film précédent peuvent être à nouveau mis en exergue ici : la mise en scène est stupéfiante de classe, la photo signée par Johan Legraie est sublime, le scénario très maîtrisé de bout en bout sort clairement de l’ordinaire et Kevin Azaïs (comme Anton Leurquin) est un concurrent sérieux pour le prix d’interprétation masculine

 

Cela dit, il n’est pas le favori de la catégorie, car on voit mal qui pourra empêcher Thomas Coumans de décrocher le Bayard, lui qui est de tous les plans dans l’intense Tout va bien, titre trompeur s’il en est.

Ce premier court de Laurent Scheid, habitué au rôle de premier assistant sur des courts, des longs ou des séries télé, raconte l’entrée en prison d’un jeune homme qui a omis d’avouer à sa copine qu’il allait être incarcéré (il espérait être assigné en détention à domicile avec un bracelet électronique).
Dans un cadre étriqué, étouffant, Tout va bien confronte l’enfermement pénitentiaire à l’enfermement d’un homme coincé dans ses mensonges. Un film intransigeant et une interprétation superlative, déjà récompensée au festival du court métrage de Bruxelles au printemps dernier. Une espèce d’évidence ?

 

 

À Namur, un seul prix d’interprétation est remis pour les courts métrages. Le jury devra donc comparer le travail des comédiens à celui des comédiennes. Une récompense collective pour les actrices du sommeil des Amazones ne serait pas usurpée bien qu’on puisse aussi attribuer le prix à la seule Sophie Breyer, centre d’attention momentané d’un groupe de cinq filles qui compte aussi Judith Williquet, Lou Bohringer, Olivia Smets et Stéphane Caillard, toutes parfaites.

Contrairement à Kanun, on n’est pas du tout étonné de retrouver aux commandes du film une jeune femme, en l’occurrence l’actrice Bérangère McNeese qui dévoile ici une forte sensibilité et une indéniable capacité à maîtriser un sujet surprenant en installant une évidente connivence entre elle et ses comédiennes.

Une véritable révélation qui mérite une suite rapide.

 

 

Côté femme, la plus grande rivale de ce quintet serait sans doute Nailia Harzoune héroïne de Renaître signé par Jean-François Ravagnan. Présenté en première mondiale au récent festival de Locarno lire ICI), Renaître raconte l’histoire de Sarah qui part en Tunisie revoir l’homme qu’elle aime… mais qui va se marier à une autre, une femme forte qui a impressionné la comédienne à la lecture du scénario. « Moi, je pense que j’aurais pleuré pendant quatre jours sans quitter mon lit », a-t-elle avoué sur scène après la projection.

 


Particularité du FIFF, chaque module de cinq ou six courts est en effet suivi d’une rencontre entre les réalisateurs et le public, animée par la pétillante Justine Montagner, parfaite dans son rôle de madame Loyale. Rappelons que Justine est aussi la cheville ouvrière du festival « Les Enfants Terribles » qui se déroulera à Huy du 15 au 18 octobre prochain.

 

 

Cette année la sélection namuroise comportait peu de films d’animation. Parmi ceux-ci, un sort clairement de l’ordinaire : Dernière porte au sud de Sacha Feiner nous entraîne dans un univers fantastique, original et décalé. La technique mise en œuvre est frappante (le générique final nous offre quelques joyeuses images de making of) mais le film fascine même en faisant abstraction de ce tour de force.

 

 

À côté des fictions, largement majoritaires, la sélection faisait la part belle aux documentaires nous immergeant dans des univers méconnus : les entrailles d’un aéroport (Contrôle), l’ambiance d’une équipe de rugby (Ovalie au Pays noir), un personnage hors norme (Alphonsine) …, mais s’il fallait n’en mettre qu’un en exergue, notre coup de cœur serait Les Zoufs. Documentaire n’est sans doute pas le mot 100% exact pour définir ce film qui nappe sa structure d’une part de fiction.

Les trois jeunes réalisateurs nous entraînent sur les traces de quelques trisomiques, multipliant les présentations avant de tisser un fil narratif entre eux. Résultat : on rit beaucoup avec les protagonistes (et absolument pas d’eux) et on entre à vitesse grand V en empathie avec eux. Très humain, touchant, vif et superbement filmé, Les Zoufs pourrait très bien se glisser dans le palmarès final. Atypique, mais fascinant.

 

 

Enfin, comme d’habitude, le FIFF nous a proposé des films réalisés dans les principales écoles de cinéma du pays : notre préféré a été réalisé par deux jeunes élèves de premier Master à l’IAD dans un exercice étonnant, exécuté sous la supervision de Benoit Mariage. Il consiste à cerner un personnage à travers un scénario et une réalisation écrit et exécutée à deux.

Une fois que le film est en boîte, chacun des étudiants part monter le film dans son coin. C’est ainsi qu’a été réalisé Nelson, cru et hilarant, qui raconte la première fois de deux adolescents ayant recours à des prostituées pour passer le cap. Mention spéciale aux dialogues truffés de répliques cultes qui tombent naturellement, sans forcer. Un tour de force dû aussi à Axel Capite et Arnaud Castaigne, deux comédiens en herbe qu’on aimerait revoir….

 

(photo FIFF)

 

Le jury des courts placé sous la présidence de Lubna Azabal est composé de l’acteur Frédéric Diefenthal, du programmateur québécois Ian Gailer, du réalisateur burkinabé Cédric Ido et de la chanteuse et comédienne Camélia Jordana. Il va maintenant devoir discuter et trancher.

Les quatre prix (film, réal, photo, interprétation) seront remis lors de la cérémonie de clôture du festival, vendredi prochain.

 

NOS DIX COUPS DE CŒUR

(par ordre de passage)

 

Jay Parmi les hommes

Pour plaire à son père, et gagner l’amour qui lui manque, Jay, 14 ans, doit devenir un homme et trouver une copine. En forçant son entrée dans le territoire violent des hommes, Jay va tenter d’oublier qu’il est encore un enfant.

De Zeno Graton

Avec Anton Leurquin, Judith Williquet, Arieh Worthalter

 

Renaître

Sarah, jeune femme d’origine maghrébine habitant en Belgique, apprend que Malik, l’homme qu’elle aime, s’apprête à se marier avec une autre femme en Tunisie.

Seule, mentant à ses proches, Sarah traverse la Méditerranée pour le revoir une dernière fois. Même si elle sait que le mariage de Malik est inévitable, Sarah est déterminée à vivre jusqu’au bout l’amour qu’ils se sont porté.

De Jean-François Ravagnan

Avec Nailia Harzoune, Hassiba Halabi

 

 

L’Ours noir

Règle n°1 : Ne nourrissez jamais les ours.

Règle n°2 : Ne vous approchez pas à moins de 100 mètres.

Règle n°3 : Evitez de surprendre l’ours.

Règle n°4 : Gardez toujours votre chien en laisse.

Maintenant que vous connaissez les règles, nous vous souhaitons un agréable séjour dans le parc naturel de l’ours noir.

De Méryl Fortunat-Rossy, Xavier Seron

Avec Jean-Benoit Ugeux, Térence Rion, François Neyken, Catherine Salée, Jean-Jacques Rausin, François Ebouelé

 

 

Dernière porte au Sud

« Le Monde, ce sont des étages, faits de pièces et reliés par des escaliers ». Telle est la vision d’un enfant et de sa seconde tête siamoise, emmurés par leur mère dans le manoir familial depuis leur naissance… jusqu’au jour où, apercevant une étrange lumière, ils jurent de trouver le bout du Monde.

De Sacha Feiner

 

Kanun

KANUN : code albanais ancestral, impitoyable. L’article 864 dit : Tu vengeras la mort d’un membre de la famille par la mort de l’assassin. Mais l’article 602 impose de respecter et protéger son invité comme son propre enfant. Et ce soir, Adil a accepté d’héberger Johan, un de ses hommes de main, pour la nuit.

De Sandra Fassio

Avec Kevin Azaïs, Arben Bajraktaraj, Anila Dervishi, Louise Margouet, Jehon Gorani, Alfons Avdylaj

 

 

 

Les Zoufs

Le soleil va bientôt se lever, du haut de son toit, Michel voit tout, entend tout, sent tout. La vue est belle, le temps passe, les Zoufs s’enchainent et ne se ressemblent pas. Tiens voilà la lune, on dirait une banane !

De Tom Boccara, Noé Reutenauer, Emilien Vekemans

Avec Michel Malchair, Claudia Vanbrusselen, Eduardo Della Faille, Thomas Debaix, Axel Stainer, Philippe Gaillez, Virgini Vandezande, Kirill Patou

 

Tout va bien

Depuis quelques jours, Raphaël a reçu son billet d’écrou. S’agissant d’une courte peine, l’usage veut qu’on le renvoie directement chez lui en l’attente d’un bracelet électronique. Il a donc décidé de ne prévenir personne.

De Laurent Scheid

Avec Thomas Coumans, Margot Bancilhon, Laurent Capelluto, Achille Ridolfi

 

 

Les Amoureuses

Sara vit avec sa petite soeur Mouche et leur mère Aline dans un camping piscine durant toute l’année. La fin de la saison approche quand un jeune homme, Lilian, vient effectuer un remplacement. Cette rencontre mènera chacune d’elle à se confronter au désir et aux changements qu’il provoque en elles. La rivalité s’installe pour la première fois entre les trois femmes.

De Catherine Cosme

Avec Cosima Bevernaege, Aurore Fattier, Fantine Harduin, Marc Zinga

 

Nelson

En quête d’expérience et de sensation, deux jeunes amis décident d’aller chez des prostituées à la campagne.

De Juliette Klinke, Thomas Xhignesse

Avec Axel Capite, Arnaud Castaigne, Julie Sokolowski, Miriam Youssef

 

Le sommeil des Amazones

Camille a eu une aventure avec son prof de français. Exclue de sa communauté, elle s’enfuit et rencontre Lena, qui la prend sous son aile. Chez elle, elles sont déjà quatre. Elles forment une tribu, une famille, un groupe si serré que tout est partagé. Le reste du monde est leur terrain de jeu, leur adversaire. Elles se rebellent parfois juste pour la rébellion, mènent des batailles juste pour être en guerre. Car être en guerre, ça évite de devoir penser à la reconstruction.

De Bérangère McNeese

Avec Sophie Breyer, Judith Williquet, Lou Bohringer, Olivia Smets, Stéphane Caillard, Guillaume Duhesme, Jeremy Azencott

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