Samedi, à Malte se déroulera la cérémonie des European Film Awards. Emilie Dequenne, sera-t-elle élue « Meilleure Actrice Européenne de l’année » pour son rôle dans A perdre la raison ?
Treize ans après Rosetta des frères Dardenne, la prestation d’Emilie Dequenne dans A perdre la raison de Joachim Lafosse avait terriblement impressionné le public et la presse à Cannes. Mais aussi le jury de la section Un Certain Regard qui créa pour elle un Prix d’interprétation mixte, qu’elle remporta donc.
Produit par Versus production, A perdre la raison raconte l’histoire de Murielle (Emilie Dequenne) et Mounir (Tahar Rahim) qui s’aiment passionnément. Depuis son arrivée en Belgique, le jeune homme vit chez le Docteur Pinget (Niels Arestrup), qui lui assure une vie matérielle aisée. Quand Mounir et Murielle décident de se marier et d’avoir des enfants, la dépendance du couple envers le médecin devient excessive. Murielle se retrouve alors enfermée dans un climat affectif irrespirable, ce qui mène insidieusement la famille vers une issue tragique.
À perdre la raison est, on le sait, « inspiré » d’un fait divers criminel très célèbre, mais le film de Joachim Lafosse est bien plus que cela: une recréation artistique qui nous plonge au cœur de l’humain sans jouer sur la corde irritante du mélo larmoyant. Plusieurs scènes resteront longtemps gravées dans les mémoires : celle qui clôt le film bien sûr, celle qui l’ouvre aussi. Mais la plupart des spectateurs qui ont vu ce drame font très souvent référence à cette séquence assez incroyable où Émilie craque au volant de sa voiture en écoutant une chanson de Julien Clerc aux paroles particulièrement cyniques dans ce contexte décalé.
Dans cette compétition, Emilie Dequenne sera opposée à Emmanuelle Riva (Amour), Margarethe Tiesel (Paradies : Liebe), Nina Hoss (Barbara) et Kate Winslet (Carnage). Autant dire que si elle a une véritable chance d’émerger, elle n’a pas, loin s’en faut, partie gagnée. La rumeur voudrait qu’Emmanuelle Riva, privée de prix à Cannes pour cause de Palme d’Or pour Amour (on ne cumule plus) soit ici récompensée pour sa très touchante performante aux côtés de Jean-Louis Trintignant.
Il n’empêche que les critiques qui ont salué son travail furent nombreuses et chaleureuses. Aussi bien en Belgique qu’en France. Florilège : « Bouleversante, transfigurée physiquement, Emilie Dequenne réalise une performance impressionnante », note Hubert Lizé dans Le Parisien .
« Baignée dans une lumière blanche qui accentue ses cernes et son air absent, Emilie Dequenne se mue progressivement en Médée des temps modernes. Sa noirceur se révèle lentement à mesure que les gros plans dont use et abuse le cinéaste de 37 ans, accentuent l’oppression subie par Murielle. Difficile de trouver un qualificatif pour décrire la prestation de la jeune comédienne tant elle nous bluffe en mère-épouse complètement épuisée. Au fil des minutes qui s’égrènent, elle donne à son personnage une allure fantomatique. Emilie Dequenne est saisissante dans l’aliénation et l’émotion qu’elle transmet », écrit Khadija Moussou dans Elle .
« A 17 ans, Emilie Dequenne crevait l’écran avec “Rosetta”, la paria rageuse des frères Dardenne. Treize ans après, dans “A perdre la raison”, de Joachim Lafosse, son jeu instinctif et subtil, touche comme jamais », conclut Jacques Morice dans Telerama
Qu’une actrice parvienne ainsi à transcender un rôle aussi ingrat (on parle quand même d’une mère infanticide) tient de l’exploit. Il ne faudrait pas l’oublier. Emilie est une actrice d’exception.
Ce sont les membres de l’Académie qui ont voté pour élire les lauréats des différentes catégories (hors le prix du public, bien entendu, où Hasta La Vista aura fort à faire face à quatre blockbusters européens). La cérémonie aura donc lieu ce samedi 1er décembre à Malte. Il sera possible de la suivre en direct sur le site des European Film Awards. Un résumé d’1h30 sera diffusé le dimanche 2 décembre à 22h40 sur Arte Belgique.