Comme le FIFF namurois la semaine dernière, le festival de Gand qui vient tout juste de débuter fait cette année la part belle aux productions régionales avec quelques très solides avant-premières qui devraient faire courir les cinéphiles des deux Flandres, mais aussi les Anversois, les Brabançons ou les Limbourgeois. Et puis, c’est une particularité de ce cru 2012, le cinéma belge francophone aura aussi droit à une belle soirée de gala, le mercredi 17 octobre, avec la projection en grandes pompes de Le Monde nous Appartient, deuxième long métrage très ambitieux de Stephan Streker, qui sera précédé d’un show-case de l’excellent(issime) Ozark Henry.
Le Monde nous appartient, nous le tenons à l’œil depuis quelque temps déjà. Au point que nous lui avons consacré un Grand Ecran assez musical et très esthétique en avril dernier. Vous pouvez aussi découvrir dans nos director’s cut quelques extraits d’interview avec Stefan Streker et Ozark Henry ou, si ce n’est pas encore fait, admirer le premier clip tiré de la bande originale qui regorge, bien sûr, d’images extraites du film.
Nous sommes vraiment très curieux de découvrir ce long métrage in situ dans le cadre du festival et de voir l’accueil qui lui sera réservé. On sait tous combien il est compliqué pour un long métrage de passer la frontière linguistique. Mais Gand a vraiment voulu ce film au point de se mesurer au FIFF pour en obtenir l’exclusivité. La présence au générique d’un des musiciens majeurs du nord du pays n’y est bien sûr pas étrangère, mais la facture esthétique du long métrage, ses ambitions artistiques et son côté « film de genre » qui s’assume ont aussi dû peser dans la balance.
A Gand, ce sont pourtant les films in het Nederlands qui feront l’évènement, c’est bien normal. Notamment le film d’ouverture, projeté hier soir en présence du gotha du cinéma flamand : The Broken Circle Breakdown est le nouveau long métrage de Felix Van Groeningen qui avait créé la sensation avec De Helaasheid Der Dingen (La Merditude des Choses). Ici, toujours sans complexe, le réalisateur plonge avec délectation dans le mélodrame le plus tragique et y ajoute une touche très personnelle à base… de country music vintage dans un univers qui fascinera les fans de tatouages. Bref, un film définitivement… offline.
A l’image du titre de l’autre évènement programmé de la semaine. Offline fera la clôture du festival sur un mode très sombre. Le long métrage de Peter Monsaert colle aux basques d’un type qui sort de prison pour s’apercevoir qu’il a tout perdu. Il va essayer de refaire sa vie, mais se réinsérer dans notre société tient de l’exploit et il va l’apprendre à ses dépens. Focus la semaine prochaine sur notre site.
Troisième temps fort, La Cinquième Saison. Deux fois couronné à la Mostra de Venise, le troisième long métrage de Peter Brosens et Jessica Woodworth, plonge le spectateur dans un monde dévasté par une catastrophe naturelle de grande ampleur. Après l’hiver, la nature refuse de renaître: le printemps ne vient pas, les insectes disparaissent, les vaches refusent de donner du lait et la famine guette en raison de l’absence de récoltes. Les habitants d’un petit village recherchent un coupable. Les rôles principaux de ce film atypique qui a fasciné pas mal de spectateurs sont entre autres incarnés par Sam Louwyck, Aurélia Poirier, Django Schrevens, Gill Vancompernolle et Peter Van den Begin. Malgré son identité flamande, le film a été tourné là où le couple habite : dans le Condroz. (voyez ICI la bande-annonce)
Welcome Home de Tom Heene et Kid de Fien Troch seront également à l’affiche du festival, mais finalement le choc le plus inattendu sera peut-être Dood van een Schaduw, projeté lui aussi hier en ouverture de cette manifestation décidément fort alléchante.
Inattendu? Oui parce qu’il s’agit d’un court métrage. Mais non, parce que nous vous l’avons déjà dit, il s’agit aussi (et surtout) d’un bijou époustouflant que son réalisateur Tom van Avermaert nous a fait découvrir en hyper exclusivité il y a plusieurs mois déjà. Le jeune réalisateur le plus inventif du moment au Nord du pays y met en scène un Matthias Schoenaerts déboussolé et émouvant dans un univers qui évoque quelques grands classiques de la SF vintage, Dark City ou Brazil par exemple. La photo est superbe, l’interprétation forcément éblouissante, la mise en scène d’une diabolique précision et l’histoire étrange, décalée, bouleversante. Dood van een Schaduw/Mort d’une ombre est ce qu’on appelle une réussite totale qui appelle d’urgence un long métrage. Le film a d’ailleurs été récompensé du grand prix au L.A. Stort Fests et se trouve désormais dans une short List qui pourrait le mener jusqu’aux Oscars. Pour en savoir plus, plongez ici. Ou regardez ici la bande-annonce.
Après la fête du cinéma francophone, c’est donc au cinéma flamand de savourer pendant une dizaine de jours les joies de médiatisation intensive. Et au Nord du pays on ne fait jamais les choses à moitié quand il s’agit de mettre ses artistes sur un piédestal.