C’est donc le cinéaste belge Thierry Michel qui endossera le costume du Président pour la 11e édition des Magritte du Cinéma. L’occasion de mettre à l’honneur le cinéma documentaire, en cette année où l’Académie André Delvaux a justement créé un Magritte du Meilleur court métrage documentaire.
Depuis près de 50 ans Thierry Michel construit une oeuvre cinématographique dense et ouverte sur le monde, en écho aux grandes questions qui le traversent.
Né en 1952 à Charleroi, en plein Pays Noir, passionné de photographie, il s’engage dès l’âge de 16 ans dans des études de cinéma à l’IAD, où il croise Henri Storck ou Paul Meyer. Très vite, il se tourne vers un cinéma socialement et politiquement engagé, un cinéma en prise avec le réel, qui en décortique les enjeux et les mécanismes. Il réalise alors Pays noir, pays rouge, ancré dans ses terres, puis Chroniques des saisons d’acier, s’inscrivant de plain-pied dans l’école documentaire belge initiée en 1933 par le Misère au Borinage d’Henri Storck justement.
Dans un premier temps, il alterne documentaire et fiction (Hiver 60 notamment, sur les grandes grèves wallonnes), mais toujours avec le souci d’être au plus près du réel.
Rapidement cependant, il décide de promener sa caméra loin de ses frontières, d’aller chercher ailleurs ce qu’il ne trouve plus en Wallonie. Il s’arrête au Brésil, où il tourne A fleur de terre et Gosses de Rio. Il y découvre la culture noire, qui l’entraine pour la première fois sur le continent africain, où il tourne Zaïre, le cycle du serpent. Le début d’une longue histoire cinématographique qui hantera son oeuvre durant plus de 30 ans, jusqu’à son dernier film, L’Empire du Silence, actuellement en salle.
Il fera quelques incartades à sa passion pour le Congo, notamment avec deux films qui remportent un vif succès, Donka, radioscopie d’un hôpital africain, tourné en Guinée, et Iran, sous le voile des apparences, qui capte le contraste déchirant entre la ferveur religieuse des uns et la soif de liberté des autres.
Ces 5 dernières années, il opère un retour en ses terres natales pour s’intéresser à sa jeunesse, dans Enfants du Hasard, portrait des jeunes générations issue de l’immigration, ces petits fils de mineurs, filmés un an durant lors de leur dernière année d’école primaire, puis L’Ecole de l’impossible, fragments de vie, axé sur leur adolescence.
Mais son coeur de cinéaste est resté au Congo. Après Zaïre, le cycle du serpent, il y a tourné notamment Mobutu, roi du Zaïre, dont on connait le succès international, mais aussi Congo River, Katanga Business, L’Affaire Chebeya, un crime d’état? puis L’Irrésistible ascension de Moïse Katumbi.
En 2016, il dresse le portrait d’un résistant, le Docteur Denis Mukwege, gynécologue congolais qui soigne les femmes victimes d’abus sexuels, dénonçant la violence des bourreaux, et la résilience des victimes, dans L’Homme qui répare les femmes – la colère d’Hippocrate. Le film voyage dans le monde entier. En 2018, le Docteur reçoit le Prix Nobel de la Paix. Lors de son discours officiel à Oslo, il insiste sur l’impunité dont bénéficient les criminels de guerre congolais. Et ose donner des noms. C’est avec cette volonté de rompre ce cycle d’impunité que Thierry Michel réalise L’Empire du Silence, son dernier film actuellement en salle, qui vient clore son aventure humaine et cinématographique avec le Congo, pour mettre des images et des mots sur cette guerre qui ne dit pas son nom, et ravage le pays le plus riche du continent depuis plus d’un quart de siècle.
Thierry Michel succède ainsi à Pascal Duquenne, Patar & Aubier, Natacha Régnier, Virginie Efira, Marie Gillain, François Damiens, Emilie Dequenne, Yolande Moreau et Bertrand Tavernier.
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