« The Best of Dorien B »: l’art de la crise

The Best of Dorien B. d’Anke Blondé dresse le portrait d’une femme en pleine crise qui va se reconnecter avec ses émotions et ses rêves alors que sa vie vole en éclats

Dorien B a tout ou presque pour être heureuse: de beaux enfants, un beau mari, une belle maison dans les bois. Elle a même repris le cabinet vétérinaire de son père, où les affaires sont plutôt bonnes. Les premières minutes de The Best of Dorien B. montrent son héroïne en plein exercice domestique, glissant d’un bout à l’autre de la maison telle une déesse du foyer pour vaquer à ses chronophages occupations et s’assurer que chacun soit bien servi, ou plutôt que son mari et ses deux fils soient bien servis. Cette démonstration de ménagère multitâche pose d’emblée les enjeux et les limites d’une épouse et mère de famille piégée par par une comptine infernale: ranger, laver, cuisiner, trier, travailler, ranger, laver, cuisiner, trier travailler.

L’archétype d’une vie idéale en somme, si elle ne découvrait en quelques heures à peine que sa mère mène une double vie depuis des années, que son mari est très proche de son ex-maîtresse avec laquelle il est censé avoir rompu, et qu’elle a une tumeur au sein gauche.

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Une avalanche de mauvaises nouvelles dont Dorien aimerait bien pouvoir parler, si seulement elle avait quelqu’un à qui se confier… Mais en bon petit soldat de la vie domestique (on notera les nombreuses petites cicatrices acquises au fil de l’exercice de son métier de vétérinaire), Dorien n’a jamais pris le temps d’abreuver les autres de ses états d’âme. Sa tumeur au sein agit comme un élément disruptif qui vient non pas tant faire éclater sa bulle que remettre sur le devant de sa scène personnelle ses émotions et ses envies. Qu’est donc devenu la fille un peu sauvage qui rêvait de s’engager auprès de Vétérinaires sans frontière, et qui écoutait Nirvana à fond dans la voiture?

The Best of Dorien B. souligne la façon dont une série d’évènements fâcheux peut agir comme une épiphanie et précipiter la crise de la quarantaine qui guette nombre d’entre nous. Ce n’est pas un énième drame de la dépression (ni même une comédie), mais plutôt une chronique douce-amère ne manquant pas d’humour et d’ironie. Les choses semblent se précipiter pour l’héroïne, mais alors qu’elle se demande si elle ne serait pas victime d’un acharnement du destin, elle réalise qu’elle a toutes les clés en main pour forger son propre sort – et sortir du chemin qu’on lui a bien gentiment tracé.

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Le film, portrait de femme à la fois sensible et drôle, retrace l’itinéraire d’une rébellion, l’émancipation tardive mais salvatrice d’une trentenaire en pleine introspection. Kim Snauwaert, actrice de théâtre dont c’est le premier rôle à l’écran, compose une héroïne aussi spontanée que déterminée, une vraie révélation.

Ce premier long métrage d’Anke Blondé, dont on avait découvert il y a quelques années le court métrage Dura Lex, sort aujourd’hui en Flandre, et sera programmé à la fin du mois au Festival de Namur. 

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