Sortie sur mesure cette semaine du deuxième long métrage de Jérôme Vandewattyne, The Belgian Wave, délire aussi psychédélique qu’inclassable sur fond d’observation d’ovnis.
Début des années 90. Marc Varenberg et son cameraman disparaissent dans de mystérieuses conditions alors qu’ils mènent l’enquête sur la Vague Belge, une série d’observations d’ovnis sur le territoire. A l’époque, l’histoire fait les choux gras de la presse à scandale, tout en faisant ricaner les médisants. Il faut dire qu’alors que les Américains ont mis des décennies à déclassifier leur documents sur les observations d’ovnis, les Belges, eux, n’ont jamais nié la réalité des observations. 30 ans plus tard, la fille du preneur de son (Karen de Paduwa) et le filleul du journaliste (Karim Barras) entreprennent de mener l’enquête à leur tour pour découvrir la vérité. Le problème avec la vérité, cela dit, c’est qu’on ne sait jamais trop où elle va nous mener…
Jérôme Vandewattyne s’est fait remarquer en 2017 avec Spit’n’Split, faux docu embarqué dans la tournée du groupe liégeois The Experimental Tropic Blues Band et vraie carte de visite cinématographique qui pose les bases d’un cinéma affranchi des contraintes du et des genres. L’aventure se poursuit donc avec The Belgian Wave, manifeste cinématographique hallucinogène, pour celles et ceux qui veulent croire. Croire aux extra-terrestres, pourquoi pas, s’accrochant à un pan peu exploré de l’histoire contemporaine belge, une vague d’observation d’ovnis qui s’est abattue sur le pays dans les années 90. Croire sinon à d’autres façons de faire du cinéma une expérience sensorielle empruntant à l’esthétique psychédélique, invitant le spectateur à laisser au vestiaire ce qu’il croyait savoir sur la bienséance cinématographique pour se laisser aller à expérimenter une explosion de couleurs (et guitares) saturées, de lumières qui piquent délicieusement aux yeux et de son dissonants.
Vade retro sobriété: The Belgian Wave déploie un feu d’artifice visuel qui ne s’embarrasse définitivement pas du bon goût, assumant l’excès, collant au basque du duo de fortune formé par Enzo et Karen, qui se lance dans une enquête spatio-temporelle qui défie presque toutes les limites. Sur leur chemin, ils voient défiler une galerie de personnages secondaires plus dingues les uns que les autres, une ex petite amie fétichiste, un producteur forcément véreux, une notaire qui aboie, une gourou adepte de boissons fermentées, et quelques spécimens d’aliens, bien sûr. Ces histoires d’ovnis convoquent tout un imaginaire de pop culture, dont les images sont comme un sédiment, déjà présente et prêt à être exploiter dans l’esprit du spectateur, le film s’inscrivant gaiement dans ces mythologies. Ca tombe bien, car le cinéma de genre se régale du hors champ comme des filtres et autres jeux de lumière qui contribuent à faire grimper la tension et la température. Le cinéaste voue par ailleurs un vrai culte aux artefacts audiovisuels renvoyant au passé, affichant un recours ludique aux pseudo (ou pas) images d’archives, cassettes et vidéos parsemées de parasites, surfant ainsi sur la vague de la nostalgie 90s. Il joue du format du found footage à la Blair Witch, non pas évidemment pour l’aspect hyper-réaliste mais plus par fétichisme rétro, permettant aussi de lever quelques zones d’ombre sur la personnalité de Marc Varenberg, héros bien moins lisse qu’il n’y parait.
Le récit, initié par Karen, semble peu à peu adopter le point de vue d’Enzo. Son point de vue, et son degré d’intoxication, nous emmenant toujours plus loin dans son esprit embrumé. On perd peu à peu pied avec lui, pour mieux se laisser submerger par ses délires sous psychotropes, où l’on croise entre autres bizarreries une secte prônant le clonage humain financée par l’import/ export de Kombucha. Et ce n’est qu’un début, enfin, un milieu. A ce stade, mieux vaut avoir accepté, comme Enzo, que « croire n’est pas rationnel, c’est émotionnel », pour apprécier à sa juste valeur foutraque les effets à peu de frais qui font joyeusement effet de ce film inclassable à l’énergie et la créativité communicatives, lauréat au Internationales Filmfest Oldenburg du Prix de l’Audace. Nourri de références pop joyeusement remixées (on s’amuse particulièrement du film « US » inspiré de l’enquête opiniâtre du lonesome hero Marc Varenberg – à prononcer avec l’accent américain), The Belgian Wave fait feu de tout bois pour bricoler un univers singulier qui fait mouche.