Sur le tournage de… « Totem »

« C’est coupé! On aide Pablo à sortir du trou? »

Septembre 2019. Sur la route du Bois de la Houssière, des barrières Nadar. A première vue pourtant, tout est calme. Mais lorsque l’on s’aventure un peu plus loin, quelques éléments pour le moins inattendus surgissent. Ici, un campement scout abandonné. Là, un mannequin d’enfant un peu angoissant. Un peu plus loin… une cabine téléphonique. En pleine forêt. Depuis quelques jours, une équipe de tournage s’affaire, les pieds dans la boue, et les mains dans les fougères. Fred de Loof tourne son premier long métrage, Totem, après une carrière de comédien et de réalisateur développée sur de multiples formats, et deux courts métrages complètement déjantés, Les Pigeons ça chie partout, et The Glorious Peanut.

Totem est donc son premier long métrage, co-écrit avec François Neycken, réalisé dans le cadre de l’appel à projets à production légère du Centre du cinéma et de l’Audiovisuel. Comme sur les autres tournages visités jusqu’ici de ces projets un peu spéciaux, l’équipe vante la liberté artistique paradoxalement permise par les contraintes financières. Et quand on cherche à connaître le pitch du film, on comprend mieux pourquoi…

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Fred de Loof, aka Buffle Courageux

Mais c’est quoi, ce pitch?

Frank Vandenbroucke, aka Buffle courageux, la quarantaine bien tassée, voit des rats géants. A l’occasion d’une thérapie, il comprend qu’il est hanté par l’esprit de Ludo, un ancien camarade scout qui a disparu lors d’une cérémonie de totemisation. Sa psy l’encourage alors à organiser un revival, un psychodrame analytique où le groupe de vieux scouts revivrait cette cérémonie pour mettre au clair les zones d’ombre qui subsistent. Mais ce que n’avait pas prévu la psy, c’est..

La feuillée à remonter le temps

Car oui, ce film de potes tragicomique vire soudain à la science-fiction quand les héros remontent soudain le temps… en passant par la feuillée du camp. Les toilettes, donc. L’occasion de tomber nez-à-nez avec leurs jeunes alter egos, et surtout de faire remonter à la surface le fond du problème. Car ce qui ne leur semblait à l’époque n’être que de grosses blagues n’était en fait rien d’autre que du harcèlement en bonne et due forme. Et les héros défraichis passent soudain de buddies à bullies.

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Montagnes russes

« C’est clairement un film qui mélange les genres, nous explique Pablo Andres. S’il a un côté très absurde, un humour parfois très enfantin, il traite d’un sujet profondément grave. Ce contraste très fort le rend vraiment original. A vrai dire je n’ai jamais vraiment vu de projet comme ça en Belgique, c’est vraiment un ovni. »

Le réalisateur confirme: « C’est aussi un film sur le harcèlement, et sur les dynamiques de groupe qui peuvent se mettre en route dans ce type de situation. En essayant de faire rire le spectateur avec les héros, on veut aussi le mettre malgré lui dans cette position de harceleur par le rire, faire comprendre comment se raccrocher au groupe, même si l’on n’est pas acteur soi-même du harcèlement, peut aussi être destructeur. »

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Scout toujours

« Où est le fanion de Marmotte? » demande la scripte. On est en plein univers scout, ce qui devrait raviver de nombreux souvenirs chez les spectateurs belges. Les personnages sont d’ailleurs désignés par leur nom de totem. « Mon personnage s’appelle Okapi, dit Pablo Andres. Ca lui va bien, on ne sais pas trop le situer, entre le zèbre et la girafe. Mais on sait que c’est un ruminant. Et Okapi rumine beaucoup, justement. »

« Le scoutisme, j’adore ça, confie Fred de Loof, mais c’était surtout un prétexte pour raconter cette histoire. J’aimais l’idée de voir ces mecs de 40 ans qui se retrouvent 20 ans plus tard, ré-endossent l’uniforme, retombent en adolescence, et prennent conscience de l’effet de groupe et de son pouvoir. Et puis c’est un peu un film d’ado je crois finalement. Avec François Neycken, mon co-scénariste, on s’est aperçu que les jeunes comédiens qui jouent nos personnages ados ont surkiffé le scénario. On en a conclu qu’on était peut-être bien un peu restés de vieux ados… »

En attendant, toute l’équipe a établi son camp dans les bois, un petit défi en soi.

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En mode challenge

« En fait notre plus grand défi, résume Fred de Loof, c’était d’imaginer un film de voyage dans le temps, mais sans budget, et sans effets spéciaux! » On imagine la folle jubilation à l’écriture… « Le décor était tout trouvé, continue-t-il. Non seulement la foret n’a pas vraiment changé en 20 ans, mais en plus les protagonistes reconstruisent leur camp à l’identique pour revivre pleinement leur traumatisme. » Bingo, le temps est remonté à peu de frais.

Il faut dire aussi que les productions légères du genre cultivent l’art de la débrouille. Ici, le tournage est prévu pour 13 jours seulement. Un petit exploit, qui demande quelques aménagements. Petit détail pour commencer, nous ne sommes pas dans les Ardennes (« On aurait dû loger toute l’équipe qui vient essentiellement de Bruxelles, nous explique le directeur de production »), direction le Hainaut, à moins d’une heure de la capitale. Le film se tourne à deux caméras, mais dès que les plans le permettent, l’équipe se dédouble sur deux plateaux pour emmagasiner un maximum de scènes en un minimum de temps. « On tourne 6 à 7 minutes utiles par jour, c’est un vrai rythme de série télé, mais avec des exigences cinématographiques. Il faut être créatif, renchérit le directeur de production. »

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Dépasser les limites

Les contraintes budgétaires permettent néanmoins une vraie liberté artistique. Fred de Loof s’en réjouit: « On peut pousser les curseurs un peu plus loin, et tester de nouvelles choses. Moi, ça m’a permis de continuer dans la direction prise avec mes courts métrages, de développer mon univers personnel, d’y mettre toute ma personnalité. » Et ça tombe bien, car « Fred sait exactement où il va, confie Pablo Andres. Il n’a peur de rien, mais réussit à être drôle, sans être dans la caricature. »

L’humoriste et comédien apprécie que ce type de projets permette de mettre en valeur de nouveau talents venus de l’extérieur du sérail cinématographique, et notamment de la scène, comme son camarade Kody, qui sera à l’affiche de Losers Revolution. « Mon rêve, ça a toujours été de faire du cinéma. J’ai incarné beaucoup de personnages hauts en couleur sur scène, à la télévision ou sur le web, mais mon but aujourd’hui, c’est aussi de pouvoir faire bouger les curseurs, et proposer autre chose. Et pourquoi pas bientôt, écrire moi aussi mon propre projet. » Encore une histoire de curseurs…

 

Totem devrait sortir sur les écrans dans quelques mois, puisque le film devrait être achevé début 2020. Au générique, on retrouvera le réalisateur dans le rôle de Buffle courageux, et à ses côtés François Neycken, Céline Peret, Quentin Marteau, Xavier Seron et Pablo Andres donc. Le film est produit par 1080 Films, la société créée par Benoît Roland et Nabil Ben Yadir. La suite au prochain épisode…

 

NB: les photos de plateau sont signées Cédric Bourgeois pour 1080 Films. 

 

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