Sur le tournage de… « Des gens bien »

Belgique, Brabant Wallon, 10 août 2021. Cela fait déjà 9 semaines que l’équipe de tournage de Des gens bien s’active un peu partout en Belgique pour mettre en boîte les 6 épisodes de la nouvelle série des créateurs de La Trêve, Matthieu Donck, Benjamin d’Aoust et Stéphane Bergmans. Après des semaines de grisaille et de solides intempéries, le soleil pointe à nouveau son nez sur le set, installé dans une usine dans le coin de Ittre, où ont été reconstitués un petit commissariat belge, ET une modeste gendarmerie française. Et pour cause, la série se passe dans le Sud de la Belgique, à la frontière belgo-française.

L’ambiance, réchauffée par le soleil, est décontractée. Le tournage s’achèvera en fin de soirée, et on rencontre l’équipe lors de la pause déjeuner, en milieu d’après-midi. Il ne reste plus que quelques jours de tournage pour cet été. Quelques scènes ont dû être reportées au mois de septembre, suite aux inondations du mois de juillet, qui ont de fait modifié le plan de travail. « On a mis un peu de temps à comprendre l’ampleur de la situation, comme tout le monde je crois, nous explique Matthieu Donck. Sur un tournage, on est vite contrarié par le moindre changement de programme, mais là on s’est quand même posé la question de notre légitimité face à l’effroyable situation que vivaient certains. Et puis finalement, on s’est dit que notre job à nous, c’était de raconter des histoires, et qu’on en aura toujours besoin, aujourd’hui ou demain. »

On demande alors si cette météo particulièrement pluvieuse, voire automnale n’a pas eu trop de répercussions sur la série telle qu’elle avait été écrite. On imagine bien qu’un tournage en été appelle un peu de chaleur à l’écran… « Effectivement, dans le script, l’histoire se passe en pleine canicule. On a dû un peu ruser, intégrer quelques plans de ciel qui se couvre pour être raccord, inventer des micro-climats, mais heureusement, le soleil était présent pour les quelques séquences où il était indispensable, confirme Stéphane Bergmans. »

Le décor est donc posé. Nous sommes à la frontière belgo-française, un été de canicule. Mais qui sont ces Gens bien?

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Matthieu Donck, Benjamin d’Aoust et Stéphane Bergmans

« Tout commence avec Tom et Linda, précise Benjamin d’Aoust. Linda tient un solarium dans le sud de la Belgique, près de la frontière française. Tom lui est policier. Ils sont acculés de dettes. Ils essaient de s’en sortir, de garder la tête hors de l’eau, mais dès qu’ils y parviennent, ils sont à nouveau engloutis.Ils tentent l’emprunt de la dernière chance, pour sauver leur vie, le petit modèle de bonheur qu’ils se sont construit, mais l’emprunt leur est refusé. A partir de là, c’est la dégringolade. En écrivant, on avait en tête le principe des dominos. On se dit qu’on va juste en faire tomber un, un petit, mais forcément derrière, une deuxième tombe, puis un troisième… Et tout s’effondre. »

Ces gens bien, ce sont donc des gens ordinaires, une classe moyenne qui tend plutôt vers le bas, qui n’est pas dans une situation de précarité extrême, mais qui peine pourtant à joindre les deux bouts. Une large part de la population belge ou française finalement, que l’on n’avait que rarement vue sur le grand ou le petit écran, jusqu’à la crise des Gilets Jaunes il y a deux ans. « On a commencé à écrire à ce moment-là, confie Matthieu Donck, soudain la lumière était mise sur cette petite middle class de province qui se sent hors du système, exclue. Des gens qui travaillent, qui essaient de s’en sortir, mais qui ne gagnent pas assez d’argent pour accéder à tout ce que la société essaie de leur vendre. »

« Situer l’histoire sur cette frontière faisait donc particulièrement sens pour nous, renchérit Stéphane Bergmans. C’est la fin de la ligne de train, le dernier arrêt. Les derniers à accéder aux choses. »

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La productrice de la série, Julie Esparbes, souligne que c’est aussi ce qui a plu à Arte (il s’agit de la première coproduction d’envergure entre la RTBF et la chaîne franco-allemande, dans le cadre du fonds série), le fait de parler d’autre chose que de Paris, de visiter des territoires excentrés, que l’on voit peut d’habitude. « On est vraiment très heureux et très fiers de cette collaboration, et de s’inscrire dans la lignée des formidables séries produites par la chaîne, ajoute-t-elle. »

Avec La Trêve, Donck, d’Aoust et Bergmans avaient déjà contribué à faire de la Belgique un territoire de série. L’enquête de Yoann Peeters transformait les Ardennes en lieu de fiction, inscrivant l’enquête policière dans des paysages familiers peu vus jusqu’ici, lui donnant un accent nouveau, littéralement, et narrativement. Les auteurs s’étaient alors appliqués à travailler la crédibilité de l’histoire, transposant un format classique, le whodunnit ou murder mystery (qui a tué?) dans des décors ardennais, avec des visages du coin.

« Quand on a commencé à écrire La Trêve, notre principal objectif, c’était d’être pris au sérieux, se souvient Benjamin d’Aoust. On a écrit le plus possible au premier degré, car il fallait créer un suspense, on ne pouvait pas trop décaler les choses. Avec la saison 2, on a pu un peu s’écarter de ce premier degré, avec des personnages comme Tino et Claudine. Ici, on s’est permis de regarder les personnages avec un peu plus de distance, et d’amener un peu de second degré, même si tout reste extrêmement crédible. Cela nous permet de les voir se débattre dans cette société tellement dure, et c’est notamment comme ça que l’on amène plus de comédie. » 

Changement de ton donc, mais pas forcément de formule. « On décale beaucoup, précise Stéphane Bergman, mais on garde l’ADN de l’enquête dans la façon de raconter l’histoire, en veillant à accrocher le public à la fin de chaque épisode. On a prévu ce qu’il faut de cliffhangers! »

Le cadre très contraignant que les auteurs s’étaient fixé pour écrire La Trêve leur a finalement permis d’acquérir la légitimité et l’expérience qui les autorisent aujourd’hui à trouver plus de liberté dans leur approche, même s’il convient de rester crédible. Après l’hyper-réalisme de La Trêve en termes de contexte et de territoire, Des gens bien plonge ses personnages dans une sorte de Far West, plus exotique, un lieu de frontière.

On comprend que si le contexte reste relativement lourd, si les personnages sont pris en étau par une mécanique d’échec inexorable, le ton lui sera plus varié, oscillera entre drame et comédie.

« En fait, Tom et Linda vont basculer dans une petite criminalité ordinaire, précise Matthieu Donck, mais comme ce sont des gens bien, ils ne sont pas aguerris à la criminalité, et c’est ça qui va les condamner à l’échec. Quand le prêt leur est refusé, ils ont l’idée de mettre en scène un faux accident pour faire une arnaque à l’assurance-vie. Mais ils vont mal faire les choses, et se faire rattraper par d’autres gens bien. »

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Mais finalement, c’est quoi des gens bien?

« Justement, c’est toute la question de la série, réagit Benjamin d’Aoust. Tous les personnages de la série sont des gens bien. Mais être quelqu’un de bien, ça peut aussi être à un moment poussé à un endroit qu’on n’a pas choisi, être face à un moment de balance. Etre confronté au fait de devoir gérer son rapport à la morale: va-t-on basculer? Ne pas basculer? On amène nos personnages à cet endroit de balance, mais la vraie question à se poser est peut-être: ont-ils encore le choix? Ils sont tellement acculés par la situation, qu’en est-il de leur libre arbitre à ce stade? »

Pour incarner le couple de héros, les auteurs ont organisé un très grand casting, pour finalement jeter leur dévolu sur Lucas Meister, comédien très présent au théâtre, qui avait déjà un petit rôle dans la saison 2 de La Trêve, et sur Bérangère Mc Neese, qu’ils connaissaient déjà mais les a pourtant complètement bluffés lors du casting.

Autour d’eux, une galaxie de personnages incarnés par des acteurs français et belges, Dominique Pinon, India Hair, Gwenn Berrou, Michael Abiteboul, Nicolas Buysse, Jérémie Zagba, mais aussi François Damiens passé deux jours sur le tournage, ou Peter Van Den Begin, qui tient un rôle primordial, qui avait lui aussi tourné dans la saison 2 de La Trêve, « mais on l’avait coupé au montage, plaisante Benjamin d’Aoust, on avait envie de lui proposer un peu plus cette fois-ci! »

Rendez-vous sur le petit écran en 2022!

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