On vous emmène sur le tournage du nouveau long métrage de Aimer perdre, le nouveau film de Lenny et Harpo Guit (Fils de plouc).
Vendredi 28 avril 2023. On a rendez-vous en fin de journée près de la Porte de Hal, sur le tournage du nouveau film de Lenny et Harpo Guit, Aimer perdre. Au loin retentissent des sirènes de pompier, un imposant panache de fumée s’élève dans le ciel à quelques rues de là. Sur le plateau, ça s’interpelle, ça plaisante, ça file à l’anglaise, c’est la pause repas. Les frères restent concentrés, ils changent de décor pour cette ultime journée de tournage à Bruxelles, avant de déplacer l’équipe en France pour la dernière ligne droite. Dans la loge nous attendent Rim Cavalier Bazan (aka Armande, l’héroïne du film), Maxi Delmelle, que l’on avait déjà croisé sur le tournage de Fils de Plouc, et David Borgeaud, le producteur du film. C’est parti pour 20mn de conversation enthousiaste et décalée, forcément, à propos de ce nouveau film des nouveaux E.T. du cinéma belge…
Peut-être avez-vous vu passer il y a quelques mois, Fils de plouc, un véritable ovni, une comédie délicieusement « affreuse, sale et méchante », sélectionnée à Sundance, rien que ça, où le film a fait sensation? Peut-être connaissez-vous Clubb Guitos? C’est sous cet avatar que Lenny et Harpo Guit ont commencé à partager leurs films sur Youtube, via une chaîne déjantée où l’on retrouve une soixantaine de vidéos aux noms évocateurs, comme Nathalie vous nique tous, La semaine est encore longue, ou encore La brigade du Kiff. C’est peut-être bien elle, d’ailleurs, qui oeuvre dans l’ombre du plateau…
Toujours difficile de faire parler les talents à ce stade d’un projet. Le scénario est là, les intentions aussi, mais tout est encore en gestation, on sent autant une réelle envie de partager qu’une attention à ne pas trop en dire. Quand on lui demande de se présenter, Rim hésite un quart de seconde, avant de nous répondre en portugais (qu’on parle peu, avouons-le), puis en anglais. On comprend que cette jeune comédienne formée au Centre des Arts scéniques est un petit tourbillon ravageur, qui s’est emparé avec appétit du personnage d’Armande, et de cette opportunité offerte par les frères Guit: « Quand j’ai passé l’audition, je ne connaissais pas les frères Guit. Ils ont une façon bien à eux de faire passer les castings, ils sont super impliqués. Dans mon cas, je suis entrée, puis ils m’ont dit: Alors là tu arrives, et puis tu fouilles dans le sac, et là, oh, tu trouves un pigeon, etc. Ils étaient à mes côtés tout au long de la scène. »
Maxi Delmelle lui connaît bien le duo, qu’il accompagne depuis ses débuts, il est d’ailleurs l’un des héros de leur chaîne Youtube, et de Fils de Plouc bien sûr. Il les retrouve avec plaisir et curiosité sur cette nouvelle aventure. On sent bien l’énergie de groupe qui infuse le plateau, le caractère collectif de l’aventure. D’ailleurs, Rim se réjouit d’avoir été consultée, notamment en donnant son avis sur le scénario. « Je fais partie de plusieurs collectifs à Bruxelles de meufs, de personnes trans, je suis assez à l’écoute de ces problématiques, et Lenny et Harpo voulaient avoir mon avis, que je porte un regard politique sur le script. J’ai beaucoup aimé cette démarche, être dans ce rapport de collaboration. Ils ont aimé mon énergie, et me signifiaient qu’ils étaient prêts à me faire confiance. Ca m’a mise hyper à l’aise. C’était une vraie rencontre. »
La jeune comédienne souligne d’ailleurs que le casting et le plateau reflètent la diversité de Bruxelles, devant et derrière la caméra: « S’il y a plus de personnes de différents horizons, on couvre plus de réalités, on réfléchit à d’autres endroits. On a tous des angles morts, ça permet d’ouvrir le champ de vision. »
Elargir le champ de vision, c’est aussi s’intéresser à d’autre types d’héroïnes. La précarité fait partie du quotidien d’Armande, elle squatte chez une « vieille » qui lui fait une petite place parmi sa vaste famille, « elle vit la galère, mais elle est très débrouillarde, elle est très joueuse, dans tous les aspects de sa vie d’ailleurs », explique Maxi; « chaque truc bien qui lui arrive, c’est parce qu’elle a joué, poursuit Rim. Elle provoque les choses. Elle cherche. Tout est matière à jeu pour elle. On a peu de temps dans la vie, c’est quelqu’un qui avance tout le temps, qui est tout le temps en mouvement. Armande est opportuniste, mais c’est le contexte qui la rend opportuniste. C’est pas l’opportunisme d’un homme politique, c’est un besoin pour s’en sortir, avancer. » Maxi lui joue Giorgio, dont on ne saura pas grande chose, sauf qu’il « vient d’une famille où on est vigile de père en fils – et en fille. »
David Borgeaud, le producteur, nous en dit un peu plus sur l’histoire, celle : « d’Armande Pigeon. Elle n’a pas de boulot, des dettes à foison. Elle vit dans la précarité, à Bruxelles, elle squatte un petit bout de chambre chez une vieille dame. Elle vit de peu de choses, et est atteinte du virus du jeu. Elle joue beaucoup, et se retrouve toujours un peu plus en galère. Il y a un peu de comédie romantique aussi. Armande est assez solitaire, a du mal à vivre avec d’autres gens, et mais il y a un gars avec lequel la chance va un peu tourner, ce qui va les rapprocher. Elle va tenter un pari peut-être encore plus fou que les autres: celui de l’amour. »
Les frères Guit dans le registre de la comédie romantique, on ne l’avait pas pu venir. Quid du côté sales gosses si présent dans Fils de Plouc (spéciale dédicace à celleux qui se souviennent de la première scène, puis des autres)? « C’est de la comédie avant tout, précise David, on est dans quelque chose d’énergique, qui va vite. On passe de façon rocambolesque d’une situation à l’autre. Il y a une certaine surenchère dans les plans dans lesquels s’embarque Armande, c’est une joueuse, elle joue, pour toucher le gros lot. »
« On retrouve l’esprit du Clubb Guitos, ajoute Maxi, mais c’est un autre format, il a fallu l’adapter. Disons que s’ils sont peut-être un peu moins provocants, c’est aussi parce qu’ils sont beaucoup plus touchants ici. En lisant le scénario, je me suis dit que c’était plus qu’une comédie, l’émotion était vraiment là. » Et si on devait #hastaguer le film? « Plus d’émotions, moins de caca ». Nous voici rassurés.