Sophie Breyer et Mara Taquin, la nouvelle donne

A l’occasion de la sortie de La Ruche, premier long métrage de Christophe Hermans (on vous en parle ici), nous avons rencontré ses deux jeunes comédiennes belges, Sophie Breyer et Mara Taquin.

Sophie Breyer et Mara Taquin ont débuté plus ou moins en même temps, et présentent des parcours similaires, entre grand et petit écran. Elles partagent aussi de fortes convictions, et une vision hyper moderne de leur métier. Si on les a déjà beaucoup vues, on les verra plus encore dans les mois et les années qui viennent; Avec Salomé Dewaels (nommée aux César et aux Magritte pour son rôle dans Illusions Perdues), elles ont réussi à se faire une place au soleil du cinéma francophone, tout en assumant leur engagement.

Vous avez surement découvert Sophie Breyer dans La Trêve, où elle incarnait la fille de l’inspecteur Yoann Peeters. Elle a ensuite été l’un des deux héroïnes de la mini-série France 2 Laetitia, adapté du livre d’Ivan Jablonka, un rôle fort et bouleversant. Changement de registre avec Baraki, et aujourd’hui avec La Ruche, drame familial intense.

Quant à Mara Taquin, elle s’est elle aussi faite connaître du grand public dans une série belge (Ennemi Public), puis dans le film Hors Norme de Nakache & Toledano (présenté en clôture du Festival de Cannes), avant de retourner à Cannes l’année dernière pour Rien à foutre d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre. Elle est actuellement à l’affiche de la nouvelle série de la RTBF, Fils de.

Elles se confient pour nous dans une discussion à bâtons rompus sur l’expérience particulière qu’a été La Ruche, et sur leur vision de l’avenir.

Pourriez-vous revenir sur votre parcours pour commencer?

Sophie Breyer

Alors moi je viens de Liège, et j’ai commencé à jouer devant une caméra à l’adolescence. Je suivais des cours de théâtre le vendredi, on avait fait un petit court métrage, et j’ai voulu retenter l’expérience.

J’ai fait des stages, justement avec Christophe Hermans, pour tester, par curiosité. Petit à petit, j’ai commencé à passer de castings pour aller un peu plus loin, pendant deux ans, sans que ce soit très concluant. J’ai fini par obtenir un rôle dans un court métrage, puis dans un autre, Vertiges et Baby-Sitting Story. Ces courts métrages ont un peu tourné en festivals, ce qui m’a donné une certaine visibilité auprès des professionnels.

Sophie Breyer dans « La Trêve »

J’ai ensuite obtenu le rôle dans La Trêve, qui a représenté une bascule pour moi. C’était un projet plus long, et cette première série proposait quelque chose de nouveau dans le paysage audiovisuel belge à l’époque. Ca m’a ouvert des portes en France, j’ai fait quelques séries, notamment Laetitia de Jean-Xavier de Lestrade, une grande et belle expérience, très formatrice. 

Et puis Christophe Hermans, avait pensé à moi dès le début de l’écriture de La Ruche, ce qui m’a aussi permis d’en suivre le développement. 

Mara Taquin

Moi j’ai fait les humanités artistiques. Le parcours traditionnel me paniquait un peu je crois, je ne comprenais pas ce qu’on attendait de moi. J’ai essayé de trouver plus d’autonomie, je finissais les cours à 13h, puis je reprenais à 18h, j’avais l’impression d’être dans une dynamique différente. Mais je n’avais jamais pensé au cinéma je crois, je ne connaissais pas ce milieu.

Et puis un jour, une réalisatrice m’a repérée devant mon école, m’a proposé de faire un casting sauvage. J’ai accepté sans savoir où je mettais les pieds.

Mara Taquin dans « Fils de » ©Jo Voets

Cette première expérience s’est révélée très belle, je ne comprenais pas vraiment ce que je faisais là, mais l’équipe était hyper bienveillante, j’avais une vraie confiance. Ce film a bien fonctionné en Belgique, Créatures de Camille Mol, et de fil en aiguille, sans même que je le formalise ou l’organise, on m’a appelée pour d’autres projets, je suis aussi passée par une série belge, Ennemi public. Puis j’ai eu la chance de prendre part au film de Toledano et Nakache Hors Norme qui m’a permis d’avoir accès à un agent, des castings un peu plus conséquents, et ça fait maintenant 6 ans que c’est mon métier, alors que ce n’était pas du tout prévu!

Comment s’est construite votre cinéphilie, y’a-t-il des films ou des carrières qui vous ont inspiré?

Sophie Breyer

La première comédienne que j’ai commencé à suivre de film en film, c’était Marion Cotillard, j’imagine que c’était inspirant. Et puis à l’adolescence, j’ai commencé à aller au cinéma seule, et à découvrir des univers de cinéma très différents, des vraies expériences, qui m’ont un peu déstabilisée, surtout à 16 ans, comme Le Ruban Blanc d’Haneke, ou Enter the Void de Gaspard Noé.

Mara Taquin

Il y a deux films qui m’ont chamboulée. D’abord Thelma et Louise, quand j’ai vu le film, je me suis dit: « Wow, ça doit être tellement émancipateur de pouvoir jouer ces personnages. » Je ne dirais pas que ça m’a donné envie de faire du cinéma, mais ça m’a marquée, comme Grease, d’un côté c’est extrêmement kitsch, les comédiens chantent au lieu de parler, et avec le recul c’est hyper misogyne, mais en voyant ça adolescente, ça m’avait vraiment émue, et fait sourire. 

Quel a été l’impact de ces séries belges dans vos carrières, elles sont arrivées assez tôt?

Mara Taquin

En fait, ça fait un peu peur les séries, on a un peu peur de rester bloquée dans un rôle. Quand j’ai rencontré Sophie, je la chambrais en lui disant « ah, c’est toi la fille du Commissaire! ». Mais c’est assez flippant en fait, c’est un rythme très différent du cinéma. On doit avancer, on ne creuse pas au plus profond de la complexité des personnages souvent.

Sophie Breyer

Après sur certaines productions, on a ce luxe. Sur Laetitia par exemple, une mini-série produite par France 2, c’était un temps très proche du cinéma, l’équipe venait du cinéma d’ailleurs, la temporalité était proche d’un tournage de long métrage.

Cela dit c’est très formateur pour parvenir à être efficace, on n’a pas le temps de tergiverser, et parfois en termes de recherche, ça peut être frustrant. Moi en tant que comédienne, j’adore pouvoir chercher, d’autant que Mara comme moi, on n’a pas vraiment eu de formation de comédienne, donc c’est très important pour moi. Et suivre un personnage sur la longueur, surtout quand il y a une saison deux, c’est hyper jouissif.

Mara Taquin

Et puis c’est un format accessible à tous les publics, on sort du microcosme cinéma. Ca touche plus de gens, on est sur un format beaucoup moins élitiste, et c’est intéressant aussi.

A l’inverse, La Ruche vous a permis de travailler vos personnages sur un temps très long…

Mara Taquin

Christophe Hermans et la production nous ont offert une énorme liberté. C’est du luxe, de pouvoir travailler aussi en amont le personnage et l’histoire. On a rencontré Christophe, on a réécrit l’histoire avec nos mots, avec ce qu’on a compris de nos personnages. C’était exceptionnel de faire partie à ce point-là d’un projet, on était impliquée de A à Z, et c’est surement ça aussi qui fait la beauté de ce film, c’est qu’on y a tous mis de la sueur, des rires, des larmes, ça créé quelque chose de très fort.

C’est marrant, avant de passer la casting, on me disait toujours que je ressemblais à une jeune actrice liégeoise, Sophie, et ça me saoulait qu’on soit deux sur le même créneau! Mais en fait, ça a été un coup de foudre amical instantané, on s’est directement comprise, dans le jeu et dans la vie. 

Mara Taquin, Ludivine Sagnier, Bonnie Duvauchelle, Sophie Breyer

Sophie Breyer

Ce qui est intéressant dans le processus, c’est que le dispositif a été réfléchi en fonction de l’énergie de nos personnages. Par exemple, Mara/ Claire était déresponsabilisée, au point de lui cacher certains informations. Pendant tout un temps, elle n’a pas eu accès au scénario, ce qui crée un déséquilibre dans la charge de responsabilités, un écart de savoir et d’informations entre la grande et la petite soeur. Le personnage de Marion est plus en charge de la mère, c’est elle qui lui donne les médicaments, etc. C’est elle qui décide de rester, alors que Claire elle veut partir. Mais l’écart de savoir se réduit au fil du film.

Mara Taquin

Moi j’ai ressenti des injustices, des frustrations, mais ce n’était jamais gratuit. J’avais l’impression de ne jamais être là, et que Sophie elle était toujours là. D’un autre côté, pendant les essayages, moi j’avais des fringues hyper fun, alors que Sophie elle disait: « Mais non, Marion va être trop chiante ». On a été mises hyper en condition.

Sophie Breyer

Il fallait trouver l’écart entre les deux soeurs, la différence de vitalité entre elles deux. Trois semaines avant le tournage, Christophe nous a invitées à investir le plateau, à nous installer dans l’appartement qui servirait de décor, pour qu’on y trouve nos marques, qu’on puisse y improviser, que si on avait besoin de servir un verre d’eau pendant une scène, on sache où étaient les verres. Qu’on soit chez nous. 

Christophe voulait aussi qu’on rencontre une partie de l’équipe technique dans le jeu, le chef op, la scripte. Ils nous a lancées dans des impros, et personne ne savait ce que les autres allaient faire. Je me souviens d’une fois où il nous a lancé avec Ludivine, nous a demandé une crise, et a fait venir Mara et Bonnie après, sans qu’elles sachent ce qui s’était passé. ..

Mara Taquin

On avait une telle connaissance de nos personnages, que je ne me souviens pas m’être référée au scénario pendant le tournage, avoir appris un texte. On savait exactement comment parler, comment agir. On était vraiment soeurs je crois, je pouvais prévoir comment Marion/ Sophie allait réagir.

Sophie Breyer

Le dispositif nous a offert une telle liberté. Une aisance de jeu, c’était très organique, on n’avait plus à se poser de questions. Et puis une grande partie de l’équipe était en dehors du plateau. On n’était pas encerclées dans des positions, des questions de points. On n’a presque pas eu de marque, jamais refait une prise pour le point.

Mara Taquin

Ca donne une confiance énorme. On se dit qu’on a le droit de sortir du cadre pour faire un mouvement improvisé. Je ne me souviens pas avoir attendu la technique, c’était du jeu permanent.

Sophie-Breyer-La_ruche
Sophie Breyer dans « La Ruche »

Qui sont Marion et Claire?

Mara Taquin

Ce qui est hyper important dans le film, c’est la loyauté des enfants envers les parents. Ca peut sembler violent, vu de l’extérieur, mais quand on nait dans une famille, quoi qui s’y passe, c’est ça la normalité, la vérité. C’est ça que raconte la ruche aussi, cet enfermement.

On dit de Claire qu’elle fuit dans la fête, mais moi chez elle, je vois beaucoup de lucidité. Elle voit avec plus de recul, mais c’est très dur d’imposer ce recul à ses soeurs, alors parfois, elle prend ses distances. Marion doit faire son propre cheminement, elle n’est pas prête à entendre tout ce qu’a compris Claire.

Même dans le rapport au père, quelque soient ses erreurs, elle sait qu’elles ont besoin d’aide. Ce n’est pas juste une crise d’adolescence superficielle, elle n’est pas dans le déni, elle, et a compris qu’elle devait se sauver aussi. C’est marrant, j’ai des amis qui ont vu le film, et m’ont demandé si c’était Claire ou Marion la grande soeur.

Sophie Breyer

Claire a une plus grande conscience de la situation, bien qu’elle prenne moins les choses en charge. Marion a une vie, des envies, mais très vite elle les sacrifie, elle se met en tête d’assumer la situation, alors qu’elle n’en est pas vraiment capable. Avec Christophe, on s’était dit que Marion voulait prendre une place d’adulte, agir comme un bon père de famille. Mais elle n’est pas prête à être adulte, d’autant qu’elle interprète ça comme une loyauté sans faille, alors que la situation exige de prendre du recul. 

En plus, Alice ne rend pas tellement à Marion ce sacrifice. Marion se voile la face, à l’inverse de Claire, mais ce qui est beau, c’est qu’elle ne lâche jamais. Et puis Alice ne s’appuie que sur Marion, et par loyauté, cette dernière accepte tout. 

Mara Taquin

Ce qui ressort le film avant tout, c’est l’amour, chacun fait avec ses outils, il n’y a pas de morale, de jugements. J’aime aussi les moments de légèreté dans le film, la façon dont les soeurs se soutiennent. Moi j’ai deux petits frères, je vois ce qui nous unit, je vois la charge mentale des parents. Et puis j’ai de l’empathie vis-à-vis du père, dans le film, alors que beaucoup le trouvent horrible.

Mara Taquin dans « La Ruche »

Sophie Breyer

C’est surement que lui est dans la résignation, quand les filles sont encore dans la résilience, la protection du secret, celui de la maladie de la mère. C’est à cause de ce secret aussi qu’il est si difficile d’envisager l’extérieur. Il y a d’ailleurs très peu de personnes étrangères qui entrent dans l’appartement.

Vers la fin du film, Christophe disait que ces trois personnages de soeur étaient aussi trois types de réactions face à un parent défaillant. C’est un peu un personnage à trois têtes. Chacune aime et protège sa mère à sa façon. 

Que retenez-vous de ce tournage, quelle a été le moment le plus fort pour vous?

Sophie Breyer

Le moment le plus fort, c’est le jour où on s’est rencontrées toutes les quatre, c’était une journée entière d’audition. Tout devenait très poreux entre nous et les personnages. Le fait d’être filmées cristallisait le moment de cette rencontre. J’ai l’impression que je revivrai plus jamais une audition de cette manière là, où on rencontre nos compagnons de jeu en jouant.

Sophie Breyer et Ludivine Sagnier

Mara Taquin

C’était tellement généreux de la part de Ludivine Sagnier d’accepter ces conditions. Et Bonnie Duvauchelle était bluffante, pour sa toute première audition.

Mais ce que je retiens surtout, c’est que cette confiance m’a permis d’oser comme jamais, de me lâcher. Si on est bien entourée, on peut faire des choses de dingue. Et puis c’était de telles rencontres, que ta carrière et ta vie personnelle prennent un tournant.

Sophie Breyer

C’est vrai, on se dit: « Ah, c’est possible de travailler comme ça! » Et puis ça donne une grande confiance. Une partition comme ça, un premier rôle dans un long, qu’on peut travailler tellement en amont, quel cadeau.

Mara Taquin

Maintenant je sais ce dont je suis capable. Dans un premier film, il y a des limites personnelles qu’on n’ose pas poser parce qu’on est frileuse. On a été très loin dans ce film.

Sophie Breyer

On a pu apprendre à se comprendre dans le jeu, à comprendre comment on fonctionne. Et comprendre que des comédiennes différentes, vont prendre des trajets différents pour arriver au même endroit d’émotion finalement.

Comment choisissez-vous vos rôles?

Mara Taquin

C’est marrant, j’ai beaucoup réfléchi à cette question en fait…

Sophie Breyer

Moi aussi, moi aussi, et ce n’est pas si simple!

Mara Taquin

Je dirais que c’est d’abord une rencontre avec quelqu’un qui souhaite parler du monde d’une certaine façon, qu’il y ait un personnel à défendre, qui raconte une histoire, avec complexité. Les rôles féminins sont souvent trop lisses. Je peux faire plein de composition, je peux raconter plein de choses, mais je veux que ce que je joue ait du sens. Et que ce soit pas gratuit. Et faire en sorte de travailler avec des gens bienveillants.

J’ai envie de pouvoir dire non à des gens avec qui je n’ai pas le bon feeling. Je veux faire confiance à mes intuitions, ma santé mentale est plus importante que ce boulot. Je crois en une nouvelle ère du cinéma, inclusive, bienveillante, féministe, pas nécessairement dans un sens militant, dans dans la complexité de ce qu’on propose aux personnages. Je ne veux pas juste être belle, ou être là pour dire une réplique, je veux que ça ait du sens et de la complexité. Parce que merde!

Sophie Breyer

Il faut dire que c’est encore rare, ces rôles-là, même si les choses sont en train de bouger. De plus en plus, on a ces discussions en amont. Et puis il faut faire confiance en nos intuitions. La bienveillance, c’est crucial.

Mara Taquin

Moi, je veux pouvoir discuter. Si je lis un scénario, et que je trouve qu’une scène, une réplique ou une réaction ne fonctionnent pas, sont trop clichés, je veux pouvoir en parler. Tout le monde n’a pas la science infuse, on peut tous utiliser des raccourcis dans l’écriture. Mais si l’auteur ou l’autrice n’est pas à l’écoute quand on soulève un point d’achoppement, c’est non. Ca ne m’intéresse pas si on ne peut pas réfléchir ensemble. Ce n’est pas parce qu’on est des comédiens qu’on est des marionnettes, on a aussi nos pensées, nos réflexions, nos convictions.

Sophie Breyer et Marie Colomb dans « Laetitia »

Sophie Breyer

C’est vraiment ça en fait! On est une génération qui parle, et questionne les choses. Pointe certains problèmes, notamment concernant les questions de genre et la représentation des femmes dans les fictions, on veut avoir des discussions avec des personnes capables d’auto-critique, c’est une donnée fondamentale. On vient tous d’endroits différents sur ces questions, mais faisons évoluer les choses ensemble.

Concernant le choix des rôles, ce qui m’oriente, c’est aussi le fait de varier les projets, de visiter des univers très différents, des rôles qui vont m’offrir des challenges, me permettre d’apprendre de nouvelles choses.

Mara Taquin

De se mettre en danger!

Sophie Breyer

Oui, ça peut être apprendre un nouveau sport, explorer des registres où je suis moins à l’aise. Et faire des allers retour dans les genres, séries, long, court. Décloisonner les choses, ce rapport un peu hiérarchisant.

Mara Taquin

C’est super galvanisant de voir où les gens nous imaginent, des endroits où on n’aurait jamais pensé aller. Oser chercher ensemble. L’engagement, ce n’est pas seulement faire des films politiques qui dénoncent des choses.

Sophie Breyer

C’est aussi la manière de faire!

Mara Taquin

Oui, c’est la manière dont on construit un projet. Moi je suis pour jouer dans une comédie qui n’aurait rien de politique, tant qu’elle ne perpétue pas des clichés de merde, pardon pour le vocabulaire. Une bonne comédie qui ne prend pas les gens pour des cons, j’adorerais. 

Sophie Breyer

Il y a aussi de nouvelles générations à l’écriture et à la réalisation, qui sont sensibles à ces questions d’inclusivité, de sexisme. On fait de belles rencontres, on peut se reposer je pense sur nos intuitions. Là je discute avec une jeune cinéaste, qui m’a expliqué comment elle voyait son équipe, son tournage, comment y interroger les traditionnels rapports de force ou de domination que l’on peut encore trouver sur certains tournages, et c’est hyper motivant, galvanisant. Tout le monde doit s’emparer de ces questions.

Mara Taquin

Après, cet engagement peut avoir un poids. On doit aussi sortir de la culpabilité d’avoir accepté un projet où on avait une bonne intuition, et puis finalement sur le plateau, ça ne se passe pas comme prévu. C’est horrible, on s’en veut, parce qu’après on doit défendre ces projets, on a signé ces contrats, on a l’impression de s’être vendue… Ca peut être dur, mais il ne faut pas oublier que l’on n’est pas responsable en fait, ce sont les personnes qui créent le malaise qui sont responsables. En fait, j’en veux à celles et ceux qui continuent à engager des personnes dont on connaît les comportements problématiques. On ne peut pas nous porter tout ça, même si parfois on peut avoir envie de tout changer très vite. 

Rien-a-Foutre-Emmanuel-Marre
Mara Taquin et Adèle Exarchopoulos dans « Rien à foutre »

Sophie Breyer

Je crois que c’est aussi une question de la façon dont on voit sa carrière. Certaines personnes sont hyper sélectives, pour avoir une carrière nickel. Mais il y a aussi plein de chemins d’expérimentation, et les erreurs font aussi partie de l’apprentissage. Se planter permet de savoir ce qu’on ne veut plus faire. 

Y’a-t-il des conseils qui vous ont été utiles?

Sophie Breyer

On m’a donné un très bon conseil, pour ne pas être amenée à regretter d’avoir accepter un projet. Il y a trois critères à avoir en tête, et il faut qu’au moins deux d’entre eux soient respectés. Il y a l’aspect artistique, l’aspect humain, et l’aspect financier. S’il n’y a qu’un seul critère de respecté, ça ne suffit pas. Quand il y a les trois, aucun regret à avoir. Il ne faut pas oublier qu’il faut aussi gagner sa vie, payer son loyer. Et si sur le plan humain c’est une vraie rencontre, et qu’en plus il y a un univers et un propos, c’est génial. L’artiste désintéressé, c’est un mythe. Comédienne, c’est mon métier.

Mara Taquin

Moi le meilleur conseil qu’on m’ait donné, c’est que c’est pas parce qu’il y a une technique qui fonctionne pour un comédien qu’elle fonctionnera pour moi. On est dans un métier de comparaison, mais il n’y a pas de bon chemin, on a chacun le nôtre. On a forcément le bon chemin, vu que c’est le mien.

Sophie Breyer

Et puis il faut que les choix soient raccord avec la vie. Le cinéma, c’est bien, mais on a une vie à côté, et on doit veiller à la préserver. Ce sont des métiers où on attend des fulgurances de carrière, mais on doit rester attentif à la manière dont on vit les choses.

Mara Taquin

On doit continuer à avoir une vie à côté du cinéma. C’est ça qui me sauve, d’avoir des amis qui ne font pas partie de ce métier, de parler d’autre chose, de rester curieuse.

Quels sont vos projets?

Mara Taquin

Je joue dans le prochain Xavier Seron, Chiennes de vie, et aussi dans La Syndicaliste avec Isabelle Huppert et Grégory Gadebois, et dans trois courts métrages, ainsi que dans un truc dont je n’ai pas envie de parler, par superstition.

Sophie Breyer

Il y a un court métrage d’une cinéaste qui sort de l’Insas, avec un très bel univers artistique, un long métrage en Suisse de Nadège de Benoit-Luthy, une comédie, la saison 2 de Baraki, dont la saison 1 vient de sortir sur Netflix d’ailleurs. Et puis une série française en deux épisodes de Nathalie Marchac, Les Siffleurs sur France 2.

Pour conclure, que retenez-vous de La Ruche, en quelques mots?

Mara Taquin

L’amour et la sororité

Sophie Breyer

Au festival de Mons, des élèves m’ont dit: on a trop envie de faire partie de ces soeurs. Malgré le dysfonctionnement, on aime assez les personnages pour vouloir être avec elles, aussi dans la joie et le rire. Et ça je trouve ça beau. 

Mara Taquin

Rejoignez notre famille!

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