Sonar, au coeur du son

A découvrir en avant-première lundi prochain au Be Film Festival (Cinevox vous offre d’ailleurs des places ici), Sonar, de Jean-Philippe Martin, est un premier long métrage tout en sensations, où l’ouïe et l’écoute, de l’autre comme du monde, permettent de se reconnecter avec soi-même, et de rétablir le contact.

Thomas est preneur de son. Il semble désabusé, comme prisonnier d’un quotidien terne, dans lequel il n’y a plus d’étonnement, encore moins d’enchantement. Au hasard d’un café tiède sur une aire d’autoroute blafarde, il croise le chemin d’Amina. Ou plutôt, Amina rentre par effraction dans sa voiture et dans sa vie. Amina, exaspérée par la façon dont la traite son patron, fuit dans le fracas. Elle supplie Thomas de l’accueillir, même une nuit. Elle n’a pas de papiers, nulle part où aller, elle a besoin d’un ou deux jours pour se retourner. Amina s’installe dans le studio d’enregistrement où Thomas s’est retranché. Peu à peu, elle investit son univers, s’intéresse à son travail. Malgré lui, et grâce à elle, Thomas va retrouver ce qui lui plait dans son métier. En dehors des prises de sons qu’il effectue pour payer le loyer, il réalise aussi des portraits sonores. Quand Amina se propose comme sujet, il se laisse amadouer, et découvre avec émotion la dureté de son passé d’immigrée. Malgré les sentiments qui naissent entre eux, Amina le quitte brutalement quand Thomas manque de la soutenir lors d’une dispute. C’est un électrochoc pour Thomas, qui part à sa recherche au Maroc. En réécoutant ses enregistrements pour retrouver sa trace, il s’aperçoit qu’elle lui a menti, et sa quête change d’objet: ce n’est plus la Amina qui lui a menti qu’il recherche, mais la vraie Amina, celle qu’elle lui a cachée. Cette quête biographique se transforme en véritable voyage initiatique pour Thomas, qui découvre qu’en se mettant à l’écoute du monde et des autres, c’est d’abord lui qu’il entend.


Avec Sonar Jean-Philippe Martin se lance un défi passionnant, celui de mettre le son en images. Le film débute par une voix off, un récit dont on s’aperçoit plus tard qu’il s’agit d’un enregistrement. Les voix ont une importance toute particulière, Jean-Philippe Martin ose le noir pour faire toute la place aux voix, et paradoxalement, créer des images. « J’ai des images plein la tête » s’étonne Amina en écoutant les portraits sonores de Thomas. Le réalisateur use du décalage entre le son et l’image, multiplie les dialogues hors champ. Ses deux protagonistes ont semble-t-il perdu le sens du dialogue et de la communication, et ce n’est qu’avec le filtre du micro qu’ils parviennent à se livrer, même s’il faut parfois chercher la vérité sous le lustre du mensonge.  Pour se retrouver, Thomas a eu besoin de s’extraire, de se déraciner, et de brandir, entre lui et le monde, son micro, passeur de sens.

Sonar_Amina_Micro

Dans le rôle de Thomas, on découvre Baptiste Sornin, dont l’opiniâtreté du début laisse peu à peu place à une plus grande ouverture et appétence pour le monde. Eminé Meyrem prête toute sa fougue à Amina, tout en laissant deviner des failles que Thomas va s’empresser de vouloir découvrir.

Sonar_Thomas_Micro

Sonar s’attache à démontrer que rien ne sert d’entendre si l’on n’écoute pas. En attendant de pouvoir découvrir le film sur les écrans belges, ne ratez pas la première de ce premier film sensible et entêtant au Be Film Festival.

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