Smells like Nexus Spirit (1/2)

Les Nexus Boys ont le vent en poupe. Après le triomphe de la Famille Bélier (7 millions de spectateurs) qu’ils ont coproduit, ils ont enchaîné avec le très joli succès des Souvenirs de Jean-Paul Rouve (1 million) et sont en train de vivre un nouveau conte de fées avec l’hilarant Papa ou maman (en route vers les 3 millions) où l’irrésistible Marina Fois et le non moins exaltant Laurent Lafitte se battent… pour ne pas obtenir la garde de leurs enfants . 
Un film parmi d’autres? Pas vraiment !

Dans ce cas précis, Sylvain Goldberg et Serge de Poucques, les deux têtes de l’hydre Nexus, se trouvaient même directement à la source du projet… il y a cinq ans déjà.

 

 

« À l’époque, ça s’appelait Les hommes et les enfants d’abord », se rappelle Sylvain Goldberg. On a acquis le scénario et comme nous travaillions à l’époque sur un projet avec Dimitri Rassam, je lui ai pitché le film. Je m’en souviens très bien : nous étions sur le quai de la gare. Il prenait l’Eurostar et décida de lire le scénario dans le train. Arrivé à Londres, il m’a téléphoné pour me dire que c’était top et qu’il fonçait avec nous. Le film a mis un peu de temps à se concrétiser, car le script a été retouché par différents auteurs, mais le jeu en valait la chandelle : nous sommes très fiers du résultat. Ça a été un travail de longue haleine, mais il n’a pas été vain : c’est grâce à cette obstination que le public est aujourd’hui si enthousiaste. »

 


On confirme avec plaisir : sa mécanique implacable démontre que le film n’a pas été écrit sur un coin de table en une soirée, et qu’il exploite totalement son potentiel avec une réelle virtuosité. Le succès n’est pas toujours une question de chance. En fait, souvent, il ne l’est pas.

 

Le point commun entre ces trois récents succès made in Nexus est évident : ce sont des films populaires dans le sens le plus noble du terme. Pas de racolage, mais de la séduction, de l’humour, de l’ironie, de l’enthousiasme aussi. Or, Sylvain et Serge ont toujours revendiqué l’envie de concevoir des longs métrages pour le public, des films qui s’adressent à tous, mais avec une certaine classe.

C’était déjà l’ambition de Dead Man Talking, porté de bout en bout par Serge et Sylvain et, dans un tout autre registre des Lyonnais ou de Mea Culpa, des coproductions minoritaires qui ont moins performé au box-office, mais ne manquaient sûrement pas de panache.

 

 

Et même si on peut être plus réservé sur la réussite de l’adaptation de Boule et Bill en live, ni assez drôle, ni assez enlevée, on ne peut nier l’honnêteté de l’engagement, le travail sur le concept, sur les décors, bref l’ambition du projet…, surtout si on le compare à d’autres tentatives bien plus opportunistes dans une veine similaire.

 

L’ART DE LA COPRODUCTION

 

On l’a souvent écrit ici : les producteurs belges sont d’authentiques champions dans l’art difficile de la coproduction. Artemis, Panache, Versus, Saga Film, Climax, les films du fleuve pour ne citer que quelques sociétés belges qui nous viennent immédiatement à l’esprit ont, toutes, pratiqué le genre. Scope Pictures et uMedia s’en sont même fait une vraie spécialité. Mais la série de succès consécutifs de Nexus est aussi surprenante qu’inédite, surtout dans un contexte global plutôt morose.
Et même si on connaît l’attrait qu’exerce notre sacro-saint tax shelter ou les fonds régionaux belges sur les producteurs étrangers, ces atouts n’expliquent pas que ce soit Nexus qui tire, seul, pour l’instant, les plus gros marrons du feu.

 

« Je pense qu’on récolte les fruits du sérieux avec lequel on traite les projets et nos partenaires depuis longtemps », explique le discret Serge de Poucques qui n’est pourtant pas du genre à se pousser du col. « On a l’habitude de conserver la confiance des producteurs français avec qui on a collaboré et d’autres sociétés qui ont eu vent de ces aventures réussies se tournent aujourd’hui vers nous. Sylvain et moi travaillons énormément; tout le temps, en fait.

Nous sommes assez différents l’un de l’autre, mais nous aimons tous les deux les films populaires. Il se fait que nous avons aujourd’hui le luxe de pouvoir vraiment choisir les projets sur lesquels nous nous engageons. Ce que nous recherchons d’abord c’est LA bonne idée, le pitch accrocheur et le scénario béton. Sans ça, rien ne sert d’aller plus loin. Et naturellement, notre vrai plaisir, c’est quand le public suit. »

 

 

 

La réussite de Nexus est aussi le résultat d’une cohérence au long cours. Dans un marché ultra-concurrentiel, le duo a dû s’accrocher au mat pendant des périodes de turbulences importantes. Leur indépendance d’esprit n’a pas toujours été du goût de tous, mais ils ont eu le mérite de ne jamais se dégonfler.

Au contraire : à force de garder le cap, ils sont finalement arrivés à leur Eldorado. Sans s’affoler, même dans les moments plus compliqués, sans chercher à se repositionner ou à rentrer sagement dans le rang.
Outre cette constance, l’autre atout de Nexus est de réunir deux personnalités très différentes, mais éminemment complémentaires. Deux personnalités, on ne le sait pas toujours, nourries par la fibre artistique, qui sont venues à la production parce que c’était l’occasion de combiner leurs passions en un seul métier.

 

 

RENCONTRE

 

« J’ai toujours écrit et la rencontre avec Sylvain vient de là », explique Serge de Poucques.  » À l’époque, je dirigeais une usine qui fabriquait des robinets de… pompes à bière. »
Il s’amuse gentiment de notre étonnement.
 »On se débrouillait bien », continue-t-il, « mais ce n’était pas ma passion. Je suivais parallèlement des cours de théâtre à l’Académie. Comme j’aimais beaucoup écrire, un de mes professeurs m’a suggéré de m’intéresser aux adaptations françaises de films anglo-saxons pour la télé et le cinéma. Sylvain dirigeait la plus grande société belge spécialisée dans le doublage. Il faisait des voix et dirigeait des plateaux aussi. On s’est croisé. On ne s’est plus vraiment quittés ensuite. »

 

 Un photo de Marianne Grimont pour Cinevox à la première  bruxellois de BXL/USA

 

De son côté, Sylvain Goldberg a fait le conservatoire. À 18 ans, il a monté Art symbols, une boîte de prod essentiellement dédiée à la musique. 

 »J’ai quitté la maison très jeune et pour casser la croûte, je chantais dans rue et je jouais du piano dans des bars », confie-t-il avec ce sourire un brin nostalgique de celui qui ne regrette rien. « À cette époque, on m’a proposé de faire un peu de doublage. J’étais comédien. Ça me plaisait. Un matin, à mon arrivée, on nous apprend que la société française qui sous-traitait son travail chez nous venait de déposer le bilan et que donc, il n’y avait plus de boulot.
Avec mon ami, le regretté Bernard Perpète, nous sommes partis à Paris pour rencontrer les clients de la boîte française. Nous leur avons expliqué que les doublages étaient en fait réalisés en Belgique et qu’il n’y avait pas de raison qu’ils ne nous fassent plus confiance. Nous les avons convaincus et tout est reparti. À l’époque, j’ai doublé quelques voix connues comme celle de John Cusack dans Coups de feu sur Broadway de Woody Allen, de Tom Hulce dans le Frankenstein de Branagh ou celle d’Henry Thomas, le frère de Brad Pitt (doublé par Bernard Perpète) dans Légendes d’automne. J’ai aussi assuré la voix de Fantasio dans la série Spirou et Fantasio. »

Et il s’amuse à nous livrer une petite démonstration hilarante.

 

 La voix de Fantasio dans la série télé, c’était Sylvain Goldberg

 

« C’est à cette période que j’ai croisé Serge pour la première fois », explique-t-il. « Serge adaptait les dialogues que nous enregistrions. Pour ce boulot, j’avais monté une boîte qui s’appelait Made in Europe que j’ai revendue en 2001…. 
 
 »

 

 Serge et Sylvain entourant Pauline Burlet. C’était à Cannes en 2013 pour la remise du premier Magritte du Premier film 

 

À l’âge de 21 ans, je me suis lancé dans la production qui me semblait une évidence. Quand tu aimes l’image, la lumière, les comédiens, les textes, les vannes, les histoires, quand tu aimes la musique, le seul métier qui réunit tout cela, c’est la production au cinéma. Lorsque mon travail s’est structuré, j’ai demandé à Serge de me rejoindre, car je savais que nous nous compléterions merveilleusement. 
Ces dernières années, je peux vraiment jumeler ce plaisir avec une implication de plus en plus importante dans un autre aspect du cinéma que j’affectionne, ma grande passion, en fait : la composition de musique pour des films ou des séries. »

 

Mais Nexus, ce n’est pas qu’un bilan, une rencontre, un parcours qui s’arrêterait sur de jolis succès. C’est aussi une identité et un futur.
La suite de ce long article, à lire ICI ,vous plongera dans cet autre aspect de l’histoire de la société, tout aussi réjouissant.

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