On revient sur Eldorado, deuxième long métrage de Bouli Lanners, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, et qui a largement contribué à l’imposer comme cinéaste sur la scène internationale.
Eldorado est un road movie bucolique et mélancolique, constellé de répliques mythiques (voire mystiques) et de surréalisme profondément noir-jaune-rouge… A la poursuite d’un passé fait d’absences et d’actes manqués, voire ratés. De grands espaces tour à tour illuminés ou fanés, lavés par la pluie. Des riffs de guitare comme des appels d’air, des respirations.
Yvan vend des voitures d’un autre siècle. Quarante ans de vie derrière lui, un physique imposant qui transforme ses questionnements en colères. Au hasard d’un cambriolage (le sien), il croise Elie, jeune toxico paumé et amoché. Sous le prétexte partiellement accompli de ramener le jeune homme chez ses parents, Yvan et Elie prennent la route. Yvan ne prend par l’autoroute des sentiments, et préfère se perdre sur les petits sentiers des âmes rencontrées en chemin. Se déroule alors une fuite à rebours, dans une Chevrolet qui fait office de cocon nostalgique; la recherche d’un passé idéalisé pour l’un, l’exorcisation d’une blessure inguérissable pour l’autre. Mais cette recherche du temps perdu, cette plongée au coeur de l’intemporel se heurte à l’inexorabilité du temps qui passe, et qu’on ne rattrape plus.
Avec Eldorado, Bouli Lanners creuse le sillon du western wallon. Après Ultranova, voyage statique au coeur du purgatoire des zones industrielles, et avant Les Géants, le réalisateur vise l’Eldorado. Citation assumée d’une esthétique venue tout droit des grands espaces américains, l’Eldorado représente aussi cette quête inextinguible d’un absolu dont l’existence reste incertaine, le Saint Graal de la mythologie américaine. Tout en scope, en musique(s) et en émotions, le film s’attarde sur la relation singulière d’un couple de cinéma, le trapu bourru et le grand nonchalant. Coincés dans l’espace clos d’un véhicule projeté dans les grands espaces de la campagne belge, les deux hommes vont devoir se jauger, puis s’apprivoiser, pour mieux s’abandonner.
Si vous aussi vous voulez revoir Yvan attacher ses cheveux au plafond de sa voiture pour ne pas s’endormir au volant, rendez-vous ce mercredi 13 juin à 19h à Bozar dans le cadre de l’opération 50/50.