Retour sur… « Rosetta », mémoires d’une jeune fille déterminée

A l’occasion de l’opération 50/50, organise une projection exceptionnelle de Rosetta le mardi 14 novembre prochain, en présence des frères Dardenne, qui se livreront au cours d’un long entretien.

Les Dardenne sur la Croisette, épisode 2

Quand les frères Dardenne débarquent en mai 1999 sur la Croisette avec leur nouveau film Rosetta, ils sont loin d’y être inconnus. 3 ans plus tôt, ils prenaient les festivaliers et La Quinzaine des Réalisateurs par surprise avec La Promesse, un film dense et intense, la promesse d’une filmographie à venir qui devait marquer le cinéma du début du XXIème siècle. La Promesse, est un film aride auréolé par la blondeur enfantine d’une découverte, le jeune Jérémie Rénier, qui incarne Igor, un jeune garçon qui commet le mal en toute innocence, puis décide de le combattre, quitte à tuer le père. La Promesse trace le sillon d’un cinéma social et engagé, un cinéma réaliste et incisif, à l’image ce cette caméra qui s’accroche au souffle des personnages. Ceux qui ont vu La Promesse, film coup de poing, attendent donc surement beaucoup du nouveau film des frères Dardenne. Et à raison, puisque Rosetta va faire l’effet d’un véritable uppercut.

Chaque jour Rosetta part au front à la recherche d’un travail, d’une place qu’elle trouve, qu’elle perd, qu’elle retrouve, qu’on lui prend, qu’elle reprend, obsédée par la peur de disparaître, par la honte d’être une déplacée. Elle voudrait une vie normale comme eux, parmi eux.

Emilie Dequenne, la jeune fille inconnue

Emilie Dequenne, 18 ans, est elle parfaitement inconnue quand elle débarque sur la Croisette en 1999. Elle y accompagne les frères, et surtout le film qu’elle porte crânement sur ses frêles épaules, elle y est de tous les plans. Le cinéma des Dardenne s’avère extrêmement physique. Rosetta parle peu, mais Emilie a dû beaucoup marcher, courir, enjamber des barrières. Rosetta, c’est un soldat, un fantassin qui marche dans la boue, une boule d’énergie pure prête à tout balayer sur son passage pour rester debout, et satisfaire son obsession: avoir un travail, coûte que coûte.

Un film nu

Rosetta est un film nu. Un film nu, car il donne l’impression d’un cinéma sans fard, sans artifice – ce n’est qu’une impression évidemment. Un film nu, car il ne s’alourdit pas d’une intrigue complexe, seule compte la quête de Rosetta, dont l’intensité augmente de scène en scène. Tout tourne autour de son personnage, et de son obsession. Un film nu car il n’est plus question de morale, mais de survie. Un film nu, sur le dénuement extrême contre lequel se bat chaque instant, chaque minute Rosetta. Un film nu, parce que son héroïne ne rêve à rien de plus qu’une vie normale, et c’est déjà trop.

Fabrizio, l’autre révélation

On l’oublie souvent tant la présence de Rosetta écrase tout sur son passage, mais le film révèle un autre comédien qui va faire sa place dans le cinéma belge. Fabrizio Rongione incarne Riquet, l’ami amoureux de Rosetta, qui tente, sans succès, de lui faire garder les pieds sur terre en l’abreuvant de bienveillance. Mais l’amour ne donne pas de travail. Fabrizio Rongione est lui aussi une révélation, et on le retrouvera très régulièrement dans la filmographie des Dardenne, dernièrement aux côtés de Marion Cotillard dans Deux jours une nuit, mais aussi dans L’Enfant, Le Silence de Lorna, Le Gamin au Vélo et La Fille Inconnue.

RosettaFabrizioEmilie

L’indispensable Olivier Gourmet

Face au deux jeunes révélations, on retrouve Olivier Gourmet, déjà à l’affiche de La Promesse, et qui sera de toutes les aventures cinématographiques des Dardenne. Le cinéma des Dardenne, un cinéma de frères, est un cinéma familial, dans sa conception, dans sa réalisation, souvent dans ses personnages, et aussi et peut-être surtout, dans ses équipes, qu’il s’agisse des comédiens que l’on retrouve de film en film et que l’on voit parfois grandir devant leur caméra, ou des techniciens qui les accompagnent fidèlement depuis leurs débuts.

Retour en mai 1999. Rosetta dévaste tout sur son passage. Le film bouleverse le jury présidé par David Cronenberg, qui lui remet à l’unanimité sa Palme d’Or, et suite presque logique, le Prix d’interprétation féminine à Emilie Dequenne. 20 ans plus tard ou presque, le film n’a rien perdu de sa force, aussi bien sans sa forme tellement intense qu’elle en est souvent oppressante, que dans son propos.

Laissez vous saisir à nouveau par Rosetta ce mardi 14 novembre à Flagey, dans une copie restaurée, et ne ratez pas le grand entretien que donneront juste avant les frères Dardenne.

Bonus!

Luc et Jean-Pierre Dardenne parle d’Emilie Dequenne, leur Rosetta.

Caméra mouvante. Le conseil des frères? Ne vous installez pas trop près de l’écran!

 

 

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