Pourquoi vous allez forcément revoir C’est arrivé près de chez vous…
Parce que le pitch
Dans ce faux documentaire, une équipe de journalistes suit Ben, un tueur, qui s’attaque plus particulièrement aux personnes âgées et aux personnes de classes moyennes. Peu à peu les journalistes vont prendre part aux crimes de Ben.
Parce que c’est un film visionnaire
En 1992, quand C’est arrivé près de chez vous débarque sur la Croisette, il fait l’effet d’un véritable électrochoc. Par son propos, son genre et sa forme, le film semble tout autant sonder son époque que livrer une prophétie. Véritablement visionnaire, il annonce et prédit les dérives irrationnelles du voyeurisme audiovisuel (et de fait sociétal), aussi bien sur le fond que sur la forme. Sur le fond bien sûr, le film s’inspire de l’émission Strip Tease – ou plutôt de ses dérives, de la télé poubelle qui a marqué le début des années 90, et a d’ailleurs continué à s’épanouir avec l’avènement de la télé-réalité.
Le film, dont le titre est inspiré de celui de la rubrique des chiens écrasés du Soir, parle de la tyrannie des faits divers, et même à sa façon, élève le fait divers au rang d’art. Sur la forme justement, il est précurseur à la fois des formats du mockumentary (documenteur), largement développé par les séries télé, et notamment dans The Office sur la BBC en 2001, mais aussi du found footage (des rushs de film retrouvés), popularisé par The Blair Witch Project en 1999, et exploité jusque dans les comédies à succès des années 2010 comme Baby-Sitting. Alors qu’en 1992, le film hume l’air du temps, 25 ans plus tard, il se révèle intemporel.
Parce qu’il a l’insolence de la jeunesse
C’est arrivé près de chez vous est un film, mais c’est aussi une fulgurance punk. Rémy Belvaux, chef d’orchestre du film, est étudiant en cinéma. Alors qu’on lui refuse son projet de film de fin d’études (un film de science-fiction), il décide qu’il n’a pas besoin de l’adoubement de ses profs pour faire un long métrage. Avec ses acolytes, Benoît Poelvoorde, André Bonzel et Vincent Tavier, il a déjà fait un court métrage complètement déjanté, Pas de C4 pour Daniel Daniel. Fois 8, ça fait un long métrage.
Adepte avant l’heure du DIY, le quatuor a l’énergie d’un groupe de rock. Et l’insolence qui va avec. Ici, on fait fi des tabous. Pas de discrimination quand il s’agit de désigner les victimes des crimes: petites vieilles, jeunes enfants, innocents ou pauvres gens, tous y passent. Hasard des éphémérides, le film est présenté sur la Croisette la même année que Reservoir Dogs. Deux films bruts de décoffrage où la violence est au coeur du dispositif et des enjeux du film, bien qu’elle soit traitée de façon radicalement différente sur le plan esthétique notamment.
Parce qu’il maîtrise l’art de la douche froide
Il s’agit non seulement de faire rire le spectateur par le biais d’un humour noir, voire spectaculairement ténébreux, mais aussi, et peut-être surtout, d’arrêter de le faire rire. Le scénario fait preuve d’un sens impressionnant du basculement, glaçant un rire d’une balle dans la tête, ou ne reculant pas devant le viol collectif qui met « légèrement » mal à l’aise ou l’éviscération. L’humour noir vire souvent au cynisme le plus absolu, et le spectateur complice est forcément amené à s’interroger sur ses réactions.
D’autant qu’on sent dans le film une véritable attention à une Belgique « d’en bas » comme on dirait aujourd’hui, celle d’une industrie décatie et des petites gens, des petits vieux isolés et des travailleurs clandestins. On en rit, mais on pourrait aussi en pleurer. Comme quand le réalisateur fictif du film dans le film, interprété par Remi Belvaux lui-même, explique face caméra pourquoi il décide de continuer son film alors que son ingé son est mort. Comme un hommage. Sans jamais se remettre en question.
Parce que Benoît Poelvoorde
Débuter sa carrière en interprétant un tueur à gages raciste, sexiste, homophobe, lettré de pacotille volontiers exhibitionniste, option démiurge cinématographique et fils à maman, c’est un défi. Un défi non seulement remporté haut la main par le jeune comédien, mais surtout, qui va modeler son avenir, le projeter avec une certaine violence sur les écrans du monde entier. Un rôle fondateur, dont il faudra se défaire, film après film, parfois pour mieux en retrouver l’énergie et la sauvagerie. C’est arrivé près de chez vous, film génial, révèle un acteur de génie.
Parce que vous connaissez toutes les répliques par coeur
Difficile de parler du film ou même juste d’y penser sans entendre une petite voix qui dit: « Gamin, gamin! C’était pour rire, gamin! », ou essayer de se remémorer la recette du Petit Grégory – une larme de gin, une rivière de Tonic.
Cadeau bonus
L’interview d’André Bonzel, co-réalisateur du film, tournée il y a quelques années, où il revient sur cette folle aventure.
Pas de C4 pour Daniel Daniel