Lundi soir, juste à temps pour célébrer les 50 ans de la Fédération Wallonie Bruxelles, la RTBF lance sur La Une juste avant le JT une mini-série audacieuse et inédite, Chez Nadette, créée par Thierry de Coster, Christelle Delbrouck et Laura Fautré, déclaration d’amour à la Wallonie, à ses langues, à son âme et à ses habitant·es.
Chez Nadette, c’est un bistrot de village tenu par une mère et sa fille. C’est une histoire de femmes au cœur de la Wallonie, c’est la saveur du Wallon au gré des confidences.
Nadette c’est aussi la maman du village, la maman, et la référence. C’est elle qui remet régulièrement l’Eglise au milieu du village, comme on dit.
La fanfare locale se dispute sur l’érection d’une nouvelle statue dédiée au soldat inconnu? Pourquoi pas, mais avant ça, où est celle de la femme inconnue, celle qui a fait vivre le village pendant la guerre, revendique Nadette?
Le curé s’offusque qu’on peigne les ongles de la statue de Marie, faisant d’elle une quasi prostituée? Mais quel sort réserve-t-on aux Marie-Madeleine d’aujourd’hui? Quelle place pour elle, Nadette, mère célibataire qui vit seule avec sa fille?
Chez Nadette, c’est le point de ralliement des habitant·es du village, mais aussi des gens de passage. C’est là que surgissent les questions qui habitent l’âme wallonne, là que se confrontent tradition et modernité, féminisme et ruralité.
Si le wallon est la langue de choix des différents personnages, il s’efface vite au profit de l’histoire, des destins singuliers des héroïnes de la série, mère et fille, et de celles et ceux qu’elles croisent.
Derrière cette langue locale qui ancre une région et un territoire dans l’histoire et la tradition, des thématiques étonnamment modernes surgissent. Ainsi Nadette, la « rebouteuse » houspillée par le médecin du village, fait ressurgir l’image de la sorcière savante, figure de proue ultra-contemporaine de l’éco-féminisme.
Chez Nadette vient à l’origine d’une envie de Thierry de Coster de continuer à explorer l’identité wallonne, après l’expérience « Stoemp, Pèkèt et des Rawettes ». Pour imaginer cette série au format atypique, il s’est tourné vers Christelle Delbrouck, « une amie de longue route, une comédienne de talent et une femme extraordinaire », originaire du Nord de la Province du Luxembourg, et vers la jeune comédienne Laura Fautré, l’héroïne notamment du très beau court métrage Qui vive d’Anaïs Debus, qu’il découvre dans le seule-en-scène Ma Pucelette, qui tourne autour du folklore wasmois.
Pour lui, avant d’être une série en wallon, Chez Nadette est avant tout « une histoire de femmes, de terroir et de campagne, qui interroge la place de la femme dans le monde rural, portée par deux héroïnes qui nous montrent aussi comment être plus intelligent·es en société, comment mieux vivre ensemble. »
Alors que ce format court est souvent décliné sur le ton de l’humour, l’équipe de Chez Nadette rêvait plutôt de proposer de petites « bulles poétiques« , de « parler d’amour et d’émotions, tout en s’intéressant à notre histoire wallonne. » S’il s’agit d’une fiction, les trois auteur·ices ont rencontré de nombreux·ses wallon·nes pour imaginer la série, se nourrissant de ce travail de recherche quasi documentaire.
La RTBF se réjouit d’ailleurs, via Sandrine Graulich, cheffe éditoriale de La Une, de cette audace consistant à « oser un programme en wallon, autour de simples mais fortes valeurs humaines, incarnées par un duo mère/fille. »
« Le programme évite les écueils d’une Wallonie fantasmée et qui serait un peu surannée, renchérit Marc Janssens, responsable du pôle fiction à la RTBF, pour livrer un beau et émouvant portrait de femmes. »
Si la série effectivement évite le pittoresque, c’est aussi car son langage, le wallon, ou plutôt le frallon comme l’appelle son jeune producteur David Mathy, s’impose dès la première seconde, comme une évidence, une musique dont il n’est pas nécessaire de connaître toutes les notes, mais par laquelle on se laisse bercer.
Les 10 premiers épisodes diffusés à l’antenne à partir de lundi ne seront d’ailleurs pas sous-titrés. « C’était important pour nous. Je suis wallon, continue David Mathy, j’ai entendu cette langue toute mon enfance, et je l’entends encore. En Wallonie, les gens commencent leur phrase en français, et les terminent en wallon. C’est la langue de l’émotion, souvent leur langue maternelle. La langue, c’est plus qu’un héritage, c’est un point de vue sur le monde. »
David Mathy produit « Chez Nadette » pour Koko arrose la culture, en compagnie de Benoit Roland et 1080 films, duo déjà à la manœuvre pour Baraki.
Dès lundi, laissez-vous donc surprendre par ce format inattendu, ces deux héroïnes fortes, atypiques, cette plongée au coeur de la Wallonie d’hier et d’aujourd’hui.