Rencontre avec Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier

Avec La Grand-Messe, qui sort ce mercredi 1er mai en Belgique, Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier livrent un portrait aussi émouvant qu’amusant de ces vacanciers passés maîtres dans l’art de passer le temps, une poignée de fans du Tour de France s’installe sur le bord de la route pour profiter au mieux du (furtif) passage des héros de la Grande Boucle. On a rencontré Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier (qui nous a rejoints en cours d’entretien) lors de la présentation du film pendant le dernier BRIFF.

D’où vient l’envie de suivre ceux qui attendent le Tour de France?

Meryl Fortunat-Rossi

Nous sommes tous les deux fans de vélo, à l’IAD, on était un peu les deux seuls à aimer le sport, ça nous a toujours réunis! On fait partie des rares gens qui comprennent le Tour, et arrivent à s’amuser en regardant des coureurs pendant des heures. On s’est dit qu’on pourrait mixer nos savoir-faire. Je travaille beaucoup sur le hors-champ en ce moment, et là, on voulait prendre le temps du hors champ, avec des gens qu’on ne voit jamais, à part dans des tous petits résumés à la télé.

C’est compliqué de filmer des gens qui attendent. On voulait se poser avec eux, et attendre.

C’est un film sur le temps d’avoir le temps?

Meryl Fortunat-Rossi

Oui, et finalement, c’est un film sur des gens heureux, et ça je ne m’y attendais pas à ce point-là. Je trouvais que c’était une belle leçon de vie. Ils ont tout le temps le sourire, juste parce qu’ils sont heureux de rencontrer des gens, de partager. Il y a une forme d’insouciance. Même s’ils ont des problèmes chez eux, ici les gens sont avenants, décontractés. C’est un petit espace de liberté.

Ils ont tous pourtant des parcours de vie difficiles. Ils sont tous ouvriers, ont tous souffert, ils ont dû épargner. C’est peut-être pour ça qu’ils aiment le vélo, l’endurance et la persévérance. Ils ont économisé, pendant 20 ans, pour acheter ce camping car. C’est le rêve d’une vie! Ils en profitent enfin.

Plusieurs thèmes se sont dégagés finalement: la retraite, le travail, les ouvriers, le côté vieille France. Ce qu’on n’avait pas anticipé, c’est la place des femmes dans le film. On a hésité un moment à faire des portraits de femmes, et finalement, ça devient des portraits de couples. Ils sont très beaux dans leur couple aussi.

C’est un projet commun, où tout le monde trouve son compte?

Meryl Fortunat-Rossi

Oui, d’ailleurs ça parait complètement dingue, mais certains ne sont même pas là pour le vélo, c’est accessoire pour eux! Ils sont là d’abord pour pouvoir mettre la table au bord de la route, être en vacances.

C’est une génération de camping-cariste, c’est lié à la retraite aussi. Il nous ont raconté leurs vacances en camping-car, c’est un mode de vie. Ils sont conscients du temps, et du fait que chaque seconde doit être savourée.

Pourquoi retravailler ensemble aujourd’hui?

Valéry Rosier

On avait fait un court métrage ensemble à la sortie de l’école, puis on a travaillé chacun de notre côté, Méryl a fait des docs, a beaucoup travaillé avec Xavier Seron, moi j’ai eu des projets solos, et on avait envie de retenter l’expérience ensemble. En sortant de l’école, on a fait un court métrage, mais aussi plein de petits projets qui n’ont jamais abouti. Par exemple, mon documentaire Silence Radio qui suit des personnes âgées qui parlent des chansons qui ont marqué leur vie, vient au départ d’une envie avec Méryl de faire des petites capsules pour la télé. On a passé du temps sur ce projet, que la RTBF a refusé, et que j’ai transformé en autre chose, mais c’est vrai qu’on a déjà beaucoup travaillé ensemble, même si ça n’a pas forcément abouti.

Meryl Fortunat-Rossi

Le cinéma de Valéry, les petits vieux, les cafés, c’est quelque chose qu’on partage, on a beaucoup travaillé à deux là dessus il y a longtemps.

Quand je travaille avec Xavier, c’est un cinéma qui s’est trouvé au milieu de nos deux univers. On fait chacun un pas de côté pour se rencontrer. Mais avec Valéry, on a deux cinémas complémentaires, on sait où sont nos forces, et on essaie de les faire fructifier avec le même amour des gens.

LaGrandMesse_STILL_1

Les plans aériens offrent de vraies respirations et une contextualisation de l’attente?

Meryl Fortunat-Rossi

Ca, c’est l’une des bonnes idées de Valéry! On avait deux problèmes, c’était visualiser les gens dans la montagne, et montrer l’affluence qui se crée au fur et à mesure, l’engouement qui monte.

Valéry Rosier

A la base, j’ai un ami qui fait du drone, et en discutant avec Méryl du découpage, comment on allait filmer le film en plans fixes, on avait envie de faire non pas du drone en mouvement mais des plans de drone fixe, immobiles, comme si on voyait des gens de plein d’axes différents, dont l’axe du ciel. Et puis on trouvait ça très beau ces boucles de virage vues d’en haut.

Pouvez-vous me parler du travail sur la musique?

Valéry Rosier

Il y a deux genres de musique, l’une un peu religieuse, qui nous permet en autres de dresse un parallèle avec les pèlerinages, d’où le Gloria de Vivaldi qu’on adore. Quant au Boléro de Ravel, non seulement il est déjà lié au vélo en Belgique, mais en plus c’est une musique très évolutive, qui permet de faire monter la tension, tout en étant un peu comique, ou presque.

Finalement, comment on regarde des gens qui regardent? C’est un film sur des spectateurs?

Meryl Fortunat-Rossi

Notre public voit des gens qui regardent d’autres gens. D’ailleurs c’est un truc qu’on avait expérimenté avec Valéry, on avait fait une série de rush sur des gens qui regardent la télé, dans nos nombreux projets!

Valéry Rosier

En fait on regardait avec eux, et puis à un moment on s’est retournés.

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