Ca samedi 15 au Festival Offscreen sera dévoilé en avant-première belge Reflet dans un diamant mort, le nouveau film d’Hélène Cattet et Bruno Forzani avec Yannick Renier, Fabio Testi, Thi-Mai Nguyen, Céline Camara, Maria de Medeiros et Koen De Bouw. Chaud devant 🔥
Le bruit des cigales, la mer au loin. Un vieil homme (Fabio Testi) plisse les yeux sous le soleil écrasant de la Côte d’Azur. Au loin, il aperçoit un reflet, quelque chose qui brille… On sent qu’il doute, rumine, repense à quelque chose, son passé peut-être. Le temps d’un saut dans l’espace (et dans le temps?), on retrouve John (Yannick Renier), dans la fleur de l’âge, mission accomplie. Peu à peu on commence à imaginer une ligne narrative déstructurée, des aller-retours dans la mémoire confuse d’un agent sur le retour, qui questionne ses actes et s’interroge sur sa légitimité, d’hier et d’aujourd’hui. La fin d’un héros, peut-être.
Avec Reflet dans un diamant mort, Hélène Cattet et Bruno Forzani revisitent avec virtuosité un nouveau genre cinématographique, après les passionnantes explorations menées dans Amer, L’Etrange Couleur des Larmes de ton corps et Laisser bronzer les cadavres. Ils s’intéressent cette fois à l’Eurospy, courant en vogue dans les années 60, des films d’espionnage parodiques inspirés de James Bond (comme OSS 117 par exemple). Mais le duo lui ne parodie pas, il s’approprie et remixe le langage, décline les scènes imposées, duplique les motifs, et émancipe les héroïnes, qui peu à peu prennent le devant de la scène.
Comme le diamant du titre, le film est un objet aux multiples facettes, une aventure kaléidoscopique qui stimule les sens, joue des vitres et des miroirs, des reflets et des transparences. A un rythme diabolique, et grâce à un montage hyper tendu, on circule dans les méandres de la mémoire défaillante de John comme sur des montagnes russes. Alors qu’il tente de donner un sens à son existence passée, les outils du nouveau monde semblent faire interférence. On achève bien les espions. La relecture de ses (ex)actions à l’aune du temps présent égratigne sérieusement la carapace du Héros. Pour donner corps à ce voyage dans la psyché d’un homme chancelant, les cinéastes recourent à quelques marqueurs forts de leur langage cinématographique, notamment le goût des corps et des matières. Le diamant bien sûr, mais aussi ici le cuir, le pétrole, les miroirs. L’ambiance est psychédélique, des références à l’op art de Vasarely par exemple à la robe miroir de Paco Rabanne. Une attention toute particulière est évidemment donnée aux gadgets et accessoires des espions et surtout des espionnes, dont les artifices sont des armes au service de leur mission.
C’est une exploration ludique bien sûr, bientôt démultipliée par le recours à différents médias, autant de mises en abîme qui accroissent le vertige, d’autant que le spectateur est nourri de tout le hors champ du cinéma d’action, références communes qui viennent enrichir la vision. Mais c’est aussi un regard acéré sur le devenir du Héros, sa mort prochaine, voire déjà advenue. Un requiem pour John D., agent spécial piégé par son propre personnage, et une ode à tous ceux, et surtout toutes celles, prêtes à prendre la suite. Car à bien y regarder, l’avenir est tout tracé, c’est celui de Serpentik, l’héroïne aux multiples visages. Et Reflet dans un diamant mort, à voir absolument sur un écran très grand, et très fort, est un plaisir tout sauf coupable de spectateur, un émerveillement pop qui laisse dans son sillage le fruit d’une réflexion bienvenue sur le mythe du Héros.