Rotor ? Une proposition écologique pour le cinéma belge…

Le film Demain connaît actuellement un incroyable succès populaire et critique. Ce n’est pas un hasard : il propose aux spectateurs une série d’initiatives qui semblent simples, mais sont en fait révolutionnaires pour tenter d’infléchir la course effrénée qui sacrifie toutes les ressources de notre planète sans aucune considération pour les générations à venir. Au seul nom du profit… de quelques-uns. Quelques recettes pour rendre notre monde plus humain. Meilleur…

 

Si ce film fait le choix pertinent de mettre en lumière une série de projets emblématiques dans des domaines aussi variés que l’éducation, l’architecture ou l’économie, il est surtout une porte ouverte vers un monde dont les médias ne parlent pas toujours beaucoup, car il est précisément en rupture avec le modèle de consommation exacerbée qui est la norme et le seul moteur de nombreuses entreprises aujourd’hui.
De nombreuses autres initiatives s’inscrivent évidemment dans cette tendance progressiste. À l’étranger… et en Belgique

 

 

Ainsi, Rotor aurait sans doute pu se retrouver au nombre des projets envisagés par Cyril Dion et Mélanie Laurent. Cette association implantée en Belgique depuis plus de dix ans œuvre de manière militante pour le réemploi de matériaux destiné à la construction.

 

Alors que le recyclage implique une transformation souvent énergivore, des transports et le recours à des procédés qui ne sont pas forcément bons pour la santé de notre planète, Rotor préconise une alternative plus verte :  la réutilisation de matériaux récupérés légalement dans des immeubles juste avant leur démolition. Pas de destruction ici, pas de recyclage, ni de nouvelle production. La matière première reste inchangée. Elle est simplement isolée, stockée et proposée pour de nouveaux projets.
De très nombreux d’immeubles sont aujourd’hui détruits pour des raisons esthétiques, urbanistiques ou économiques alors que de nombreux éléments qui les composent sont encore tout à fait utilisables. Les matériaux de réemploi qu’on peut y récupérer se prêtent à la rénovation, mais aussi, c’est cela la nouveauté, à la construction neuve.

 

 

La filière a bien sûr ses limites : puisqu’on ne produit pas il est compliqué de garantir des stocks. On peut aussi manquer parfois d’informations sur l’origine de certains éléments, mais il existe des matériaux très courants auxquels on peut recourir facilement, dont l’approvisionnement n’est pas un problème, et qui ne présentent au final aucun danger. Les briques, les pavés, les klinkers font partie de ces matériaux privilégiés. Mais ils sont loin d’être les seuls qui sont largement utilisés par Rotor.

 

La filière n’est pas nouvelle en Belgique, mais elle tarde à se généraliser. Sans doute parce que les architectes et entrepreneurs ignorent ses avantages ou qu’ils préfèrent par facilité avoir recours à de nouveaux matériaux issus de filières balisées. Rotor reste néanmoins ambitieux et se donne une quinzaine d’années pour tenter de modifier les (mauvaises) habitudes.

 

Outre son travail de récupération, Rotor a aussi développé un volet « exposition », et surtout un département « recherche » pour voir en quelle mesure son action est implémentable au niveau politique… Dans ce cadre, les membres de Rotor examinent ce qui se fait déjà à l’étranger. Notamment aux États-Unis ou en Angleterre ou un organisme appelé Scenery Salvage s’occupe par exemple du recyclage de décors de théâtre et de cinéma.

 

 

Car si nous vous évoquons aujourd’hui cette initiative, c’est bien sûr parce qu’elle concerne aussi le cinéma. C’est d’ailleurs par Aude-Line Dulière qui travaille en tant qu’assistante-décoratrice sur les plateaux et vient de rejoindre l’association que nous avons eu connaissance du projet. C’est elle que nous avons interviewé sur le sujet.

Ses objectifs ? Comprendre comment faciliter le réemploi d’éléments de décors, encourager les équipes déco à venir faire un tour dans l’entrepôt qui a des allures de caverne d’Ali Baba pour tous ceux qui ont envie de construire des décors patinés et très réalistes à moindres frais… et surtout sans faire peser sur la planète une empreinte écologique superflue.

 

« Pour le cinéma, on est au tout début. On est actuellement dans une phase d’étude », nous explique Aude-Line. « Le diagnostic est simple : le cinéma produit une certaine quantité de matériaux qui aboutit d’une manière ou d’une autre dans les décharges. Une étude du VAF a établi qu’une trentaine de pour cent de l’impact écologique d’un film vient de ce département. C’est le deuxième secteur le plus polluant. Or, si en termes de transports, des efforts ont été réalisés pour faire baisser l’impact de 40 à 20%, ce n’est pas le cas de la déco. Il y a donc du travail à faire.

 

 

Rotor a déjà mené des partenariats avec le monde du cinéma en mettant à la disposition des tournages du matériel récupéré dans le démantèlement de bâtiments. Ces matériaux sont essentiellement de deux types.

 

« Dans le stock Rotor, Il y certains éléments d’exception, issus de l’imagination de célèbres designers belges comme l’escalier de Jules Wabbes récupéré dans les anciens bâtiment de Fortis près du parc Royal, ou des pièces de Christophe Gevers,… Certains éléments improbables et insolites aussi, comme ces six tables de dissection trouvées à l’université de Gand et qui datent de 1960. Mais l’essentiel de notre stock est composé de matériel générique, récent, en grandes quantités. Ces éléments n’auraient pas été récupérés par les entreprises engagées pour la démolition, car le traitement soigneux de ces matériaux prendrait trop de temps et n’est pas compatible avec leur mode de fonctionnement.

L’autre problème qui reste essentiel et auquel on est sérieusement confronté est que le coût de stock est parfois plus élevé que la matière réelle. C’est le souci principal rencontré par toutes les initiatives du genre. Si vous mettez longtemps à écouler des éléments récupérés et stockés avec soin, le prix de vente est finalement inférieur au coût réel de l’opération. C’est surtout évident pour ces éléments génériques qui constituent la partie la plus importante du stock.

 

 

Lorsqu’on démantèle des bureaux, par exemple, on récupère des tas de cloisons identiques qui peuvent être réassemblées facilement. Ce sont des matériaux relativement modernes disponibles en grande quantité qui donnent au décor un cachet d’authenticité. Les reconstruire à partir de rien serait long et vain. Nous avons aussi énormément de quincaillerie moderne, des luminaires, des interrupteurs, des poignées de porte, toutes choses idéales pour les décors contemporains ou presque. Nous disposons d’équipements techniques, d’éléments d’arrière-plan qui rendent les décors crédibles, toutes ces choses que les antiquaires n’auront pas ou en plus petites quantités et qu’il est ridicule d’acheter neuf en magasin, surtout si ce n’est pour les utiliser qu’une fois et uniquement, en apparence, comme valeur cosmétique. »

 

En ce qui concerne le recyclage des décors. L’industrie du cinéma compte une forme de filière informelle de recyclage : les équipes s’organisent spontanément, louent un maximum, revendent aussi et recyclent un peu. Cependant on voit toujours beaucoup de matériaux terminer dans les containers.

 

 

« Récupérer ces matériaux nous intéresse », poursuit Aude-Line, « mais nous n’avons pas encore trouvé de solutions alors que nous sommes confrontés aux problèmes de droit d’auteurs (NDLR sur les décors), de matières toxiques, de coût de stock, etc »

 

Nouvelle économie solidaire oblige, le stock de Rotor Déconstruction n’est finalement qu’une adresse supplémentaire parmi toute une collection d’adresses recueillies et géolocalisées sur le site d’Opalis, une autre initiative de Rotor. Toutes ces adresses, certaines déjà bien connues par les professionnels, contribuent à encourager le réemploi de matériaux.

 

Aux États-Unis, le groupe the ‘reuse people’ of America qui a servi d’inspiration pour Rotor a un jour récupéré 2000 tonnes de bois issus du tournage de The Matrix. L’industrie du cinéma est faite d’histoires de ce type… mais pas encore en Belgique.

 

On fait le pari de la raison et de l’innovation ?

 

Pour plus d’infos, n’hésitez pas à vous rendre sur le site internet de Rotor ICI

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