[Article rédigé en février après une première vision du film presque terminé]
Hors les Murs de David Lambert est un premier long métrage que nous avons évoqué assez tôt via quelques news et deux articles essentiellement photographiques (ici et ici). Nous avons aussi présenté David et ses deux comédiens ainsi que quelques images du film dans notre capsule n°7 qui a tourné dans toutes les salles de cinéma digitales en décembre (voir ici).
Ce n’était pas un caprice ni un coup du hasard. L’an dernier, nous avions eu l’occasion de lire le scénario de cette histoire d’amour bouleversante entre mecs. Nous avions aussi été impressionnés par la note d’intention de ce jeune artiste visionnaire qui entendait concrétiser avec son long métrage les espoirs placés en lui après son court « Vivre encore un peu », une tempête émotionnelle qui enthousiasma plus d’un festival.
Aujourd’hui, Hors les murs en est à neuf semaines de montage et (comme nous sommes de petits veinards), nous avons pu visionner une copie de travail. Loin d’être définitive, mais néanmoins très élaborée. À ce stade, David se donne encore la possibilité de modifier le rythme et la fluidité de la narration, ensuite le film sera étalonné, la musique ad-hoc sera placée aux endroits clés, les ambiances sonores seront peaufinées, le son sera mixé… Mais ce qu’on a vu nous a déjà largement secoués.
[David Lambert empapillonné aux Magritte, l’an prochain on devrait le retrouver parmi les nominés]
De version en version, David Lambert et sa monteuse québécoise ont épuré le discours, gommé les détails jugés inutiles, drastiquement resserré le récit autour des personnages principaux. Ce qui est d’autant plus cohérent que les cadres millimétrés, souvent sensuels, les enlacent et les caressent avec passion pendant 1h30. À l’issue de la projection, l’avis général qui se dégageait était qu’on avait rarement vu un traitement aussi original et radical d’une histoire d’amour.
Dès la première image du premier plan, on entre dans le vif du sujet et on n’en sort plus avant le panneau qui indique le générique de fin (qui n’existe naturellement pas encore). Entre ces deux extrêmes, le spectateur est en apnée, happé dans une passion qu’il vit, témoin (très) impudique, au plus près des amants.
Les amants, ce sont Guillaume Gouix (ci-dessus) qui interprète Ilir, bassiste dans un groupe rock et barman pour gagner sa vie et Matilia Malliarakis (ci-dessous), qui prête son frais minois à Paulo, homme enfant, véritable sangsue à la recherche d’amour et d’attention. Sans une prestation exceptionnelle de leur part, point de salut : la crédibilité du film repose sur leur charisme et leur alchimie, sur leur fragilité et leurs doutes, sur leurs attachements mutuels, sur la subtile ambivalence de leur relation. Dire qu’ils sont parfaits est un euphémisme.
Mais la réalisation n’est pas pour rien non plus dans cette étonnante réussite. David Lambert qui imagine ici sa propre version des Parapluies de Cherbourg (on lui laisse l’entière responsabilité de ces propos), impose, dès son premier long métrage, un style qui ne ressemble à aucun autre. La gifle qu’il nous balance n’en est que plus cinglante.
C’est aussi l’occasion de souligner le travail de son jeune producteur, Jean-Yves Roubin (photo ci-dessous, avec madame, aux Magritte), l’homme qui monte à toute vitesse dans le métier. Il sort tout juste de Bye Bye Blondie (une coproduction minoritaire qu’on verra sur nos écrans en mars) et est déjà embarqué dans Post Partum, premier long métrage de Delphine Noëls, une complice de … David Lambert. Qu’il ait cru d’emblée au talent de son poulain est une chose, qu’il lui ait donné le cadre, la liberté et les moyens de réaliser une oeuvre unique, si personnelle, en est une autre.
Il faudra donc encore quelques semaines avant de pouvoir découvrir une version définitive de Hors Les Murs, mais il est d’ores et déjà acquis qu’il sera bientôt proposé aux sélectionneurs du Festival de Cannes. Entre la Quinzaine des réalisateurs, la semaine de la critique et… la sélection officielle, il y a sans aucun doute une place pour ce film singulier qui devrait générer un buzz enivrant dès qu’il aura été présenté aux professionnels.
Avec Delphine Noëls, Matthieu Donck, John Shank ou François Pirot, une nouvelle génération de jeunes réalisateurs est en train d’émerger en Belgique. David Lambert risque bien d’en être un des fers de lance.
[Photos couleurs : (c) Matthieu Poirot Delpech – Photos N/B : Philippe Pierquin]