Puggy: « Ecrire des musiques de film, c’est un rêve de gamin »

Une fois n’est pas coutume, on parle musique sur Cinevox, avec Puggy, qui signe la bande-originale de Bigfoot Family, le nouveau film de Ben Stassen et Jérémie Degruson qui sort ce mercredi 5 août. Le groupe belge avait déjà imaginé la partition du premier opus, Bigfoot Junior, et revient pour nous sur cet exercice particulier et exaltant! Rencontre avec Matthew Irons, Egil Franzén et Romain Descampe.

J’imagine que vous avez eu l’occasion de voir quelques fois le film?

Matthew Irons

Alors non seulement on a vu le film, mais on l’a vu de 25.000 façons différentes! On l’a vu en story-board, on l’a vu en maquette, on l’a vu en début d’animation, en mix final! A chaque fois, on recalibre les musiques pour les adapter, on bouge des petites choses. On a vu toute la construction, la matrice en fait. On a hâte maintenant de le voir au cinéma.

Egil Franzén

Oui, je crois qu’à ce stade, on peut réciter le film par coeur!

Comment avez-vous réagi quand s’est présentée l’opportunité de travailler pour la première fois sur une bande originale complète de film avec Bigfoot?

Egil Franzén

On avait déjà travaillé un peu sur des BO, mais jamais sur un scoring complet, on a avait réécrit nos propres chansons, ou écrit des chansons originales mais jamais toute la BO. Sur Bigfoot, on a tout fait, de A à Z, les chansons, mais aussi les musiques d’ambiance.

Matthew Irons

On était très excités à l’idée de le faire. On est auteurs, compositeurs, interprètes, et avant tout des musiciens. Et il y a cette idée, quand tu es musicien, que les gens qui écrivent de la musique pour le cinéma ont une certaine aura, c’est l’étape juste avant compositeur de musique classique en fait! Cela revient à mettre son talent au service d’un film, et c’est très différent que d’écrire ses propres chansons, ou pour un groupe. En plus, Ben et Jérémie avaient une idée très claire de là où ils voulaient aller, du coup on a vraiment pu mettre toutes nos connaissances musicales au service de leur projet. Et c’était encore plus chouette de composer pour ce deuxième volet. Pour le premier, nous avions été invités en tant que Puggy, avec notre identité musicale, pour insérer des chansons, et aussi faire un peu de soundscape et de scoring. Pour le deuxième, on a voulu moins « placer » des chansons que de créer une atmosphère musicale, une composition écrite sur mesure pour chaque scène. C’était une super expérience, et on a vu une courbe d’apprentissage incroyable dans notre approche du métier. On espère avoir l’opportunité de pouvoir continuer à travailler avec eux, parce que c’est vraiment super gai à faire.

Romain Descampe et Egil Franzèn en studio avec Sylvie Hoarau (des Brigitte) qui interprète la version française de la chanson principale du film.

Comment décririez-vous ce processus de co-écriture avec les auteurs du film?

Egil Franzén

Il faut se voir plus comme un réalisateur que comme un musicien. L’émotion que le réalisateur veut transmettre, c’est le plus important. Le but ultime, c’est de transmettre ces émotions avant de faire de la belle musique. C’est très différent que de composer un album.

Romain Descampe

De temps à autres, on peut avoir un défaut professionnel, celui de vouloir à tout prix faire de belles chansons, alors que parfois, avec juste deux notes de piano et une reverb, l’émotion est transmise. Il faut pouvoir se retenir, observer, et être plus contemplatif. C’est un exercice qu’on adore, c’est même devenu une passion en fait!

Est-ce que c’est particulier de travailler pour un projet d’animation, un projet familial adressé à un large public?

Romain Descampe

On a tous des enfants, alors autant dire qu’on gagne des points quand on leur explique qu’on travaille tous les jours sur un dessin animé! Ils ont du mal à y croire, parce que pour eux, ce n’est pas un travail. Bon, ça, c’est un peu l’histoire de notre vie! (rires)

Et puis le cinéma d’animation pour la musique, c’est vraiment génial, parce qu’il faut en mettre de partout. Et assister à la naissance d’un film d’animation, des premiers dessins au rendu final, c’est quand même assez fascinant. C’est un parcours dingue. C’est toujours en mouvement. Les images évoluent sur de longs mois, et c’est vraiment agréable.

Bigfoot-Family

A quel moment est-ce que vous commencez à travailler sur le film, et comme se passe la collaboration dans le temps?

Matthew Irons

Ca commence avant même de voir les images. On a d’abord une longue conversation avec les réalisateurs pour voir un peu ce qu’ils attendent, quelque chose de très orchestral, ou plutôt rock, plutôt pop – ou un grand mélange de tout ça! On a vu les planches d’essai avec les personnages, puis le story-board. On a pu commencer à imaginer les thèmes très tôt. L’idée est d’attribuer à chaque personnage ou à chaque environnement une orchestration et un thème clair. Ensuite, on extrapole ces thèmes à différents endroits. Le thème du vilain par exemple était très intéressant, puisqu’au début du film celui-ci n’est pas frontalement méchant, puis au fur et à mesure, il devient de plus en plus sombre et plus agressif, comme son thème. Conceptualiser ça avec l’aide des réalisateurs, c’est vraiment l’un des côtés les plus funs. C’est tellement différent d’un album. C’est un challenge, mais c’est fun.

Comment s’est passé le passage du 1er au 2e film, est-ce que vous avez retravaillé des thèmes?

Romain Descampe

L’idée, c’était de partir d’une page presque neuve. Bien sûr, on a gardé le thème principal du film, c’est un peu sa trademark, qu’on a ré-interprétée des millions de fois. Là, on l’a développé avec ampleur, comme ça se fait dans les grands dessins animés.

Quelles sont vos références en matière de musique de films, notamment de films d’animation?

Egil Franzén

On a tous grandi avec la belle époque de Disney dans les années 90. Il y a des scores de malade, comme La Belle et la Bête d’Alan Mankell. Pour moi, c’est le grand monsieur de musique de films d’animation. Il y a le Lion King de Hans Zimmer bien sûr, c’est l’un de ses premiers films d’animation d’ailleurs.

Romain Descampe

Et puis il y a Ramin Djawadi, qui a fait le thème de Game of Thrones, et ce qui est drôle, c’est que c’est lui qui faisait les films de nWave avant. Donc, en gros, on remplace Ramin Djawadi, l’un de nos héros, c’est complètement dingue!

Egil Franzén

On est très cinéphiles tous les trois, on a toujours grandi avec un grand amour pour les films, et les musiques de film. Avoir la possibilité d’écrire des musiques de film, c’est un rêve de gamin.

Qu’est-ce que cela change dans votre façon de travailler par rapport à la composition d’un album ou la préparation d’une tournée?

Matthew Irons

C’est complètement différent dans la mesure où dans un film, il faut être au service du réalisateur. Il faut qu’une personne ait une vision claire du narratif, de l’histoire et de l’émotion. D’autant que quand on travaille sur des images qui ne sont pas terminées, notamment quand on ne voit pas les yeux des personnages, on peut interpréter de multiples façons leurs émotions, donc c’est important que les intentions soient claires. Et puis on compose pour quelqu’un qui n’est pas un membre du groupe. Quand on travaille ensemble au sein du groupe, on est une démocratie, chacun a sa voix, mais là, on est vraiment à l’écoute et au service du réalisateur. On doit trouver des solutions, pour la vision de quelqu’un d’autre. C’est un processus complètement différent.

Qu’est-ce que vous préférez dans cet exercice?

Romain Descampe

La variété! On passe d’un morceau très orchestral un jour à quelque chose de plus dépouillé le lendemain. C’est ça qui est génial, faire des choses différentes tous les jours, et s’amuser.

D’autant que le film travaille sur un grand spectre d’émotions…

Matthew Irons

Oui, en fait, c’est comme être un enfant dans un magasin de jouets. Comme musicien, on aime plein de genres différents, le rock, la country, le métal, le blues, le jazz. On peut se déguiser en fait à travers ce projet, faire des musiques qu’on n’explore pas en général pour nos projets personnels. Pouvoir mettre des chapeaux de cowboys, c’est un vrai plaisir. Et puis on apprend à composer de nouvelles choses aussi. C’est comme un laboratoire, on peut se permettre des choses qu’on ne se permettrait pas sous le nom de Puggy, comme des chansons country par exemple! C’est très libérateur en fait.

Est-ce que vous avez d’autres envies de cinéma?

Romain Descampe

Cela fait 6 ans maintenant que l’on travaille dans le domaine de la composition de musique de film, et on a acquis un certain savoir-faire que l’on rêve de pouvoir continuer à exploiter. On voudrait pouvoir continuer parallèlement aux activités de Puggy, d’autant que ce sont des projets à long terme que l’on peut développer en même temps.

Quels sont vos projets aujourd’hui? On imagine qu’en cette sortie de confinement, et sans savoir quand vous pourrez rencontrer à nouveau le public, il faut être créatif?

Romain Descampe

C’est l’une des principales problématiques. On continue à écrire pour avoir le meilleur disque possible, mais on n’a aucune idée de la façon dont le monde va évoluer, on ne sait pas quand on pourra sortir le disque et l’accompagner sur la route. Est-ce qu’on pourra seulement encore faire des Ancienne Belgique ou des Forêt National, indépendamment du fait qu’on puisse remplir ces salles ou pas d’ailleurs! S’il faut faire un concert par jour dans un théâtre de 200 personnes, on le fera, mais il faut surtout que l’on y voit plus clair.

Pour découvrir la BO, ça se passe ici !

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