On l’a dit hier : la sélection de courts métrages proposée au FIFF, même légèrement réduite par rapport au programme gargantuesque de l’an dernier, est plus que roborative. Nous avons donc partagé notre revue subjective des films en six sections réparties sur deux articles. La première a été présentée ICI. Aujourd’hui, nous nous concentrerons sur les films d’école, l’anime et les docus, des sections bourrées de courts métrages bouillonnants, éclectiques et prometteurs.
Bonne chance au jury pour tenter de trouver un consensus sur les prix à attribuer.
LES FILMS D’ÉCOLE
La sélection du FIFF fait chaque année la part belle aux films d’écoles, qu’ils soient de fin d’études ou travaux intermédiaires. L’Inraci, l’IAD, l’INSAS, la Cambre et Albert Jacquard (on parlera de ces deux derniers dans la rubrique anime), ont donc à nouveau eu les honneurs du grand écran ce dimanche.
Une très bonne sélection qui, si elle ne nous a pas permis de découvrir le nouveau Welkom nous a quand même bien divertis.
Notre petit préféré est sans doute Le Patin de Faustine Crespy (Insas), réflexion amusante sur le passage du fantasme à l’acte ; pudique, touchant et servi par un très chouette duo de comédiens (Marouan Iddoub, Egon Di Mateo).
Dans ce classement totalement subjectif, on épinglera également le tandem féminin composé de Prunelle Rulens et Louise Manteau, excellentes dans Maxime et Marie (IAD) sous la houlette de Nikita Trocki et l’émouvant les dauphines (IAD) de Juliette Klinke où une maman emmène ses fillettes à un improbable concours de (little) miss (sunshine) parce qu’elle a sous-loué leur appartement pour le week-end.
Lulu, réalisé en tandem par Michiel Blanchart (le chef op de Nous Quatre) et Louise Dendraën (qui est aussi devant la caméra), est un joli petit film un peu vache autour d’un trio : la nana, son ex, et la nouvelle copine de l’ex. Ou comment plomber une relation avec un pot de couleur framboise. Et beaucoup de mauvaise foi.
On a enfin retrouvé avec curiosité en compète Thomas Xhignesse qui nous avait épaté l’an dernier avec son hilarant Nelson. Jolis mômes (IAD) s’inscrit dans la continuité de ce court avec la découverte par un très jeune ado des plaisirs de la chair lors d’un cambriolage un peu improvisé. Immoral ? Oui, plutôt …
ÇA S’ANIME
L’animation constitue toujours un volet important de la sélection des courts au FIFF avec la particularité épatante d’être tellement diversifiée qu’elle ne peut jamais lasser. D’autant que les films choisis cette année étaient top niveau.
Parmi eux, trois films « pro ».
La rentrée des classes (Panique) est le nouvel épisode des aventures de Cowboy, Indien et Cheval, évidemment signé par Patar et Aubier. Dans la lignée, de la Bûche de Noël, quoiqu’encore un peu plus délirant peut-être, cette sucrerie bien pimentée a déridé l’assemblée provoquant de nombreux éclats de rire. Le meilleur de la série ? Pas impossible.
Dans un tout autre domaine, extrêmement provocateur par son discours qui, démarrant en prenant son sujet à la lettre dévie progressivement vers une fort intéressante (et agressive) analyse sociétale, Pornography (Got ! Oh my got !) n’élude pas les images-chocs. On y discute donc de la place de la pornographie telle qu’on la conçoit habituellement avant de se poser la question des repères d’une société qui selon l’auteur n’a pas besoin du sexe pour être obscène. Une brillante démonstration, divertissante et mise en images de façon très spectaculaire par Erice Ledune (la photo d’ouverture est tirée de ce film).
Sous l’égide d’Arnaud Demuynck, Paul Jadoul a réalisé Totems dont le style graphique peut évoquer son producteur. L’histoire est assez épouvantable puisqu’un bûcheron se retrouve coincé sous le gigantesque arbre qu’il a abattu. Il n’a aucun moyen d’échapper au piège. Même la tronçonneuse est hors de portée : il ne pourra donc pas se couper la jambe pour tenter de survivre. Cruel et inventif. Poétique aussi. Mais cruel quand même…
Réalisé à la Haute école Albert Jacquart par le jeune Martin Colas : Kwek est le film le plus court de la sélection. Mais quel feu d’artifice ! Un gag par séquence, une imagination délirante et un twist en apothéose. Un délice pour les zygomatiques ! On attend la suite avec une vraie impatience. Grand talent ici !
Beaucoup plus trash, mais non moins hilarant Steven goes to the park de Claudia Cortés Espejo (La Cambre) a une personnalité folle : le graphisme, le ton et l’insolence de ce court métrage à tiroirs est un pur régal qui s’offre une mise en abyme décapante en guise de final. Jouissif !
À l‘autre bout du spectre de l’animation, Pour une poignée de Girolles de Julien Grande (la Cambre) présente un univers tout en douceur façon Ernest et Célestine pour une jolie histoire rurale qui évoque la BD Jojo. Drôle, gentil, précieux.
LES DOCUS
La dernière grande catégorie proposée dans cette sélection de courts métrages est le docu. Des docus d’ambiance qui s’attachent à des personnages, de très près souvent… ou de plus loin comme dans Corps où Benjamin D’Aoust, complice habituel de Matthieu Donck, filme une prison… depuis sa terrasse. Un document en plans fixes qui joue sur une bande-son foisonnante, reflet d’une vie sauvage et d’un violent désespoir dont les voisins du bâtiment sont les témoins perpétuels et impuissants.
À l’opposé de ce film plein de fureurs et de bruits, La saison du silence de Tizian Büchi (IAD) nous emmène en Suisse au cœur de l’hiver dans un petit village isolé, sur les traces de Max, un paysan du Haut-Jura. Le réalisateur lui colle aux basques privilégiant les atmosphères rurales, paisibles et les moments intimes empruntés à cet homme simple menant une existence rude et assez solitaire.
Sur un principe proche, pour un résultat très différent, Alice Khol piste sa sœur, Cécile, infirmière dans la campagne bordelaise. Chaque jour les mêmes visites, chaque jour les mêmes patients qu’elle soigne avec attention et beaucoup d’humanité, apportant à chacun de ces passages un peu de lumière dans les longues journées de ces personnes en délicatesse avec la vie. Cure est un témoignage pudique sur une réalité difficile et largement méconnue qui dessine en creux le portrait d‘une société qui a une fâcheuse tendance à oublier ses aînés et les êtres plus fragiles.
Dans le cadre d’un programme d’échange mis en place par l’INSAS, c’est en Pologne que Léopold Legrand a planté sa caméra pour suivre Angelika, une fillette très drôle et pleine de peps, vivant dans un orphelinat triste. La fillette a sans doute vu des choses terribles dans sa jeune vie, mais elle esquive le débat en blaguant et en se réfugiant dans les poses et des jeux de son âge. Dur et touchant.
Le dernier doc est atypique. Pour XY (Inraci) Justine Gramme a installé devant son objectif une série de jeunes interlocuteurs masculins, seuls ou en duo qui répondent à ses questions innocemment perfides et livrent leur vision de la femme, de ses spécificités, de sa place dans la société. Les interrogations judicieusement enchaînées confrontent sans cesse ses invités à leurs contradictions pour un résultat dont on ne sait pas trop s’il est très drôle ou consternant.
Un film fort instructif pour mesurer le chemin qui reste à accomplir avant que notre société sorte enfin des préjugés grotesques qui la paralysent.