Post Partum : la marée était en noir

Luce et Ulysse s’aiment. Ils vivent une vie pleine et belle à la tête de leur clinique vétérinaire le long de la côte atlantique. Luce attend un heureux événement.  L’avenir est radieux. A priori… Car à la naissance de la petite Rose, rien ne se passe comme prévu… Luce perd pied devant les pleurs incessants de son bébé… Pourquoi diable son enfant geint-il ainsi? Serait-ce pour l’avertir de quelque chose? La famille est-elle en danger?…

 

 

 

 

Autant vous prévenir tout de suite, Post Partum est un film-choc, une œuvre personnelle qu’il vaut mieux ne pas voir si vous envisagez de créer une famille. Quoique… Ça n’a pas empêché la jeune réalisatrice, Delphine Noëls (photo), elle-même de succomber récemment à la tentation de la maternité.

 

[Photo : P.P.]

 

Delphine Noels a eu l’idée de cette histoire tragique il y a une dizaine d’années. Elle n’y a jamais renoncé. Loin de la vision idéale de la natalité, de la maternité, loin du consensus social, elle a imaginé, écrit (avec David Lambert) et filmé un drame, de plus en plus en plus sombre à mesure que son actrice principale, la pourtant lumineuse Mélanie Doutey, s’enfonce dans le doute, l’angoisse, la folie. Au grand dam de son mari campé par un Jalil Lespert, totalement impuissant. Aveugle. Lâche?

Le film est ainsi conçu comme un véritable thriller psychologique (psychanalytique) qui évoque les  premiers longs métrages de Zulawski par son traitement sans concession.

 

[Photo : Ricardo Vaz Palma]

 

Le chef opérateur Benoit Dervaux, assisté par les frères Duquenne, a en effet réalisé un travail exceptionnel en rendant à l’image les états d’âme de cette mère à la dérive, offrant parfois au spectateur une vision subjective qui les plonge dans l’esprit perturbé de la jeune femme.
Prêt à tout pour distiller le venin, le trio a épaté le producteur Jean-Yves Roubin qui les voyait s’activer sans compter jusque pendant les temps de repos : « Ils ont même profité d’un dimanche où tout le monde était censé récupérer d’une dure semaine pour tourner des plans de coupe de la maison et du paysage. Ils étaient incroyablement motivés, toujours à la recherche de moyens originaux pour transcrire les émotions de l’héroïne de la manière la plus frappante possible. »

 

Cette maestria se découvre dès les premières scènes à la maternité où le spectateur se rend compte par la seule force d’une image torturée que quelque chose ne tourne pas rond. Distorsion de l’image. Distorsion de l’esprit. L’angoisse naît d’un angle inhabituel, d’une perspective tronquée, d’un plan flou, d’un mouvement brusque.

 

[Photo : P.P.]

 

Révélée par quelques courts métrages incisifs, Delphine Noëls a trouvé en Jean-Yves Roubin un producteur idéal pour son passage au long. Après avoir choyé David Lambert sur Hors Les Murs, le jeune battant liégeois a offert à sa nouvelle protégée, devenue une amie, le casting, le budget, le temps et, les acteurs et l’équipe parfaite pour réaliser son rêve. Il croit en elle. Et comme ce garçon souriant a le flair d’un Springer Spaniel pour dénicher des talents avec une approche très personnelle (voir son travail dans un tout autre registre sur Morrocan Gigolos avec Ismaël Saïdi), Post Partum ne pouvait, au final, qu’être percutant, mais aussi conforme à la vision qu’en avait son auteure.

 

Après un tournage en intérieurs au Luxembourg, l’équipe est partie en France, dans cette Bretagne pluvieuse où le couple est censé habiter et qui confère encore un peu plus de mystère à l’ensemble. Tout le monde s’est donc retrouvé du côté de la presqu’île de Crozon pour y mettre en boîte toutes les séquences extérieures.

 

« Ce fut un tournage fort agréable « , nous racontait naguère Jean-Yves Roubin. « Mais les onze jours passés en Bretagne furent plus difficiles que ceux du Luxembourg. Une fois qu’on est en extérieur, on ne contrôle plus tous les paramètres. Surtout en Bretagne. On s’est donc retrouvé les pieds dans l’eau au bord de la mer avec une pluie torrentielle tombant à la verticale et quelques heures plus tard, on affrontait un vent violent. C’est une des autres caractéristiques du climat breton d’être très capricieux et changeant. Nous commencions la journée sous la pluie, puis le soleil se présentait. Difficile de trouver une continuité là-dedans. L’équipe image a été confrontée à tous les soucis imaginables. Mais ces conditions compliquées nous ont parfois offert des opportunités et des images exceptionnelles. Un jour il y avait une brume terriblement épaisse. On a ainsi un plan où Mélanie Doutey émerge de nulle part au bord de la mer, comme un fantôme. On n’aurait pas pu le simuler et c’est fantastique ! ». Dans tous les sens du terme.

Au final, les plans extérieurs magnifiques, larges, balayés par le vent, offrent un contrepoint à l’intérieur étriqué de la maisonnette et à l’état d’esprit de plus en plus agité de l’héroïne étouffée par ses angoisses, par sa famille, par la gentillesse de son mari, par sa propre incapacité à être une mère. Mais à la nuit tombée, les côtes escarpées de la Bretagne peuvent se gorger de mystères et amplifier le malaise.

L’Océan, apaisant pour les uns, inspirant pour d’autres, peut aussi devenir le linceul des illusions perdues…

 

 

 

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