Lundi dernier était dévoilé à Anima un nouvel opus de la collection « Cinéastes d’aujourd’hui » initiée par la Cinémathèque de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Picha, envers et contre tout, réalisé par Luc Jabon.
Après Jaco Van Dormael, les frères Dardenne, Bouli Lanners, Thierry Michel, Joachim Lafosse, Marion Hänsel, Patar & Aubier, Chantal Alerman et Jan Bucquoy, c’est donc au tour de l’incoclaste Picha de faire l’objet d’un film biographique collectant impressions et témoignages, qui nous éclaire sur le parcours de de cinéaste d’animation hors normes.
Picha a marqué le cinéma d’animation des années 1970 et 1980 avec son style irrévérencieux. Où en est-il aujourd’hui ? Quel regard contemporain porter sur ce créateur iconoclaste, à la fois cartooniste, cinéaste d’animation, réalisateur de séries télé, et, aujourd’hui, peintre, qui a tant représenté l’impertinence et la transgression ? Cartoon Circus, Tarzoon, la honte de la jungle, Le Chaînon manquant, Le Big Bang autant de films qui ont marqué leur temps.
Le film multiplie les témoignages. Il part à la rencontre d’artistes belges, cinéastes (Patar & Aubier), dessinateur (Frédéric Jannin, Pierre Kroll) ou producteur (Vincent Tavier) qui partagent ce que la découverte du travail de Picha a pu représenter pour eux, la preuve qu’une grande liberté de ton était possible, qu’il y avait de la place, quelque part, pour l’irrévérence. En parallèle, des spécialistes reviennent sur l’importance de son oeuvre. Le film met en lumière l’art mais aussi l’artisanat du dessin animé de l’époque.
Mais le film n’est pas qu’un portrait en creux, à travers le regard des autres. Picha y est bien présent, même s’il semble dans un premier temps avancer en bordure du récit. Il se confie volontiers cependant quand on évoque son goût pour les arts africains, qui remonte à son enfance.
L’univers de Picha est volontiers graveleux et résolument vulgaire. Alors que la révolution sexuelle agite les esprits – et suscite son lot de réticence, les films de Picha sont singulièrement salace. Les hommes y sont souvent réduits à leur membres viriles, et les femmes systématiquement déshabillées. C’est audacieux, à une époque où l’on est encore globalement pudibond. 50 ans plus tard, la pop culture a connu son lot de femmes nues, et de nouvelles questions émergent. Forcément, aux yeux des nouvelles générations d’animateur·ices, l’oeuvre détonne. Le film ne contourne pas l’obstacle, ni Picha d’ailleurs, qui accepte de dialoguer avec deux jeunes étudiantes de La Cambre, qui n’hésitent pas à lui faire part de leur point de vue sur les choses. Les temps changent, les contours de la provocation aussi.
Mais surtout, l’artiste aussi, change. Après son dernier film, Blanche-Neige, la suite, sorte de relecture pirate et potache du mythe de la princesse Disney, Picha change de support de prédilection, et se consacre à la peinture, dans un tout autre style.
On le voit, Picha envers et contre tout et tout autant le portrait d’un homme que celui d’une époque, qui nous tend en passant un miroir, qui reflète les changements avenus depuis un demi-siècle.
L’oeuvre de Picha fera d’ailleurs l’objet d’une rétrospective à la Cinematek en partenariat avec la 18ème édition du Festival Offscreen, du 12 au 30 mars.