Petit Samedi, présenté hier à Berlin dans la section Forum, premier long métrage documentaire de Paloma Sermon Daï, plonge le spectateur au coeur de la relation complexe et déchirante qui unit une mère et son fils de 43 ans en lutte contre ses addictions.
Damien Samedi a 43 ans. Quand il était enfant, dans son village wallon en bord de Meuse, on l’appelait le « Petit Samedi ». Pour sa mère Ysma, Damien est toujours son gamin, celui qu’elle n’a jamais abandonné lorsqu’il est tombé dans la drogue. Un fils qui a, malgré tout, cherché à protéger sa mère. Un homme qui tente de se libérer de ses addictions et qui fait face à son histoire pour s’en sortir.
Damien et sa mère vivent à Sclayn, petit village en bord de Meuse. C’est une relation intense qui les unit, faite d’amour, de bienveillance et de solidarité. Damien veille sur sa mère, et sa mère, Ysma, veille sur lui.
Depuis 20 ans, Damien est rongé par ses addictions et sa toxicomanie. S’il n’a jamais lâché prise, ses cures successives de désintoxication n’ont pas porté leurs fruits, et son combat reste quotidien pour être dans la société, et tenir jusqu’au jour d’après.
Le film débute par une scène de danse effrénée, des jeunes s’oublient la nuit. Un peu trop peut-être. C’est dans l’une de ces nuits de folie que s’est perdu Damien. Une erreur, une fois, un mauvais choix, qui se répercute encore 20 ans plus tard. Il y a une belle et déchirante mélancolie dans cette nostalgie de l’enfance, le moment d’avant, le paradis perdu. Pourtant on comprend à demi-mots que dès le début, les graines du drame sont plantées. Et que sans Ysma, Damien y serait peut-être resté.
Mère et fils sont les héros de cette tranche de vie, filmée avec autant de pudeur que d’intimité. La caméra reste d’abord à la périphérie de leurs rencontres, à l’intérieur de la maison, mais à l’extérieur de la pièce, comme pour prendre la température et amadouer peu à peu les deux protagonistes.
Au fil du film, elle se rapproche, et finit par capter l’un et l’autre dans de fulgurants plans fixes. Mère et fils sont au coeur du plan à l’occasion de scènes déchirantes. Damien dans la cabinet de sa thérapeute, s’ouvrant sur les causes et les conséquences profondes de son addiction. Il revient sur la difficulté de faire face à ses émotions, de la façon dont la drogue les tient à distance, et de la quasi impossibilité pour lui aujourd’hui de faire face à la vie normale. Comme si face au poids des injonctions sociétales, la drogue était une carapace lui permettant de survivre.
Ysma de son côté dévoile de profondes failles. Ysma est une conteuse. Au détour d’un surprenant monologue où elle s’imagine candidate d’un jeu à la radio, elle s’épanche sur sa vie. On la découvre meurtrie mais toujours optimiste dans des enregistrements audio bouleversants, à la croisée de la conversation épistolaire et du journal intime, des lettres « enregistrées » destinées à sa soeur. Si Ysma semble s’être toujours livrée avec espoir et générosité, Damien lui semble s’ouvrir peu à peu, trouver les mots pour exprimer ses maux.
Geste de cinéaste et film de famille, Paloma Sermon Daï suit dans Petit Samedi son frère et sa mère, dressant le portrait d’un duo indéfectible, petit précis d’amour filial et maternel. Elle choisit d’aborder la question de l’addiction, affliction terrible et sous-accompagnée socialement à travers le prisme de cette histoire d’amour particulière. En dédoublant le regard sur l’addiction, vue du côté de l’addict et du côté de sa mère, Paloma Sermon Daï livre un film sensible sur la toxicomanie, l’amour filial et maternel, et les deuxièmes, troisièmes, ou quatrièmes chances.
Petit Samedi est produit par Sebastien Andres et Alice Lemaire pour Michigan films, et coproduit par Wallonie Image Production et Dérives.
Le film sera en salle dès le 9 juin au Palace à Bruxelles, et à partir du 30 juin à Namur et à Liège.