Pas son genre… mais le nôtre

On connaît tous les règles fondamentales de la comédie romantique classique: ils se rencontrent, tout les sépare, mais l’amour est plus fort que tout. Chabadabada. 

Le canevas est établi et ce qui importe surtout, c’est l’originalité des péripéties qui mènent les protagonistes du point A au point Z. Le charisme des personnages aussi. La virtuosité de la mise en scène est un plus.

Pas son genre qui nous arrive le 7 mai remplit le contrat… et parvient à surprendre le spectateur, ravi de tant de charme et d’intelligence.
On a vu le film. On a adoré. On vous en dit plus. Mais pas trop.

 

 [Photo © Agat Films & Cie]

 

Après avoir traité deux faits divers très durs,  Lucas Belvaux revient à la légèreté. C’est une délicieuse nouvelle. Non que le réalisateur de Rapt ou 38 Témoins ait jamais démérité dans le drame, loin de là, mais on savoure qu’il mette à nouveau sa plume alerte et son sens de la mise en scène élégante au service d’une comédie romantique pétillante… qui joue à saute-mouton avec les clichés.

 

  [Photo © Agat Films & Cie]

 

Les prémices de Pas son Genre apparaissent forcément classiques; c’est la règle de ce type de films : un prof d’univ super hyper ultra parisien [Pas son genre = PSG, même s’il n’est dit nulle part qu’il aime le foot 😉 ] est envoyé en province. À Arras, en plus. Une catastrophe de dimension tchernobylienne pour lui. Heureusement, il n’y passera que trois jours et deux nuits par semaine. Mais c’est déjà une torture.
Séducteur invétéré, il a un certain don pour capter les regards féminins. Il n’est pas non plus homme à résister aux charmes d’une jolie dame pas trop difficile. Celle qui l’attire au premier regard est une jeune coiffeuse avec qui, a priori, il ne peut pas espérer partager grand-chose d’autre que le plaisir de la chair.

 

Comme la demoiselle est campée par Émilie Dequenne, on comprend naturellement son émoi, mais de là à penser qu’il peut passer sa vie avec elle…

 

  [Photo © Agat Films & Cie]

 

Si le film avait été produit aux États-Unis, on imaginerait sans peine la suite, mais tout ici est bien moins prévisible.

 

Car entre le philosophe qui a exposé dans un livre son idée de l’amour qui navigue très loin des clichés romantiques et la charmante coiffeuse, il existe sans doute quelques points d’accord, mais aussi un gouffre que la passion ne pourra peut-être pas combler éternellement.

Ce gouffre est forcément intellectuel, lié aux préoccupations de chacun : de Kant au karaoké, il y a plus d’un pas.

Heureusement pour elle, Jennifer (prononcer Djénifair, c’est anglais), sous ses airs de fille délurée, n’est pas sotte, tant s’en faut. Son intuitivité et son expérience de la vie lui permettent de se diriger à vue dans les méandres de la pensée complexe de ce bel étranger qu’elle devine dangereux pour elle. Elle est sous le charme, mais n’est pas dupe : si Clément accepte, à l’occasion, de se risquer dans l’univers de Jennifer, il n’est pas certain qu’il puisse assumer leurs différences dans ses propres cénacles.
L’amour plus fort que tout? À voir…

 

 

 [Photo © Agat Films & Cie]

 

Sur cette base, héritée du roman éponyme de Philippe Vilain, Lucas Belvaux a écrit un scénario pétillant, tendu, intelligent, sans temps mort. Un petit bijou qui pourrait lui valoir un nouveau Magritte de la discipline après celui reçu en 2012 pour le sombre 38 témoins. Mais c’est dans sa mise en scène que le cinéaste nous surprend le plus. Après deux films où il avait instauré une distance glaciale entre le spectateur et des personnages plongés en plein cauchemar, il mixe ici légèreté et élégance avec une personnalité évidente et des choix de réalisation pour le moins originaux.

 

Pas son genre est à la fois une comédie (on rit beaucoup) romantique (Jennifer nous en donne pour notre argent), mais également une réflexion philosophique sur l’amour, le monde, le couple; la vie.

 

Ponctuée de courtes scènes de lecture et de métaphores inattendues, cette romance alterne délicatesse et sens, sourire et effroi, tendresse et tension avec une virtuosité qui nous pousserait presque à applaudir pendant la séance tant on est peu habitué à voir une telle intelligence au service d’un film qui reste néanmoins pétillant.

 

 [Photo © Agat Films & Cie]

 

L’interprétation des deux principaux comédiens sur qui se focalise l’attention de Lucas Belvaux n’y est naturellement pas pour rien. On connaît parfaitement Émilie Dequenne, Magritte de la meilleure actrice en 2013 pour sa performance dans A Perdre la raison. On la sait capable de profondeur et de légèreté, on la sait à l’aise dans les registres du drame et de la comédie.

Ici, avec son petit look à la Sandra Kim (si, si), elle évolue, magnifique funambule, sur la corde tendue au-dessus du précipice de la caricature jouant la coiffeuse sans jamais forcer le trait et l’amoureuse parfois imprévisible avec une grâce et un charme sidérants.

Filmée au plus près, elle illumine cette historie de sa radieuse personnalité parvenant aux moments cruciaux à nuancer la pétulance de son regard d’un voile d’indicible tristesse.

 

[Photo © Agat Films & Cie]

 

Face à elle, Loic Corbery de la comédie française nous sort un numéro qui va faire craquer plus d’une spectatrice (et pas que des midinettes). Son charme et son charisme contrastent avec son habileté à se faire passer pour un enfoiré de première classe juste avant de nous séduire à nouveau. Dans un registre subtil qui peut évoquer Pierre Niney, il  arrive à être intelligent sans jamais nous gaver et excelle lorsqu’il joue le malaise sans dire un seul mot (la fabuleuse scène du karaoké).

 

[Photo © Agat Films & Cie]

Grâce à ces deux comédiens et à une direction d’exception, l’alchimie de ce couple improbable porte le film jusqu’à… jusqu’à la fin. Voilà. Nous n’en révélerons pas plus, car Pas son genre se déguste comme un sucré salé qui nous surprend à chaque bouchée et nous laisse au final la sensation exaltante d’une ivresse des sens qui flatte notre intelligence. Ça fait du bien…

 

Un bonheur, rare.

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