« Une part d’ombre », ou le bénéfice du doute

Sortie aujourd’hui en salle de Une part d’ombre, le premier long métrage de Samuel Tilman, thriller psychologique mené tambour battant qui pose cette question redoutable: où s’arrête la confiance, ou commence le doute?

Après s’être fait remarqué avec ses courts métrages (Voie de Garage et Nuit Blanche, Magritte du meilleur court métrage en 2011), et ses oeuvres de documentariste (notamment la série Kongo, ou le docufiction animé Le Dernier Gaulois diffusé en prime time sur France), Samuel Tilman s’essaie avec Une part d’ombre au film de genre. Son premier long métrage, est non seulement un thriller psychologique percutant, qui questionne chacun d’entre nous, mais aussi un film de potes, dans la grande tradition, porté par un casting qui sert idéalement le propos.

Petit meurtre entre amis?

Une part d’ombre débute donc comme un film de potes. Au bord d’un lac dans les Vosges, on s’oxygène et on passe des soirées au coin du feu. On discute, on cuisine en groupe, on picole un peu, on rigole beaucoup, on se vanne, on se souvient des bons moments et on fait des plans sur la comète. David est comme un poisson dans l’eau, dans le groupe, dans son couple. Mais l’obscurité menaçante de la forêt vosgienne qui l’entoure lors d’un footing vespéral laisse planer une noirceur insoupçonnée. De retour à Bruxelles, on apprend qu’une femme a été assassinée sur le trajet de David. Et s’il n’y était pas pour rien? D’aucun pense l’avoir vu sur le lieu du crime. C’est alors que s’enclenche la spirale du doute. 

Si de prime abord, la solidarité s’impose, la belle homogénéité du groupe va peu à peu se fissurer. Les premiers soupçons apparaissent rapidement. Il n’y a pas de fumée sans feu, non? D’autant que l’enquête va s’immiscer dans les sombres recoins de l’intimité de David, et mettre à jour des secrets bien cachés. Des secrets d’envergure. Mais si David est capable de cacher de telles choses à sa femme et ses proches, ne pourrait-il pas aussi cacher des choses bien plus graves encore?

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Le bénéfice du doute

A la chaleur du chalet de vacances succède la froideur des salles d’interrogatoire, à la confiance succède le doute. Le moindre détail devient un élément à charge potentiel. Et chacun, selon l’empathie qu’il éprouve pour David, abandonne toute objectivité pour décider de sa culpabilité (ou de son innocence) sur la base d’un jugement moral, à défaut de preuves matérielles convaincantes. Comme David perd peu à peu pied, acculé par son passé qui refait surface, le groupe se fissure. Des tensions émergent, parfois au sein même d’un couple, et tous se retrouvent à devoir choisir un clan, parfois malgré eux. Les membres de la bande d’amis représentent autant de facettes du degré d’empathie que chacun peut éprouver envers David. Quand son épouse s’accroche tant qu’elle le peut encore à sa foi en l’innocence de son mari, son meilleur ami remue ciel et terre pour l’empêcher de sombrer, prêt à affronter le groupe pour défendre ses convictions les plus intimes. 

ADN belge

Une part d’ombre était présenté dans le cadre du traditionnel Gala de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la RTBF, et c’est peu dire que le film porte la Belgique, et surtout Bruxelles dans son ADN. Le réalisateur a voulu voir incarnés à l’écran ses proches, sa génération, ces jeunes quadra bruxellois un peu bohèmes.La bande d’amis figure le portrait d’une génération, et on visite sa ville de quartier en quartier, au fil du récit, ses rues, ses parcs, ses maisons typiques. Tous sont incarnés par des visages connus du petit et du grand écran belge, mais aussi des planches.

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Dans le rôle de David, on retrouve Fabrizio Rongione, fidèle complice de Samuel Tilman. Les deux se connaissent depuis toujours. Ils ont débuté ensemble sur les planches, ont fondé ensemble Eklektik, la société qui produit le film, ont collaboré pour l’écriture de la Cérémonie des Magritte en 2013 et 2014. Leur collaboration pour son premier long métrage était une évidence. Tilman offre à Fabrizio Rongione un rôle à sa mesure, où il développe de multiples facettes de son talents, incarnant avec son justesse un homme affable parcouru d’une noirceur (presque) indétectable.

A ses côtés, sa femme, interprétée par Natacha Régnier (Le Petit Spirou, Le Fils de Joseph, La Vie Domestique), et son meilleur ami, interprété par le chanteur Saule, camarade de conservatoire de Rongione, dans un premier rôle au cinéma (sous le nom de Baptiste Lalieu), où il apporte à son personnage central spontanéité et bonhommie. Une part d’ombre est un vrai film de groupe, et le reste du casting contribue à figurer avec force conviction cette bande d’amis déboussolée. On retrouve ainsi des visages connus du cinéma ou de la télévision belges, de Yoann Blanc (Un homme à la mer, La Trêve) à Erika Sainte (Jeune Femme, Je suis resté dans les bois), en passant par Steve Driesen (L’Outsider, Landes), ou Myriem Akheddiou (Timgad, La Forêt, qui excelle actuellement sur les planches dans la pièce de Myriam Leroy, Cherche l’amour). 

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Une part d’ombre, produit par Marie Besson pour Eklektik donc, et est distribué en Belgique par O’Brother.

 

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