Paris, pieds nus avec Fiona et Dominique

Une bibliothécaire canadienne qui habite le Grand Nord reçoit un jour une lettre de sa tante qui a 88 ans. C’est un appel au secours: la vieille dame va être placée dans une maison de retraite et ne veut pas y aller. Fiona, la Canadienne, saute alors dans le premier avion. Direction : Paris.

 

Mais rien ne se déroulera comme prévu: la tante n’est pas là, elle tombe dans la Seine, perd tout ce qu’elle a… Tout s’enchaîne, de mal en pis.
N’écoutant que son bon cœur opiniâtre, Fiona va néanmoins se mettre à la recherche de sa parente, épaulée par un SDF qui lui pourrit la vie.

 

 

Paris, pieds nus est donc l’histoire de trois personnes perdues à Paris comme le souligne assez explicitement le titre anglais du film: Lost in Paris. Mais définir ce film par son pitch est une approche à la fois classique… et forcément très incomplète.
Préciser qu’il est le quatrième long métrage d’Abel et Gordon, les clowns trublions, hilarants et poétiques, est une indication beaucoup plus intéressante, car de l’Iceberg, à la Fée en passant par Rumba, ces deux-là ont créé un univers qui ne ressemble à rien de connu dans le petit monde du 7e art. Leur approche surréaliste, basée sur le travail des corps avant de s’appuyer sur les mots ou les rebondissements scénaristiques est formidablement originale… et terriblement rafraîchissante.

 

 

Après avoir émigré au Havre pour leur précédent long métrage, c’est donc dans la capitale française que le duo Belgo-Canadien a transporté ses pénates. Une décision assez logique, pour Fiona : « Nous avons vécu plusieurs années à Paris et nous voulions remettre dans un film ces années de découvertes, d’initiation et d’émerveillement.  »

 

« Nous nous sommes rencontrés ici, ce fut le démarrage de notre collaboration professionnelle « , confirme Dominique, son compagnon dans la vie et à l’écran. « On est tous les deux arrivés à Paris avec la même envie de théâtre et de cinéma. Pour nous, tout était neuf et fascinant. C’est une superbe ville. En repérant, on a vite flashé sur cette île-ci avec une Statue de la Liberté. Le SDF qui plante sa tente au pied de ce monument que nous ne connaissions pas, c’est une métaphore forte. Il est libre et paie le prix de sa liberté. C’est un peu tout le sujet du film, aussi.  »

 

 

La vieille tante du film est interprétée par Emmanuelle Riva, formidable comédienne française qui s’est autant illustrée sur les planches qu’à l’écran. Récemment, elle a bouleversé le monde entier dans Amour de Michael Hanneke aux côtés de Jean-Louis Trintignant, Palme d’Or à Cannes. Elle décrocha ainsi un César de la meilleure actrice en 2013 et une nomination aux Oscars dans cette même catégorie. Entre autres distinctions prestigieuses.

 

« Dans la vie, Emmanuelle Riva est quelqu’un de très indépendant », explique Fiona Gordon. « Elle ne va lâcher sa liberté pour rien au monde. Ce thème de la liberté, elle le représente aussi d’une façon très forte. C’est une actrice qui s’implique à fond dans le jeu, malgré ses 88 ans et la souffrance physique qu’on peut ressentir à cet âge-là. Comme le personnage qu’elle incarne, elle préfère vivre sa vie et son métier pleinement plutôt que d’abandonner ».

 

 

Chouchous du Festival de Cannes qui les a accueillis à la semaine de la critique (Rumba), puis à la Quinzaine des Réalisateurs (La Fée), Abel et Gordon terminent sereinement le tournage de ce nouveau long qui devrait en toute logique les conduire à nouveau sur la Croisette en mai prochain. Même si rien n’est jamais acquis dans la vie. Mais ça, le duo le sait et s’en accommode pleinement. Leur plus précieuse richesse reste leur liberté.

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