Olivier Van Hoofstadt: « Le décalage, c’est le ressort de mes comédies »

Rencontre express avec Olivier Van Hoofstadt, dont le très attendu nouveau long métrage Lucky sort le 26 février prochain.

Quelles sont les origines du projet?

Un jour je reçois une lettre de la police chez moi, je me dis zut, une contravention. En fait c’était une lettre de Mourad Dhoir, un policier, qui me racontait un peu sa vie. Il avait vu Go Fast, et juste après arrêté un trafiquant de cocaïne, qui lui avait dit que j’avais l’air tellement bien renseigné que le film ressemblait à un documentaire. On s’est rencontré, et pendant 15 mois, on a écrit un film d’action sur sa vie. Dans la foulée, Cannes nous a proposé de faire un court métrage pour les Talents Adami, en 2016. J’ai adoré faire ce film, un court métrage, A/K, qui a voyagé partout dans le monde. Le film a rencontré un vrai succès. Les gens ont l’impression que j’ai rien fait depuis Go Fast, que je vis au fond d’un caniveau, alors que ce court métrage a cartonné, que j’ai fait 60 pubs, des clips. Ce n’est juste pas la même visibilité qu’on long métrage.

Bref, avec Mourad, on se dit qu’on s’est bien amusés, et qu’on referai bien un court. C’est un flic d’élite, qui forme des flics d’élite, il travaille dans l’infiltration. Il cherche dans ses souvenirs, et on a ce pitch, deux cons, plutôt touchants, qui ont une « idée de génie », voler un chien de la brigade des stups. Ce qu’ils oublient en passant, c’est comment vont-ils faire pour écouler la tonne de coke qu’ils ont trouvée dans un garage? Ils n’ont pas de voiture, pas de carte de crédit… C’est bien, bien au-delà de leurs capacités… Ils sont contraints de trouver un·e associé·e… Alors ils appellent leur « cousine ».

Ce qu’on voulait aussi, c’était proposer un personnage de femme forte, sortir des clichés avec le rôle de Florence Foresti. Une policière corrompue, qui aime autant les voleurs que son commissaire, mais qui est prête à tout pour prendre sa place. Une femme sympa, mais peu recommandable.

Moi, je crois que je suis une nana dans un corps de mec, 90% de mes ami·es sont des femmes. Je voulais pas que des mecs grande gueule comme dans Dikkenek, je voulais plein de personnages de filles toutes différentes, mais toutes badass. C’est elles qui ramènent l’action dans le film.

Avec comme finalité de plonger des personnages de comédie dans une situation de film policier?

C’est ça, garder le côté décalé, mais contrairement à Dikkenek, il y a une vraie intrigue et du suspens. On a quand même envie qu’ils en sortent, ces deux idiots… Ici le but n’était pas de faire rire à chaque seconde, mais d’emmener les gens dans un univers un peu différent. On est dans un endroit assez indéfinissable, on ne sait pas très bien où c’est, ce n’est ni Bruxelles, ni Paris. Un univers un peu parallèle!

On peut parler un peu de ces deux anti-héros, pas franchement armés pour gagner à la fin?

Effectivement! Willy a une passion, c’est les chiens. C’est surement la seule chose qui l’anime. Il a une copine, ça fait 5 ans qu’il la voit, mais il ne sort pas vraiment avec, ils vont tout juste au cinéma. C’est un gars en marge. Son pote Tony est lui aussi à côté de la plaque. Dans les personnages secondaires, on a une aristo qui vit toute seule, qui « élève » des mecs dans son aquarium, elle est un peu dingue, par exemple, ou un petit dealer qui supplie qu’on le mette en prison. Il n’y a pas un personnage dans le film que je n’aime pas, j’avais envie qu’ils aient tous leur moment de bravoure. Je ne veux tourner que des scènes qui me font envie.

Comment avez-vous fait le casting?

C’est un peu de l’instinct. Je ne pense pas trop au casting en écrivant. Une fois que c’est écrit, la première chose à laquelle je pense, ce sont les décors en fait. Ensuite, je me demande qui pourrait les habiter. Je ne fais pas non plus de castings filmés avec des directeurs de casting qui de toutes façons ne dirigeront pas les gens comme moi. Je rencontre les gens, je discute avec eux. Ensuite, on travaille ensemble, mais séparément, toujours. Les comédien·nes ne se rencontrent pas avant. Du coup sur le tournage, l’équipe est encore dans la découverte, ça laisse de la place aux surprises. Mes premiers spectateurs, c’est l’équipe en fait! On voit tout de suite si ça fonctionne.

J’aime beaucoup travailler le décalage aussi, comme Esteban, qui joue un dealer avec sa voix de Simpson. Sur Go Fast, un film de commande, j’ai été obligé de caster des gars avec des sales gueules pour jouer les truands, mais je déteste ça. Tous les grands truands que j’ai rencontrés, ils n’ont pas la gueule de l’emploi, clairement pas. Le décalage est clairement l’un de mes ressorts de comédie. Les caricatures de gangsters, ça marche dans des films comme Casino ou Les Affranchis, j’adore Joe Pesci, mais ce n’est pas pour moi.

C’est difficile de monter une comédie en Belgique?

Moi le film qui m’a donné envie de faire du cinéma, c’est C’est arrivé près de chez vous. Je trouve que c’est un chef-d’oeuvre, Benoît Poelvoorde y est génial… Mais combien y’a-t-il de comédies comme ça en Belgique? Pourquoi n’y en a-t-il pas plus? Il y a assurément un problème de financement. Et comme on est financé sur scénario… Pour moi un scénario, c’est un brouillon, le film se fait au tournage.

Vous avez organisé l’avant-première du film en plein air sur la Grand Place, quel souvenir en gardez-vous? 

Je remercie vraiment la Commune, c’était exceptionnel. Il y a 15 ans, on remplissait deux salles au Kinepolis pour un court métrage de 11mn, 2500 personnes, entrée gratuite, un verre pour tout le monde… Aujourd’hui les avant-premières sont souvent payantes, ou sur listing, alors pouvoir ouvrir à tout le monde, c’était génial. Bon, évidemment, on a été relativement chanceux concernant la météo, mais c’était vraiment un beau cadeau. Je ne pouvais pas faire mieux que la Grand Place. Même à l’étranger ça a un écho, c’est dingue.

Qu’est-ce qui vous surprend le plus dans les retours du public?

Les réactions des femmes! Il y en a quelques-unes qui sont venues me voir pour me dire « J’aimais pas vraiment Dikkenek, mais celui-ci est différent, différent de ce qu’on a l’habitude de voir ». On a fait une avant-première à Paris, il y avait 80% de spectatrices, c’était le délire, je ne comptais pas rester, et finalement je suis resté 3/4 d’heure dans la salle. Evidemment, je n’ai pas les retours négatifs. C’est sûr que si le spectateur ou la spectatrice vient voir Dikkenek 2, il va trouver autre chose. Ce n’est pas un enchainement de blague, il y a plus d’intrigue. J’ai fait le film que j’aimais.

Quels sont vos projets?

Je suis en train d’écrire un film avec Maria Pourchet, consultante de Jean-Paul Rouve, elle écrit son prochain film. Ca se passe à Versailles. En 2026. Ce n’est pas juste une comédie. C’est aussi un film social, sur fond de grève. Mais je en peux pas en dire plus à ce stade.

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