Olivier Pairoux livre avec SpaceBoy, qui sort ce mercredi 27 octobre en Belgique, un long métrage familial pop et intelligent, qui ose prendre les enfants au sérieux tout en les divertissant, un clin d’oeil appuyé au cinéma familial américain des années 80, dans la lignées des Goonies, E.T. ou Stand By Me. On revient avec lui sur son parcours, et ce premier long métrage divertissant et audacieux.
SpaceBoy est votre premier long métrage, après le succès de votre premier court, Puzzle. Pouvez-vous revenir pour nous sur votre parcours?
J’ai une grande chance, c’est que j’ai toujours su ce que je voulais faire! Mon père a pris Canal + quand j’avais 13 ans je crois, et j’ai découvert le cinéma en VO, Woody Allen, Lars Von Trier, David Lynch. Je suis passé du cinéma d’horreur que j’adorais, et que je trouvais au vidéoclub, au cinéma d’auteur. Ca a été un coup de foudre gigantesque pour moi, vers 15/16 ans.
Et puis les choses se sont enchaînées. J’ai beaucoup de respect pour l’art qu’est le cinéma, depuis toujours, et je sais aussi que la chance de pouvoir faire un premier long métrage, il ne faut pas la galvauder, elle est difficile à obtenir, et on n’en a qu’une! Je voulais donc être prêt.
J’ai étudié à l’IAD, mais je savais que la télé serait une excellente étape pour me préparer. J’ai fait beaucoup de choses chez RTL, avec des étapes créatives très importantes. Ça m’a en partie façonné, et j’ai rencontré plein de gens. Mon chef opérateur, Thomas Rentier, je l’ai rencontré là. Cette innocence, cette envie d’essayer des choses, de ne pas se prendre la tête, je la retrouve un peu dans SpaceBoy.
J’ai mis de nombreuses années à écrire SpaceBoy. Pour moi, c’était un écolage, une manière d’apprendre à écrire, j’ai participé à de nombreuses masterclass, la dramaturgie est devenue une passion.
Déjà à l’IAD, je bossais à la RTBF, à RTL. Je pense que l’art demande énormément de rigueur, de sacrifice, et de travail. Je ne voulais pas en sortant de l’école écrire mon premier court métrage dans un bar à Ixelles pendant 5 ans. Je voulais travailler, tout de suite, et tourner, réaliser, apprendre en faisant. J’ai rencontré plein de gens, appris plein de techniques. Même le fait de faire de l’antenne, ça m’a permis de comprendre ce que ça fait d’être devant la caméra.
Si on cumule l’expérience que je voulais glaner chez RTL, et la longueur du processus d’écriture, c’est vrai que j’ai attendu d’avoir 40 ans pour réaliser mon premier long métrage, mais je ne le regrette pas! J’étais impatient, mais pas malheureux. Et puis c’est aussi un parcours collectif, c’est l’aboutissement de beaucoup de choses, au-delà du film.
Pourquoi et comment cette histoire de petit garçon qui rêve d’espace ?
J’ai découvert la figure de Joseph Kittinger, ce pilote américain recordman du monde du saut en parachute en regardant un clip de Boards of Canada, Dayvan Cowboy. En découvrant ces images des années 60, en caméra embarquée, et je suis tombé complètement amoureux de Kittinger. J’ai toujours aimé la science, les étoiles, l’espace, et les exploits humains. Je peux me lever à 3h du matin pour suivre les aventures de Thomas Pesquet! Je me suis alors demandé: et si un gamin décidait d’imiter Kittinger?
Je travaillais beaucoup au moment de l’écriture, et j’avais l’impression parfois de ne pas être assez présent pour mes enfants. J’ai décidé que le film poserait cette question, celle de l’équilibre entre poursuivre son rêve, et assumer ses responsabilités personnelles. C’est compliqué de trouver cet équilibre, mais c’est un challenge très important dans une vie d’adulte.
Le film pose aussi la question de la transmission entre le père et le fils. Le fils va essayer de revivre la vocation de son père par procuration.
Je n’aime pas les films pour enfants où l’on a l’impression qu’on prend les enfants pour des idiots. J’aime quand on leur donne du grain à moudre, qu’ils doivent faire un petit effort pour comprendre. J’avais envie que les enfants du film enseignent des choses à leurs parents. Moi je ne sais pas ce que j’apporte à mes enfants, ils le diront dans 15 ans en psychanalyse! La seule chose que je peux honnêtement mesurer, c’est ce que eux m’apportent. Je voulais que Jim et Emma fassent bouger les lignes pour leurs parents. Ensemble, ils vont redéfinir un certain équilibre, pour eux, et pour leurs parents.
Faire un film familial en live action aujourd’hui, c’était un pari osé?
Au départ, je visais un public plus adulte. Les premières versions étaient beaucoup plus dark, je lorgnais plutôt vers Ponette, tous ces petits enfants qui parlent de la mort (rires)!
Mais je me suis laissé porté par mes émotions, et le film est devenu plus familial. Ce n’était pas une stratégie.
C’est vrai qu’il y avait ce constat, le cinéma que j’ai aimé enfant, je ne le trouvais pas en Belgique. J’ai l’impression que dans les années 80, il y avait pléthore de films que l’on pouvait partager en famille, les Goonies, Indiana Jones, Retour vers le futur, des films où on pouvait prendre le même plaisir en tant que parent qu’en tant qu’enfant. Aujourd’hui, j’ai deux fils de 6 et 10 ans, et je me demande quoi regarder avec eux. Évidemment il y a des films d’animation incroyables, mais en live action?
Les années 80 fortement présentes dans le film sont un sujet de nostalgie pour celles et ceux qui y ont grandi, mais aussi l’une des dernières périodes d’espoir, où la foi en la science et le progrès était une évidence?
Effectivement, il y a une forme d’innocence à cette période. Moi je suis très naïf, et très optimiste. Si on me dit « Oh, un dinosaure dans la rue ! », j’y crois.
Et puis ce qui est sûr aussi, c’est que pour moi, en tant que Belge, il y a un avant et un après Dutroux, on a perdu de l’innocence dans les années 90. Quand j’étais petit, on allait camper dans les champs, on n’avait pas de téléphone portable, nos parents s’en foutaient. On avait une grande liberté. Clairement, quelque chose a changé dans la société.
Cela dit, aujourd’hui, je trouve que beaucoup de films sont très tragiques, sérieux. On peut avoir un propos triste ou dramatique, mais injecter de l’humour. C’est ce que parvient à faire une série comme Stranger Things, injecter de l’humour dans un récit fantastique. La couleur eighties de la série vient aussi de là, pas uniquement des décors et des costumes. Je pense, peut-être, qu’on s’amusait plus à faire du cinéma à l’époque.
Ici, il s’agit de remixer la nostalgie pour en faire quelque chose de moderne, ancrer la forme aujourd’hui?
Moi j’aime bien aller chercher des références un peu partout. Et avoir une approche décomplexée de la réalisation, si j’ai envie de tenter quelque chose, j’y vais!
On a surtout essayé d’être ludique en fait. J’aime bien les réalisateurs qui s’amusent, essayent des choses comme Spike Jonze ou Michel Gondry.
Et puis je crois qu’il ne faut pas avoir peur de se laisser inspirer. C’est toujours intéressant de ne pas attaquer les choses de manière frontale. On retrouve l’influence de la photo chez Kubrick, de la peinture chez Lynch, de la musique chez Woody Allen, des gens que j’admire.
J’aime bien puiser dans plein de références, même au dehors du cinéma, dans la pub, les clips, la télé.
C’est normal les références finalement. Et puis, « if you have to steal, steal from the best », comme on dit!
Il y a aussi une attention toute particulière aux décors?
Le postulat de départ, c’est que j’adore quand on ne peut pas situer exactement où se passe l’histoire. J’avais très envie avec SpaceBoy d’avoir cette impression-là. Je savais juste qu’on devait être en 1986, à cause de Challenger, mais sinon, je voulais créer quelque chose de nouveau avec les décors, qu’on ne puisse pas situer.
Je voulais absolument tourner en Hollande, où ils ont un rapport à l’architecture hyper ludique. On a voulu aussi créer des éléments originaux. J’adore l’observatoire d’Uccle par exemple, mais je voulais inventer notre propre observatoire! Je ne voulais pas qu’on dise: « C’est Bruxelles, ou c’est Liège! » C’est très amusant aussi quand on fait un film de créer soin propre univers.
C’est aussi un vrai challenge pour les équipes. Ça les motive beaucoup. Le monde qu’on crée de toutes pièces pour l’histoire, c’est un élément très important d’un film, qui parfois me semble sous-estimé.
Le film a été présenté au Festival de New York, en Zoom, et un vrai astronaute m’a parlé du film en disant que ça lui rappelait son enfance, il s’était approprié le film et l’histoire, et ça m’a rendu très fier.
Comment avez-vous trouvé votre Jim?
Je voulais un petit garçon très intelligent et très sensible, qui a un peu de mal à comprendre le comportement des autres. Mais ce sont ses failles qui vont permettre de sauver Emma, par exemple. Un petit garçon espiègle, mais jamais ni grossier ni méchant.
Il fallait un jeune comédien qui puisse jouer l’aventure aussi bien que l’émotion. Ce qui est formidable avec Basile Grunberger, c’est qu’il a tout ça. On a vu plus d’une centaine d’enfants. Ce qui est surprenant, c’est que Basile a complètement foiré son premier casting, mais la directrice de casting Catherine Israel m’a convaincu de la revoir, et il a été exceptionnel.
Il comprend les nuances il voit les mécanismes, il est extrêmement intelligent et curieux. Il s’intéressait au son, il y a même des scènes où c’est lui qui perche! C’est un super ket. Et c’est important aussi d’avoir un gamin souriant, sympa, qui s’intéresse aux autres. Mais on a eu que des enfants incroyables sur le set. Il fallait en prendre soin, et toute l’équipe les a choyés.
Quels sont vos projets?
Je finalise l’écriture de mon prochain long métrage pour lequel nous avons reçu l’aide à l’écriture et au développement. C’est un film noir, un film de détective, relativement classique dans l’écriture, mais avec un traitement assez moderne, et une thématique très actuelle…