Nelly & Nadine, du cinéaste suédois Magnus Gertten, dresse le portrait bouleversant d’un amour interdit plus fort que la mort et la guerre, né au coeur de l’horreur des camps, celui qui unit la chanteuse d’opéra belge Nelly Mousset-Vos et la résistante sino-belge Nadine Hwang.
A la fin de la seconde guerre mondiale, en avril 1945, 600 femmes rescapées du camp de Ravensbrück sont rapatriées par la Croix Rouge, et accueillies en Suède, à Malmö. Elles arrivent par bateau, tour à tour hagardes et souriantes, survivantes et irrémédiablement abimées. Magnus Gertten, cinéaste suédois, s’interroge sur ces femmes: qui sont-elles, qu’ont-elles vécu, que vont-elles devenir? Parmi elles, un regard, sourd, profondément mélancolique, redoutablement intense, celui de Nadine.
Cette femme pleine de mystère, c’est Nadine Hwang. Pour retrouver sa trace, le réalisateur nous entraine 70 ans plus tard dans une ferme du Nord de la France. On y rencontre Sylvie, qui évoque sa grand-mère, Nelly Mousset-Vos, cantatrice et agente de la résistance belge. Sylvie a hérité de son histoire et de ses souvenirs, qu’elle garde précieusement dans quelques malles qu’elle n’a jamais vraiment osé ouvrir. Il faut dire qu’elle renferme assurément des secrets terriblement sombres, des confessions dures à entendre. Elles témoignent peut-être des années de bonheur vénézueliennes, de l’exil à Caracas, mais aussi surement de la réalité des camps. Ces lettres, ces manuscrits, ces films forment le récit testamentaire de Nelly, l’histoire de sa vie… et de Nadine.
Devant la caméra, Sylvia va plonger dans cette mémoire ensevelie, ravivant au passage ses souvenirs d’enfance, osant enfin se confronter à ce qu’elle a toujours fui: le journal de sa grand-mère, témoignage sur sa vie dans les camps de Ravensbrück, puis de Mauthausen. Petit à petit, parallèlement au récit difficile de la vie quotidienne dans les camps, c’est une autre histoire qui s’écrit sous ses yeux. Une histoire d’amour, de celles que l’on ne raconte pas, surtout pas à l’époque. Un soir de Noël, Nelly rencontre Nadine. Les deux femmes tombent amoureuses, mais sont séparées par la guerre. Ayant toutes les deux miraculeusement survécu aux camps, elles mettent tout en oeuvre pour se retrouver et passer la fin de leur vie aux côtés l’une de l’autre.
Sylvie a croisé Nadine toute son enfance ou presque, notamment lorsqu’elle rendait visite à sa grand-mère alors installée en Amérique du Sud. C’était une amie, une compagne, et bien plus encore. Le visionnage des films super 8, les mains qui se frôlent, et surtout le regard, amoureux, posé sur Nelly par la caméra de Nadine ne laissent plus de place au doute.
Le mystère des vieux papiers, la magie de la pellicule, les mots des deux femmes (lus et interprétés avec grâce par Anne Coesens et Bwanga Pilipili), mais aussi les images du film d’Henri Storck, Symphonie Paysanne, qui viennent habiller le récit, donnent au destin de Nelly et Nadine un souffle irrésistiblement romanesque. L’histoire de ces deux femmes s’impose d’abord comme une inspirante et bouleversante histoire d’amour plus forte que la guerre, mais aussi comme un témoignage de la puissance des amours et amitiés lesbiennes au siècle dernier, à travers le parcours de leur couple, mais aussi à travers l’histoire de Nadine, secrétaire et amante de l’écrivaine Djuna Barnes. Les sublimes mots d’amour de Nelly naissent au coeur de l’horreur, et résistent à la barbarie des hommes. Au fil des pages de son journal s’écrit le double portrait de deux héroïnes du XXe siècle, deux combattantes de la résistance, et deux opposantes aux normes et aux conventions sociales, mues par la force de l’amour et la soif de liberté.