Certains réalisateurs ne se relèvent jamais d’un succès-surprise. D’autres enchaînent très vite avec la première opportunité qui se présente. Une troisième catégorie prend son temps, examine les propositions et se pointe finalement là où on ne l’espérait pas particulièrement.
Propulsé au firmament du cinéma belge avec les Barons, Nabil Ben Yadir fait partie de ce dernier groupe. On l’attendait sur un film baptisé Annapurna où il aurait retrouvé Jan Decleir, une des stars venues lui prêter main-forte sur son premier long, mais dès le mois de mars, il tempérait notre impatience : « Normalement, je réalise un autre film en France avant. C’est un film que j’ai coécrit et qui se tournera dans quelques mois. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant, mais c’est une grosse production avec un sujet très très fort sur l’histoire de France dans les années 80 »
Quelques mois plus tard, l’information (qu’on a tenue secrète ;-)) est effectivement devenue officielle: le remuant trentenaire qui a écrit ce nouveau scénario avec Nadia Lakhdar et Ahmed Ahmidi commencera le 11 février le tournage de son prochain long métrage avec ce qu’il est convenu d’appeler un superbe casting . Des noms? Avec plaisir ! Lambert Wilson (Des hommes et des dieux), Ramzi Bédia (de Eric et Ramzy), Leila Bekhti (Le Sac de Farine), Vincent Rottiers (Le monde nous appartient, L’hiver dernier) et Charlotte Le Bon (ex-Canal Plus, Astérix et Obélix : au service de sa majesté)…
Cineuropa nous apprend que ce deuxième long métrage est produit par Hugo Sélignac (Les Petits Mouchoirs) avec sa société Chi-Fou-Mi, pour un budget de 10,6 millions d’euros. En Belgique, c’est Entre Chien et loup qui cherchera les financements. Une collaboration logique après l’efficace travail fourni sur Les Barons.
Comme Nabil nous le laissait entendre, le scénario s’inspire d’un fait bien réel. En 1983, des jeunes résidents du quartier des Minguettes, une cité lyonnaise, se lancent dans une marche non violente pour l’égalité et contre les discriminations. Leur idée est de relier Marseille à Paris pour alerter l’opinion publique sur la situation précaire des Français issus de l’immigration.
« Le 3 décembre 1983 à Paris », rappelle Mogniss H. Abdallah dans un article fort intéressant à lire ICI, « cent mille personnes environ accueillent la Marche pour l’égalité et contre le racisme dans une ambiance de fête. Partie de Marseille le15 octobre 1983 dans l’indifférence quasi-générale, la Marche est peu à peu devenue un événement politique historique. Il sera considéré comme un acte fondateur pour la jeunesse des banlieues. A travers le pays, les jeunes issus de l’immigration mais aussi de nombreux Français se sont identifiés aux marcheurs et rejoindront ce que l’on nommera un temps le mouvement beur. Désormais, les Beurs ne sont plus seulement les enfants d’immigrés invisibles, mais bien des acteurs à part entière de la société française. Cette nouvelle donne va bouleverser la perception de l’immigration et redessiner le paysage politique antiraciste. »
Sans surprise, le film s’appelle La Marche. Une marche qui accueillit de nombreuses personnes au fil des kilomètres. Et qui espère attirer autant de spectateurs dans les salles.