« Mon Légionnaire », d’amour et de guerre

Rachel Lang offre avec Mon Légionnaire, son deuxième long métrage présenté, une plongée troublante et inattendue au coeur d’une communauté obscure, celle de la Légion Etrangère, et interroge la carrière militaire sous le prisme de l’amour et de la famille. Sélectionné en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs, le film sort aujourd’hui en Belgique.

« OK, où je trouve mon compte moi? » s’interroge Céline. A la Légion, les femmes n’existent pas. Pas officiellement. D’ailleurs c’est bien connu, les légionnaires sont tous célibataires, pendant au moins 5 ans. Ca, c’est le discours officiel. En vrai, les légionnaires arrivent souvent déjà engagés, voire mariés, ou amoureux en secret. Et les femmes sont bien rangées entre elles, pour ne pas trop déranger.

C’est une histoire de guerre, et d’engagement. C’est une histoire d’amour. Ou plutôt, c’est une histoire sur ceux qui partent au combat, et sur celles qui entretiennent l’amour. Un monde où les hommes font la guerre, les femmes s’occupent du care. Un monde d’opposition, mais où finalement, les frustrations, les attentes et les fragilités se rejoignent.

Mon-Legionnaire-Rachel-Lang

Le film débute avec des corps, jeunes, plutôt, athlétiques, surement, qui dansent en uniforme. Une scène de boîte de nuit, sorte de parenthèse formelle qui introduit un récit lancinant qui fait écho aux interrogations qui traversent comme une lame de fond la vie d’un camp militaire. Des questions universelles, là où on ne les attend pas. Peut-on s’aimer quand on est loin de l’autre, et si oui, comment? Peut-on obéir à plusieurs loyautés, et la vie de famille est-elle soluble dans l’institution militaire?

Maxime aime Céline. Nika aime Vlad. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sentent bon le sable chaud, mais contrairement au légionnaire de la chanson, sur leur coeur à eux n’est pas inscrit « Personne ». Malgré la résistance de l’institution, malgré l’exclusivité de la Légion, ils essaient de faire couple, envers et contre tout, et de vivre leur amour.

Mon-Legionnaire-Rachel-Lang

Seulement comment aimer sereinement quand la mort attend au tournant? La vie militaire ne s’accommode pas de serments éternels, et l’inquiétude est l’état par défaut de ces coeurs en attente. Maxime et Vlad attendent l’ennemi qui semble ne jamais venir, au fin fond du Mali. Céline et Nika attendent leurs hommes, isolées en Corse, insulaires jusque dans leur amour.

Rachel Lang attaque l’armée par un angle inattendu, s’immisçant dans son intimité. L’intimité du métier, la vie de bivouac, la complicité mais aussi l’extrême solitude des hommes. Et l’attente, toujours l’attente, celle des ordres et des commandements, celle de l’ennemi, celle de la mort. L’intimité et l’attente aussi des femmes, des mères et des épouses retranchées dans la base, horizon d’espoir des hommes, qui doivent elles aussi gérer l’incertitude, et le maintien du lien, la difficile reconnexion.

Mon-Legionnaire-Rachel-Lang

Le film et ses histoires d’amour se déploient sur un rythme lancinant, prenant le temps d’écouter les silences, de deviner les mots qu’on ne dit pas. Le temps de laisser venir un baiser, ou de voir les saisons passer. Sur le bivouac, le temps semble presque immobile. On observe les moments triviaux, les gestes anodins, les moments de camaraderie, mais aussi d’ennui. Retour à la base, la vie des femmes est tissée des mêmes liens, ennui, attente, sororité de circonstance.

A ce temps hors du temps répond l’absence. Les hommes de retour au camp, même présents, sont toujours un peu absents. Et les couples ne se retrouvent jamais vraiment. Il leur en faut de l’amour, pour faire couple sans jamais vraiment se trouver.

Mon-Legionnaire-Rachel-Lang

Dans le rôle des jeunes amoureux, on retrouve Aleksandr Kuznetsov, découvert à Cannes en 2018 dans Leto de Kirill Serebrennikov, et Ina Marija Bartaité, jeune comédienne découverte par Rachel Lang dans Peace to Us in Our Dreams du réalisateur lituanien Sarunas Bartas, et décédée tragiquement en avril dernier. Tous deux incarnent avec intensité et mystère les jeunes amoureux éloignés par la Légion.

Dans le rôle du couple installé, Louis Garrel et Camille Cottin surprennent par leur engagement, là où on ne les attendaient pas, luttant pour surmonter les silences, et réparer les fragilités.

La sortie est prévue à l’automne.

Check Also

Bande-annonce: « Il pleut dans la maison » de Paloma Sermon-Daï

Retrouvez la bande-annonce du premier long métrage de fiction de Paloma Sermon-Daï, Il pleut dans …