Tahiti, Polynésie française. Entre la piste de l’aéroport international et une petite colline de terre s’étend le quartier du Flamboyant. Là, on dit « quartier » pour ne pas dire « bidonville ». Ces quartiers sont les lieux que l’histoire coloniale française et les trente années d’essais nucléaires ont rempli d’un peuple aliéné, déstructuré. A l’image de la radioactivité qu’on ne peut ni sentir, ni voir, mais qui persiste pour des centaines de milliers d’années, la contamination des esprits s’est lentement et durablement installée. Aujourd’hui le peuple Ma’ohi est un peuple dominé qui a oublié sa langue, qui ignore son histoire et qui a perdu le lien à sa terre et à son rapport au monde.
Pourtant là, dans ce quartier de baraques colorées, quelque chose survit, quelque chose de ténu, d’enfui, de presque invisible, et qui résiste à la disparition. En confrontant l’esprit Ma’ohi à son histoire nucléaire et à son présent fracturé, le film montre le visage d’une colonisation contemporaine et l’élan vital d’un peuple qui tente de ne pas s’oublier et qui, silencieusement, cherche le chemin de l’indépendance.
Voyage intérieur autant que géographique, dans l’archipel qui fut le théâtre des expériences nucléaires françaises. Fidèle à sa démarche impressionniste très personnelle, Annick Ghijzelings (Terre, terra, terrae, 27 fois le temps) confronte l’esprit et l’histoire Ma’Ohi à son présent fracturé. Le film approche l’élan vital d’un peuple colonisé qui tente de ne pas s’oublier et se cherche une identité indépendante.