Magritte 2020: nominations serrées!

Les nominations des 10e Magritte du Cinéma viennent d’être annoncées, et une fois de plus, la compétition s’annonce serrée! Si Duelles et Le Jeune Ahmed font la course en tête avec 10 et 9 nominations, on relèvera également la belle présence de Lola vers la mer (7 nominations) et Nuestras Madres (6 nominations).

C’est donc un peu le choc des Titans auquel nous risquons d’assister le 1er février prochain, avec d’un côté, Olivier Masset-Depasse et son angoissant thriller psychologique à la direction artistique impeccable, Duelles, propulsé par deux actrices au sommet de leur art, et de l’autre, Le Jeune Ahmed, qui signe le retour en grande forme des frères Dardenne à l’ADN de leur cinéma, avec le portrait âpre et tendu d’un jeune adolescent à la dérive.

5 films en lice pour le Graal

Olivier Masset-Depasse s’était distingué en 2011 lors de la première édition des Magritte, avec Illégal. Difficile à l’époque de faire face au raz-de-marée Mr Nobody de Jaco Van Dormael, mais le film avait rassemblé 8 nominations, et ses actrices s’étaient vues couronnées, Anne Coesens du Magritte de la Meilleure actrice, et Christelle Cornil de celui de la Meilleure actrice dans un second rôle. Avec 10 nominations pour Duelles cette année, il fait l’unanimité chez les votants. Outre les 3 catégories qui le concernent (film, réalisation et scénario), son équipe artistique est aux avant-postes: image, son, musique, montage, autant de catégories dans lesquelles le film a de sérieuses chances. La vraie question demeure la suivante: comment les votants parviendront-ils à départager ses deux comédiennes, Anne Coesens et Veerle Baetens, toutes deux nommées pour le Magritte de la Meilleure actrice?

 

Du côté des Dardenne, retour en 2013 avec Le Gamin au vélo (8 nominations, et Magritte du Meilleur espoir pour Thomas Doret), et surtout en 2015 pour Deux jours une nuit, Magritte du Meilleur film, de la Meilleure réalisation et du Meilleur acteur pour Fabrizio Rongione. Après le rendez-vous manqué de 2018 avec La Fille Inconnue, ils reviennent en force cette année avec leur record de nominations pour Le Jeune Ahmed, qui célèbre leur travail bien sûr (Meilleur film, Meilleure réalisation et Meilleur scénario), celui de leur fidèle collaboratrice la monteuse Marie-Hélène Dozo, mais aussi leur travail de directeurs d’acteur, et la réussite de leur casting, composé de nouveaux venus (Idir Ben Addi et Victoria Bluck) et de seconds rôles discrets mais tellement justes (Myriem Akeddhiou, Claire Bodson et Othman Moumen).

 

Face à ces deux mastodontes, on retrouve assez logiquement Nuestras Madres, premier long métrage de César Diaz qui a fait sensation en remportant la très prestigieuse Caméra d’or lors du dernier Festival de Cannes. Le film compte 6 nominations, une belle performance sachant que ses comédien·nes, mexicains et guatémaltèques, ne sont donc pas en lice. On relèvera notamment la nomination de la chef opératrice Virginie Surdej, primée en 2018 pour son remarquable travail sur Insyriated de Philippe Van Leeuw, et qui a également signé cette année la superbe image de By the Name of Tania (nommé dans la catégorie Meilleur documentaire). On retiendra d’ailleurs que cette catégorie de la Meilleure image devrait être très disputée, puisqu’y figurent également Hicham Alaouie (déjà nommé à trois reprises pour L’Hiver Dernier, Les Chevaux de Dieu et Tokyo Fiancée) pour Duelles, et Benoît Debie, chef opérateur de renommée internationale, nommé pour la 2e fois (seulement?) aux Magritte pour Les Frères Sister de Jacques Audiard.

 

Avec 7 nominations, Lola vers la mer de Laurent Micheli tire sérieusement son épingle du jeu. Meilleur film, Meilleure réalisation, Meilleur scénario, Meilleur montage, Meilleurs décors, Meilleure musique viennent souligner l’audace pop du portrait de ce jeune fille transgenre en conflit avec son père, forcée le temps d’un trajet vers la mer de réécrire son histoire familiale pour aller de l’avant. Sa jeune actrice, Mya Bollaers, dont c’est le premier rôle, est nommée dans la catégorie Meilleur espoir.

La surprise du chef dans la catégorie Meilleur film vient sans conteste de Seule à mon mariage, l’ébouriffante trajectoire d’émancipation d’une jeune femme qui compte bien contrarier son destin tout tracé. Marta Bergman signe ici une oeuvre tout en mouvement et en fluidité, portée par l’énergie de son actrice Alina Serban, qui permet à la société liégeoise Frakas d’être nommée pour la première fois dans la catégorie Meilleur Film, après avoir remporté celles du Meilleur film étranger en coproduction en 2018 avec Grave, et du Meilleur film flamand l’année dernière avec Girl. Frakas concourt également cette année dans les catégories Meilleur film étranger en coproduction avec Atlantique et Meilleur court métrage de fiction avec Bruxelles-Beyrouth!

Les nominations, c’est aussi une photographie en creux des films et des talents qu’on ne retrouve pas dans la liste. On aura ainsi une pensée pour Continuer, l’épopée épique et intime de Joachim Lafosse, absente des nominations, ou encore la seule nomination dans la catégorie Meilleur premier film pour le délicat Pour vivre heureux, Prix Cinevox 2018, certes déjà sorti depuis plus d’un an. Il est des années où la bataille est rude. On retiendra également l’absence de Virginie Efira, mère courage dans Continuer, mais aussi éblouissante dans Un amour impossible et Sibyl, également en lice pour Le Grand Bain. Difficile pour les votants de choisir une performance.

Le bal des actrices (et des acteurs)!

On l’a vu, malgré une année pleine de rôles forts, on ne retrouvera pas cette année Virginie Efira au palmarès des Magritte. Par contre, 4 actrices chevronnées illumineront la soirée, à commencer par le terrible duo de Duelles. Toutes deux ont déjà remporté la statuette, Anne Coesens pour Illégal en 2011, Veerle Baetens pour Un début prometteur en 2016. Mais comment départager ce si complémentaire duo?

Face à elles, l’incontournable Lubna Azabal. Lauréate l’année dernière pour Tueurs, elle gagne à chaque fois qu’elle participe, puisqu’elle a également remporté le Magritte de la Meilleure actrice en 2012 pour Incendies, et celui de la Meilleure actrice dans un second rôle en 2015 pour La Marche. Laissera-t-elle une chance aux autres cette année, malgré sa délicieuse prestation d’actrice au bord de la crise de nerfs dans Tel Aviv on Fire? Cécile de France enfin complète le quatuor. C’est une 5e nomination pour la comédienne namuroise encore jamais primée jusqu’ici, et qui concourt cette année avec sa prestation toute chamanique dans Un monde plus grand.

Tel-Aviv-On-Fire-Lubna-Azabal

 

Chez les hommes, l’Académie n’a pas su résister à la transformation physique très Actor’s Studio de Kevin Janssens, méconnaissable dans De Patrick. Marc Zinga transforme l’essai après son Magritte du Meilleur espoir pour Les Rayures du Zèbre en 2015. Il est impressionnant d’intensité dans La Miséricorde de la Jungle. Benoît Poelvoorde est nommé pour la 6e fois pour sa prestation mélancolique de vendeurs de piscine dépressif qui se lance dans Le Grand Bain, tandis que Bouli Lanners compose un père désemparé mais profondément aimant dans C’est ça l’amour. Le comédien et réalisateur a déjà reçu de nombreux Magritte, mais jamais celui du Meilleur acteur. 2020 sera-t-elle son année?

CestCaLamour

 

Il est d’ailleurs également en lice dans la catégorie Meilleur acteur dans un second rôle pour De Patrick, face au troublant Outhman Moumen, à l’affiche du Jeune Ahmed, au lauréat de l’année dernière, Arieh Worthalter (nommé cette année pour son rôle dans Duelles), et à Jonathan Zaccaï, également au générique du Grand Bain, et qui rappelons-le, est le lauréat du premier Magritte du Meilleur acteur en 2011 pour Elève Libre!

Chez les comédiennes, Le Jeune Ahmed est là aussi bien représenté avec Myriem Akheddiou et Claire Bodson, tandis que l’on retrouve l’excellente Yolande Moreau (pour son rôle dans Cleo), et que Stéphanie Crayencour décroche l’une des deux nominations d’Emma Peeters pour sa pétillante performance.

Mais aussi…

Impossible d’être exhaustif dans cette revue des nominations, on relèvera néanmoins la très forte tenue de la compétition documentaire, où seront confrontés Bains Publics de Kita Bauchet, By the Name of Tania de Bénédicte Liénard et Mary Jimenez, Mon nom est clitoris de Lisa Billuard Monet et Daphné Leblond et Sans frapper d’Alexe Poukine, 4 films dont nous vous avons régulièrement parlé, quatre films… réalisés par des femmes, notons-le.

Retrouvez ici l’intégralité des nominations.

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